Des apôtres confinés

par le père Lizier de Bardies

Des apôtres confinés

Ainsi donc, après la mort et l’ensevelissement de Jésus, les apôtres dans la crainte s’étaient verrouillés dans la chambre haute, le cénacle. Il ne faut pas oublier que nous sommes deux jours après la crucifixion de Jésus. Les Onze, comme les autres disciples, sont totalement bouleversés. Marc, dans son Évangile, écrit que « ceux qui avaient vécu avec lui s’affligeaient et pleuraient ». Probablement partagent-ils les sentiments des disciples d’Emmaüs : « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. »

C’est dans ce « confinement » que le Seigneur vient les visiter et se rendre présent, et leur donner sa paix, et manger avec eux…

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Ce n’est pas la première fois, dans la geste biblique, que des amis de Dieu sont conduits à s’isoler et s’enfermer pour se protéger. Ainsi le prophète Élie connut le découragement : « Il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : " Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Et c’est dans une caverne du Sinaï (la même caverne où Moïse s’était tenu pendant que passait la gloire de Dieu) que le Seigneur, annoncé par le murmure d’une brise légère, visita Élie pour le réconforter le l’envoyer.

C’est pour échapper à un autre danger que Noé, lui, resta confiné dans l’arche avec sa famille – en tout huit personnes – pendant les quarante jours et quarante nuits que dura le déluge ; puis, quand les eaux eurent reflué, il reçut la paix de Dieu, à travers le message de la colombe porteuse dans son bec d’un rameau frais d’olivier.

Quant à Jonas, il n’échappa aux eaux qu’en restant confiné trois jours dans le ventre d’un gros poisson, à qui Dieu avait commandé d’engloutir le prophète. Celui-ci priait dans le ventre du poisson :

«  Les eaux m’ont assailli jusqu’à l’âme, l’abîme m’a cerné ;
les algues m’enveloppent la tête, à la racine des montagnes.
Je descendis aux pays dont les verrous m’enfermaient pour toujours ;
mais tu retires ma vie de la fosse, Seigneur mon Dieu. 
 ».

Alors le Seigneur parla au poisson, qui rejeta Jonas sur la terre ferme, et celui-ci obéit au Seigneur.

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Nous aussi sortirons un jour du confinement. En attendant nous pouvons toujours y trouver un nouveau rythme à notre prière et une vigueur nouvelle à notre vie spirituelle.

Nous pouvons aussi entrer dans un nouveau mode de relations les uns avec les autres (les relations numériques ont leur saveur et leur richesse propres). Et du mal peut sortir un bien : ne voyons-nous pas fleurir chaque jour, pour ceux qui sont loin comme pour ceux qui sont proches, de nouvelles pratiques de solidarité et de communion ?

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Ce temps nous donne aussi l’occasion de réfléchir à notre vie, descendant au-dessous de sa surface. Il est aussi à coup sûr l’occasion de nous laisser visiter par Dieu.

Dans le drame que nous vivons peut-être notre cœur nous porte-t-il à accuser Dieu. Mais Dieu est plus grand que notre cœur. Comme le disait le P. Cantalamessa dans son homélie du Vendredi saint, en présence du pape François : « Dieu est notre allié, pas celui du virus ! " Je forme à votre sujet des pensées de paix, et non de malheur " » (…) Non ! Celui qui a un jour pleuré la mort de Lazare pleure aujourd’hui le fléau qui est tombé sur l’humanité. Oui, Dieu ‘souffre’, comme chaque père et chaque mère. »

Et cette tragédie peut ainsi conduire cependant à corriger nos vies, nos modes de pensée, nos modes d’être. Comme l’écrit la Lettre aux Hébreux : « Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice.  »

Comme pour les disciples confinés au Cénacle, la visite du Seigneur qui se rend présent est d’abord signe et don de sa paix. Il nous revient qu’elle produise pour chacun de nous comme pour notre monde brisé des fruits de justice.

 


Actualité publiée le 21 avril 2020