Des travailleurs de l’ombre : Portraits de bénévoles de l’Aide au Travail des Cloîtres

Artisanat monastique

Des travailleurs de l’ombre : Portraits de bénévoles de l’Aide au Travail des Cloîtres

Depuis quelques temps les médias, et en particulier la télévision, mettent à jour le travail méconnu des moines et des moniales dans l’enceinte de leurs cloîtres. Effectivement, celui-ci occupe une place tout aussi importante dans leur vie que la prière et il leur permet de vivre et d’entretenir leurs belles abbayes. Cependant il est rare que la lumière soit mise sur les personnes extérieures aux couvents qui les aident et travaillent aussi autour des produits issus de ce travail. Ces bénévoles sont regroupés au sein de l’association d’Aide au Travail des Cloîtres et œuvrent dans les boutiques d’Artisanat Monastique, au nombre de sept en France, à Paris, Nantes, Rennes, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse.

Bien avant l’ère d’internet, ces boutiques ont été créées il y a trente ans avec la bénédiction de l’Église pour commercialiser les produits d’artisanat monastique. Les bénévoles assurent la gestion et la vente mais ils contribuent aussi à conseiller et adapter les produits au marché, et vont jusqu’à prescrire aux monastères des nouveaux objets à réaliser.

Il faut rencontrer Christiane, 90 ans mais on ne le devinerait pas, bénévole depuis les débuts de l’aventure et responsable depuis toujours du rayon parfumerie à la boutique de Toulouse. Ancienne gérante d’un commerce d’agencement de magasin, elle tient son rayon depuis 30 ans – et de façon impeccable ! -, gérant les commandes comme les livraisons au gré de la demande des clients de la Ville rose. Qui d’autre mieux qu’elle saurait vous décrire la différence entre le baume décontractant et le baume apaisant de Ganagobie ? Ou bien vous vanter les bienfaits des huiles essentielles de Soligny ? Sans parler de ceux de la miraculeuse Eau d’Émeraude des bénédictines de Bouzy-la-Forêt…
Qui sait que le fameux savon de bain de Chantelle était autrefois fabriqué à l’abbaye Notre-Dame-du-Désert, si près de Toulouse ? Et vous raconter comment un jour le moule se brisa, ce qui décida la délocalisation de la fabrication ? Toutes ces anecdotes, les laïcs qui gèrent les ateliers de Chantelle aujourd’hui la connaissent-ils ?

Monique, 84 ans, vient aussi vendre régulièrement à la boutique… Son père étant directeur commercial de la Chartreuse à Voiron, elle est quasi née dans la distillerie ! Chez elle, on connaissait presque le secret précieusement gardé par les moines des multiples plantes présentes dans les alcools de chartreuse, jaune ou verte.

Mais à l’Artisanat Monastique, boisson et alimentation sont du domaine de Danielle. Jonglant avec les obligations familiales, elle continue de veiller sur l’approvisionnement en confitures, chocolats, pâtes de fruit et biscuits. Elle vient d’ailleurs de référencer la bière de Saint-Wandrille qui probablement fera concurrence à la célèbre Alexion…

Jacqueline, responsable des articles religieux, vient d’entreprendre un voyage culturel en Grèce au cours duquel elle a beaucoup appris sur les icônes. Elle pourra par exemple vous expliquer pourquoi l’enfant Jésus a une tête d’adulte dans les icônes traditionnelles. Cet été, elle a fait la tournée de plusieurs monastères afin de choisir les icônes de visu et les rapporter à la boutique sans casse ni frais de port. Et comme il faut répondre à la demande du moment et suivre les tendances, c’est elle qui a suggéré aux monastères de coudre et broder des écharpes de baptême à la place des traditionnelles robes. Car l’artisanat c’est aussi la possibilité de personnaliser, ce qui plaît beaucoup aux clients qui apprécient de voir un nom figurer sur lesdites écharpes, les bougies ou les plaquettes en céramique ou en bois. Celles des Saints Patrons réalisées par les dominicaines de Prouilhe ou les bénédictines de Venières en sont un bel exemple.

Après avoir travaillé comme secrétaire à la boutique pendant plusieurs années, Françoise, la soixantaine, s’occupe dorénavant du rayon maison. Son bonheur, c’est par exemple d’apporter des éponges à broder aux petites sœurs ermites du Perthus, d’envoyer un nouveau modèle de tablier à boutons aux carmélites de Saint-Flour ou bien encore de prédécouper des carrés de tissu qui serviront à la confection de sacs à tarte.
Rappelons que ce type de commerces permet à de toutes petites communautés de vivre de leur travail et donc de perdurer. Catherine refait la vitrine du magasin : c’est en bonne place qu’elle accroche la pancarte «  Ici par vos achats, vous contribuez à la vie des monastères ». Même s’il est parfois compliqué de faire cohabiter la cire du Père Fulgence de l’abbaye de Maylis avec les sirops d’Aiguebelle, les chapelets de Chambarand ou encore les faïences des petites sœurs de Bethléem !
Christine, toute nouvelle arrivée, a du temps à donner car ses enfants viennent de partir de la maison et elle n’est pas encore grand-mère. Elle prend la suite de Marie-Thérèse pour s’occuper du secteur des enfants : doudous, petits pulls, chaussons, jouets en bois, sorties de bains, matelas à langer et porte-couches…

Nous n’oublions pas Christian qui a procédé très récemment, lui aussi bénévolement, à toute l’installation informatique de la boutique. Eh oui, la modernisation est nécessaire même si elle n’est pas facile à prendre en main par toutes les caissières qui travaillent chacune une demi-journée par semaine, donc une fine équipe !

Chaque bénévole a sa propre motivation et une bonne raison pour rendre service : un moine ou une religieuse parmi les membres de sa famille, une simple envie de mettre son talent au service d’une bonne œuvre (informatique, couture…) ou de continuer son activité au-delà de la retraite (commerce, comptabilité…). Au total, c’est une quarantaine de bénévoles qui se relayent à la boutique de Toulouse.

Pour ma part, c’est un émerveillement quotidien de gérer et faire cohabiter toutes ces bonnes volontés, et j’espère avoir ainsi suscité une certaine reconnaissance, même si elle n’est pas recherchée, pour ces personnes.

Nathalie Guépet
Nouvelle directrice de la boutique de Toulouse
(depuis le mois de mai 2016)

 


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Actualité publiée le 9 mars 2017