15 Psaumes des Montées

Méditations de Monseigneur LE GALL

15 Psaumes des Montées

En ce début d’année, après cette introduction, publiés un par un chaque semaine,

DES PSAUMES POUR NOS CHEMINS D’ÉGLISE
POUR NOTRE ROUTE
VERS LA PAIX ET L’UNITÉ
EN COMMUNAUTÉ DE DISCIPLES


Nous sommes tous en chemin et nous allons de visitation en visitation missionnaire, dans l’allégresse légère de la Vierge Marie sur les monts de Judée. Les catéchumènes, les confirmands nous montrent, chaque année, que des gens se mettent en route à la suite de Jésus, avec lui. Les deux synodes récents sur la famille, sur sa place centrale dans la société et dans l’Église, mais aussi sur les difficultés qu’elle doit surmonter, soulignent, comme l’a repris le pape François la diversité des cheminements vers sa pleine réalisation dans le plan de Dieu,avec les étapes progressives qui doivent être franchies.

De toute façon, nous sommes tous en marche, dans l’Histoire du salut,vers le Royaume des cieux annoncé par Jésus dans l’Évangile, vers cette Jérusalem céleste que décrivent les dernières pages de l’ Apocalypse de saint Jean sans que cela nous détourne des engagements qui doivent être les nôtres au service des cités terrestres, pour la sauvegarde notamment de notre maison commune qu’est la terre et pour aller vers une plus grande justice dans la répartition des biens nécessaires à chacun, condition de la paix.

Pour bien marcher, il faut chanter, comme le font les pèlerins de saint
Jacques de Compostelle. « Chante et marche ! », écrivait saint Augustin, l’auteur de La Cité de Dieu , au moment où les Barbares mettaient à mal la civilisation romaine. Au peuple de Dieu pèlerin, il faut des chants. La Sainte Écriture nous en donne un bon nombre, notamment dans les livres des prophètes. Elle nous donne même un carnet de chants, le livre des Psaumes, qui est la Parole de Dieu sous le mode de la poésie et du chant. Dans l’ Apocalypse, ils sont les « cantiques de l’Agneau » que chantent les élus à la suite du grand chantre de l’éternité, Jésus, l’Agneau égorgé et vainqueur (on pense à l’abbé Jacques Hamel égorgé à l’autel le 26 juillet 2016 dans l’église Saint-Étienne du Rouvray).


Au début de juillet, nous entendions le prophète Michée nous faire une
triple recommandation : « Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (6, 8).

  • Respecter le droit, tant dans la vie civile que dans la vie ecclésiale (droit canonique), c’est assurer la liberté des personnes, nous respecter les uns les autres, ce qui est la première exigence de l’amour.
  • La fidélité n’est pas la vertu la plus prônée de nos jours ; pourtant Dieu nous demande de l’aimer et de la vivre, car elle assure la continuité de l’amour, notamment dans les familles.
  • La troisième  recommandation (Amoris lætitia , du 19 mars 2016)​ anticipe l’appel de Jésus à ses disciples : « Viens, suis-moi ! »

Nous appliquer à marcher avec notre Dieu : voici ma consigne de l’année pour notre diocèse, dans la continuité de Tous en mission de disciples (2015-2016). Marcher ensemble avec le Christ, « sortir » pour être missionnaires, entraîner dans notre pèlerinage, comme aux récentes Journées Mondiales de la Jeunesse en Pologne, beaucoup de monde : c’est notre route ensemble, non en une grande masse informe, mais par groupements de communautés de proximité proches aussi les unes des autres. 

Pour cela, je vous propose de reprendre les Psaumes graduels, cette collection de petits joyaux de prière que les Juifs chantaient en montant à Jérusalem : on les appelle aussi Cantiques des montées . L’idée m’en est venue en constatant que notre pape François commence son Exhortation apostolique sur la famille  (Amoris lætitia , du 19 mars 2016)​ par l’évocation de trois de ces petits joyaux : dès le premier numéro du premier chapitre, il cite entièrement le Psaume 127 (n°8) qui chante le bonheur familial lié au regard porté vers Dieu ; il le commente en montrant la place du travail dans et pour la vie de la famille (n°9-26) ; il cite aussi le psaume précédent (126), pour rappeler la force et la plénitude qu’apportent les enfants à leurs parents (n°14), mais aussi « le pain des douleurs » (n°23) que mangent parfois les familles ( Ps 126, 2). S’il qualifie d’« idylle  » le Psaume 127, c’est pour ajouter que la Bible n’ignore pas les difficultés ni les drames des familles ; les Pères des deux synodes s’y sont attardés. Mais il lui tient à cœur de recourir « au doux et savoureux Psaume 130 », bijou psalmique, que le Pape cite, revenant sur cette tendresse qu’il évoquait, dès son homélie de l’inauguration de son pontificat (19 mars 2013), pour en dire l’urgence en nos sociétés marquées par la dureté et la violence (n°28). Il n’est pas anodin de constater que le pape François cite d’emblée ces trois psaumes graduels au début du chemin qu’il propose aux familles. Pour notre route diocésaine, en nos communautés de disciples, « disciples missionnaires », ils sont des cantiques précieux qu’il nous faut apprendre à chanter ensemble.

 Les psaumes graduels ne sont pas de longues et hautes verrières, comme celles de la nef raymondine de la cathédrale Saint-Étienne, ni les vitraux de la foi, de l’espérance et de la charité de la chapelle Sainte-Claire, à l’Institut catholique de Toulouse, mais plutôt des spots de lumière, à l’image de tel ou tel carré de notre maître-verrier Henri Guérin, centré, par exemple, sur l’Agneau.

Dans le psautier, ils arrivent après le plus long de tous les psaumes (le
118 e ), celui qui déroule, au fil des lettres de l’alphabet hébreu, 22 strophes de 8 versets commençant par la même lettre, une envoûtante méditation de la Loi de Dieu, où reviennent toujours les mêmes mots. Nous retrouvons souvent ces strophes dans la liturgie des Heures. Le plus surprenant est le tout dernier verset, qui rompt avec le rythme des 175 qui le précèdent : « Je m’égare, brebis perdue, viens chercher ton serviteur.Je n’oublie pas tes volontés ».

Le psalmiste n’a cessé de revenir sur la loi de Dieu qui, pour nous,
est cette Loi nouvelle que l’Esprit inscrit dans nos cœurs : au terme de tous ces couplets successifs de huit versets, il se sent incapable et indigne de la scruter ou de la chanter ; il s’en remet alors au Bon Pasteur, pour qu’il vienne le prendre sur ses épaules et le ramener au troupeau, préludant ainsi à l’une des plus belles pages de l’Évangile (cf. Lc 15, 3-7). Magnifique transition pour arriver aux psaumes des Montées  ! 21 Amoris lætitia , du 19 mars 2016. (« Les litanies de la torah introduisent les louanges des 15 cantiques des Degrés, les shiré hama’alot », André C HOURAQUI , Les Psaumes , Presses Universitaires de France, 1956, p. 29.


« Les 15 psaumes, dits des Degrés ou des pèlerinages, sont autant de joyaux incrustés dans un unique dessein : ils forment un chapitre bien particulier du Livre des Psaumes. Composés pour être dits sur les Degrés qui conduisaient au Temple, ou bien dans les cérémonies de pèlerinage, ils suivent le rythme intérieur qui commande toute la doctrine de ce livre : de l’exil à l’adoption, des ténèbres à la lumière, du sommeil à la conscience objective, de la mort à la vie éternelle. Le départ de cette montée vers Dieu, rendue possible par le don de la Torah, est la terre d’exil, Méchech et Kédar : l’âme déjà pacifiée souffre de la guerre qu’elle subit loin du Seigneur, de la part des puissances des ténèbres ». (3 Ibid. , p. 338.)


Ils avancent, avec des hauts et des bas, passant de situations de détresses à des expériences de paix divine, du 119 e au 133 e :

  • 15 psaumes qui nous font monter ensemble vers la Maison du Seigneur, où l’on veille jour et nuit.
  • 15 chants, comme trois fois la Loi (les 5 livres du Pentateuque), inscrite dans le concret de nos vies (On pourra reprendre, dans notre patrimoine toulousain, le livre de l’abbé Louis Monloubou, sur L’âme des psalmistes ou la spiritualité du psautier, notamment le chapitre intitulé : « Le pèlerinage des pauvres en Sion » (chapitre VI) : « Un horizon exceptionnel ? Un panorama unique ? Non ! beaucoup plus, beaucoup mieux : un mystère ! À ces chercheurs fatigués, dont un minuscule point géographique fascine soudain le regard, déjà “Dieu apparaît en Sion” (83, 8). Gageons que si le pèlerin en est à sa première visite son regard n’a pas atteint de suite une telle profondeur ; la signification religieuse de la Ville n’a pas, tout de suite, confisqué son attention et monopolisé ses pensées. Son admiration se porte sur les choses colorées, étonnamment vivantes qu’il aperçoit enfin. Il ne s’étonne donc nullement d’entendre son compagnon de voyage, poète à ses heures, se laisser dominer par l’émotion et brandir avec enthousiasme l’hyperbole orientale ; alors “l’humble colline de Sion”, toute écrasée pourtant par le cercle des montagnes environnantes, devient un royal sommet : montagne de rêve, aux dimensions plus ou moins mythiques, assez peu comparable, noterait un esprit borné, à la silhouette timide du divin rocher » (p. 75-76, Mame, « Paroles de vie », Tours, 1968). ;
  • 15 psaumes, comme la dîme des 150 Psaumes du livre des Louanges (Titre du Psautier en hébreu) .
     

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse

Le 10 septembre 2016
10e anniversaire de mon installation
à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse