Devenir amis des plus pauvres

Vivre le Carême avec le Quart Monde

Devenir amis des plus pauvres

Un an après le rassemblement de Lourdes, le message prophétique de Diaconia peine encore à trouver son chemin jusqu’au cœur de l’Eglise. Rien d’étonnant pour Sœur Suzanne, car il exige d’ouvrir ses oreilles et de se laisser convertir progressivement. Mais, sur ce chemin, quelle joie !

  • D’où vient la préférence de Dieu pour les plus pauvres et qui sont-ils aujourd’hui ?
Quand on lit la Bible, on découvre que Dieu choisit depuis toujours le plus petit. Abel, dont le nom signifie « un peu de vapeur », est préféré à Caïn. La préférence de Dieu va vers Joseph, le dernier, vers David, le plus petit ou Gédéon, le plus faible. Quant à Jésus, sa naissance est d’abord annoncée aux exclus et il meurt entre deux brigands. Toute sa vie, Jésus est en connivence avec les plus pauvres, avec ces foules qui ne connaissent pas la Loi. Parce qu’il fréquente ces gens, il est traité d’ivrogne, de glouton, de blasphémateur. Actuellement, les plus pauvres sont ceux qui sont exploités par le système économique et n’ont pas les moyens de comprendre et de se faire comprendre. Ceux qui ne sont pas traités de la même manière que les autres parce qu’ils ne viennent pas du bon quartier. Qui vivent dans la peur que leurs enfants soient placés. A Toulouse, plus que dans d’autres villes, les écarts se sont encore creusés entre riches et pauvres. Etre très pauvre, c’est vivre dans un monde à part. Jusqu’à en ressentir de la culpabilité. Car on est arrivé à convaincre les plus pauvres que la pauvreté est de leur faute. Les maux d’aujourd’hui viennent aussi d’une grande pauvreté morale. On ne sait plus ce qui est bien, ce qui est mal. Les parents se sentent angoissés, dépassés face à des enfants qui décrochent très jeunes de l’école et que les aînés tentent d’assumer. Les familles n’osent pas parler mais il y a de plus en plus de situations d’injustice. 

  • Comment avez-vous été amenée, avec vos sœurs de Bonne Nouvelle Quart-Monde, à devenir amies des plus pauvres ? 
« Ils ont des oreilles et n’entendent pas » dit le prophète Isaïe. Nous avons entendu ! C’est un véritable cadeau de Dieu et une grâce à demander. Il n’y a pas à condamner les gens parce qu’ils n’ouvrent pas leurs oreilles mais plutôt à travailler à l’unité entre les chrétiens en suscitant la rencontre entre riches et pauvres et en apprenant aux plus riches à respecter les plus pauvres. Personnellement, je venais d’une famille aisée où l’on m’a appris ce respect, toute petite. Il y avait une femme de ménage à la maison mais en vacances, c’était moi qui faisais le ménage et allais chercher le charbon à la cave. Plus tard, médecin et religieuse en Afrique, j’ai soigné les plus pauvres, dans un dispensaire. Je les soignais de mon mieux. Mais c’était de la solidarité. Il n’y avait pas de dialogue sur le plan spirituel. De retour en France, j’ai rejoint le mouvement ATD-Quart monde, toujours comme médecin, et, avec le père Joseph Wresinski, j’ai découvert que c’était tout un peuple qui était victime d’injustice. C’est là qu’un monsieur m’a interpellée et demandé que l’on parle de Dieu. Ce n’est pas parce que l’on est très pauvre que l’on n’a pas de besoins spirituels ! Je me suis alors laissé guider par le Seigneur pour répondre à cet appel. Telle est notre vocation. 


"LAISSONS-NOUS EVANGELISER PAR LES PAUVRES" 

«  Je désire une Église pauvre pour les pauvres. Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous, nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. »
Pape François Evangelii gaudium, § 198


  • Pensez-vous qu’il soit possible de partager avec vous cette attitude nouvelle par rapport aux plus pauvres ?
Chaque année, nous proposons une formation qui permet de devenir plus sensible aux injustices et de s’engager, là où l’on est, à adopter une manière de faire différente. Elle est ouverte à tous. On n’a pas forcément une action directe auprès des plus pauvres mais, par exemple, si on travaille dans une entreprise, on peut recruter les personnes ou les associer au travail autrement. Il y a aussi des « compagnons » qui nous rejoignent ponctuellement pour nous aider. Au bout de trois ou quatre ans, ils se rendent compte que ce sont eux qui ont été changés ! Certains choisissent de s’engager comme volontaires avec leurs familles. Cette amitié avec les plus pauvres est quelque chose de très progressif. C’est comme une incarnation…Il a fallu des siècles pour que le Christ s’incarne. Dans l’Eglise, ça commence à bouger tout doucement. Ce n’est pas quelque chose à comprendre mais à mettre en pratique.

  • Qu’est-ce que les plus pauvres ont à nous dire, pour maintenant ?
Les plus pauvres ont une mission. Ils ont quelque chose à nous dire de Dieu. D’abord, ils nous font sortir de notre indifférence. Le pape nous l’a demandé : savons-nous encore pleurer ? Souffrons-nous de la misère des autres ? On s’est endurci le cœur, on s’est blindé. Les gens maintenant sont inquiets pour eux-mêmes, pour leurs enfants. Rien n’est stable. Alors, ils se renferment, se replient sur leurs acquis. L’existence des plus pauvres leur fait peur. Certains compagnons, quand ils découvrent les difficultés des familles du quart-monde, sont complètement à l’envers ! C’est pourquoi on travaille en équipe car tout seul, on ne peut pas tenir. Mais par contre, quand on recueille les paroles de ces personnes, quand on les écrit et qu’on leur rend leurs paroles, elles en sont très fières. Cela les fait exister dans toute leur dignité. Et ce sont des paroles qui portent, qui touchent tout le monde. Ce sont des paroles très humaines mais qui expriment une vérité qui vient de l’Esprit-Saint. Chaque année, nous préparons ensemble un Chemin de croix* et beaucoup de gens sont bouleversés. Quand on est proche des plus pauvres, on est proche du cœur de Dieu. 

  • D’où vient cette joie qui a été si fortement ressentie lors du rassemblement Diaconia à Lourdes ? 
Cette joie vient de la découverte du vrai visage de Dieu. Jésus a souffert pour nous révéler toute la miséricorde de son Père. Diaconia nous a permis de prendre conscience et d’expérimenter qu’il y a une façon humaine de faire les choses.

Cela a rendu la joie à l’Eglise. Tout comme les paroles et les gestes du pape dans lesquels tout le monde se retrouve. C’est révolutionnaire mais c’est son affaire. L’affaire de Dieu, bien sûr ! Dieu fait toujours de grandes choses avec les plus petits.

Propos recueillis par Anne Reboux
Extrait de la revue Foi et Vie n°100 - avril 2014


Contact : Communauté Bonne Nouvelle – Quart Monde
Appt 322, 9, rue des Chamois. 31200 Toulouse. Tél : 05 61 47 20 42



Vous êtes tous invités à venir prier le Chemin de Croix
animé par le Quart Monde !
Vendredi 18 Avril 2014
rendez-vous à 15 h

à la cathédrale de Toulouse



 


Actualité publiée le 10 avril 2014