Editorial pour la fête de la Visitation

La Visitation par le Chanoine Thibaut d’Aviau de Ternay, ICRSP et Chapelain de la Chapelle Saint Jean-Baptiste à Toulouse.

La Visitation de la Vierge-Marie est fêtée dans l’Église depuis bien des siècles, d’abord dans l’Église d’Orient puis dans l’Église d’Occident, avec cependant une variante qui en a changé la signification.
En effet, chez les Byzantins elle était fêtée le 2 juillet. Nous pouvons noter qu’en 469 ils célébraient déjà la Visitation comme la déposition du vêtement de la Mère de Dieu dans la basilique Sainte-Marie-Mère de Dieu, dite Sainte-Marie des Blachernes située au Nord de Constantinople.
La transmission de la Fête de la Visitation entre l’Orient et l’Occident est mal connue, mais il est intéressant de noter qu’elle conserve la même date et qu’en raison de l’Octave de la Fête de Saint Jean-Baptiste, la Visitation devient la commémoration de la présence de Marie dans la Maison de Zacharie et d’Élisabeth. De cette rencontre, Jean-Baptiste dit le Précurseur va être dans le sein maternel sanctifié avant de naître. « Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle… » nous rapporte St Luc au chapitre 1.
En Occident la fête de la visitation apparaît dès 1263 dans l’Ordre des Franciscains avant de se répandre d’une manière générale dans toute l’Église latine, grâce notamment aux papes Urbain VI et Boniface IX.
Saint François de Sales était particulièrement dévot de ce mystère dont il donna le nom à son ordre : les Sœurs de la Visitation. Initialement il souhaitait des religieuses qui puissent imiter la Vierge Marie dans l’assistance charitable qu’elle eut envers sa parente par le service des plus pauvres. L’époque ne s’y prêtait pas et ce fut finalement un ordre contemplatif où le Seigneur a choisi de mieux faire connaître son Sacré-Cœur notamment par les apparitions à Sainte Marguerite-Marie Alacoque.
Les filles de la Charité, fondées par Saint Vincent de Paul, fils spirituel de Saint François de Sales, sont en quelque sorte une concrétisation de l’intuition de l’évêque de Genève.

Aujourd’hui la Visitation dans l’Église latine est fêtée dans la Forme extraordinaire du Rite Romain toujours le 2 juillet et dans la Forme ordinaire du Rite Romain le 31 Mai. Donc depuis la réforme liturgique de 1969, d’une manière commune elle est célébrée à la clôture du mois dédié à Marie.
Après ce premier aperçu, lié à l’histoire, voyons un aspect plus spirituel que nous pourrions appeler : La joie qui permet la rencontre.
St Luc qui est l’évangéliste le plus prolixe sur Marie nous montre bien les sentiments qui habitent le cœur de la Sainte Vierge-Marie. Faisons un petit tour vers l’Annonciation. Lorsque l’Ange Gabriel lui annonce qu’elle sera la Mère du Sauveur, elle répond : « Comment cela se fera t-il, puisque je ne connais point d’homme. »
En réalité Marie était déjà promise à Joseph mais pour une union dans le vœu de chasteté, c’est pour cela qu’elle dit qu’elle ne connaît point d’homme. Sa question est donc très juste et montre une grande maturité et une grande sagesse car cette posture lui permet de discerner si l’Ange qui est devant elle est de Dieu ou si c’est un imposteur. La réponse de l’Ange n’étant pas en contradiction avec son vœu : « l’Esprit Saint viendra sur toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ». A cela l’Ange rajoute un élément qui confesse la Toute Puissance de Dieu : « Déjà Élisabeth, ta parente, a conçu elle aussi, un fils en sa vieillesse, et c’est actuellement son sixième mois, elle que l’on appelle stérile : car rien n’est impossible à Dieu. ». Cette double annonce est intéressante, car d’un côté nous avons l’annonce de la promesse faite à nos premiers parents de la naissance du Sauveur qui va mourir sur la Croix et Ressusciter pour notre Rédemption, ce qui demande à la Vierge un acte de Foi pure, et d’un autre côté nous avons l’annonce d’une naissance tout aussi improbable, mais qui peut se vérifier dans l’ordre de la nature et qui montre que rien n’est impossible à Dieu. Face à cela, d’une manière spontanée elle donne son Fiat : « Je suis la servante du Seigneur ». C’est tout simplement extraordinaire de grandeur, de beauté et de simplicité. Que fait Marie de ce trésor qui vient bouleverser sa vie ? Elle ne garde pas cela pour elle en se disant comment vais-je faire ? Serai-je à la hauteur ? Non, elle est dans la confiance d’un Fiat prononcé, donné, avec une entière liberté. Mais alors que fait-elle ? Elle se leva et s’en alla en hâte au pays des montagnes, en une ville de Juda. Et elle entra dans la Maison de Zacharie, nous dit l’Écriture, pour aller à la rencontre de sa cousine. Cette rencontre est signe de la joie qui triomphe dans le cœur de Marie. Une joie qui n’est pas superficielle mais qui émane d’un oui libre et donc séparé de tout respect humain et lui permettant de garder une simplicité et une humilité parfaites. L’Écriture continue comme nous l’avons cité plus haut : « Et d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car votre voix, lorsque vous m’avez saluée, n’a pas plus tôt frappé mes oreilles, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. »
La rencontre de ces deux cousines est très belle, car nous remarquons que les deux enfants communiquent entre eux. Jean-Baptiste dans le ventre d’Élisabeth a tressailli de joie devant le Sauveur que portait Marie, nous rapporte l’Écriture. Ce passage est un hymne à la vie et un encouragement à la défendre dès sa conception. Soyons courageux pour cela, car la culture ambiante de mort nous paralyse trop souvent, rendant nos cœurs secs comme du bois. Mais soyons libres et soyons au service de la vie, vrai don de Dieu. C’est le prix de la joie.
L’Église prend soin de la vie et de la dignité de chaque personne humaine, de la conception à la mort naturelle. Le Pape François l’a souligné à plusieurs reprises avec vigueur et clarté, notamment dès sa première exhortation apostolique « Evangelii Gaudium ». C’est ainsi que nous lisons au n° 213 : « Parmi ces faibles, dont l’Église veut prendre soin avec prédilection, il y a aussi les enfants à naître, qui sont les plus sans défense et innocents de tous, auxquels on veut nier aujourd’hui la dignité humaine afin de pouvoir en faire ce que l’on veut, en leur retirant la vie et en promouvant des législations qui font que personne ne peut l’empêcher ».

« Fréquemment – poursuit encore le Pape –, pour ridiculiser allègrement la défense que l’Église fait des enfants à naître, on fait en sorte de présenter sa position comme quelque chose d’idéologique, d’obscurantiste et de conservateur. Et pourtant cette défense de la vie à naître est intimement liée à la défense de tous les droits humains. Elle suppose la conviction qu’un être humain est toujours sacré et inviolable, dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement. Elle est une fin en soi, et jamais un moyen pour résoudre d’autres difficultés. Si cette conviction disparaît, il ne reste plus de fondements solides et permanents pour la défense des droits humains, qui seraient toujours sujets aux convenances contingentes des puissants du moment ».

Au n° 214, le Pape François rappelle comment l’Église ne peut jamais changer de position sur la défense de la vie humaine à naître, dès le premier instant, « précisément parce qu’il s’agit d’une question qui regarde la cohérence interne de notre message sur la valeur de la personne humaine. Je veux être tout à fait honnête à cet égard. Cette question n’est pas sujette à de prétendues réformes ou à des “modernisations”. Ce n’est pas un progrès de prétendre résoudre les problèmes en éliminant une vie humaine » déclare encore le Pape, qui reconnaît également la nécessité d’ « accompagner comme il convient les femmes qui se trouvent dans des situations très dures, où l’avortement se présente à elles comme une solution rapide à leur profonde angoisse, en particulier quand la vie qui croît en elles est la conséquence d’une violence, ou dans un contexte d’extrême pauvreté ».

Revenons à la Sainte Écriture : « Heureuse celle qui a cru ! car elles seront accomplies les choses qui lui ont été dites ».
Marie laisse éclater sa joie, une joie spirituelle qui fait rayonner tout son être, et c’est le Magnificat qui sort de ses lèvres où elle apparaît, d’une part, comme la synthèse de l’exultation d’Israël son peuple, et de l’autre, comme l’anticipation prophétique de l’expérience joyeuse de l’Eglise du Christ.

Cette ample perspective du cantique de la Vierge que nous chantons à l’Office des Vêpres est la conséquence de la place centrale que la Vierge occupe dans le plan du salut.

Pour conclure, je dirai que la Vierge Marie peut nous apprendre à répondre au plan que Dieu a pour chacun d’entre nous. Marie vivait pauvrement et simplement, aux antipodes du matérialisme qui caractérise notre monde actuel. Sachons redécouvrir les joies simples et le silence, en n’hésitant pas, par exemple, à éteindre parfois nos smartphones. Elle connaissait parfaitement les Saintes Écritures ; et nous ? connaissons-nous notre catéchisme ? Avons-nous lu l’intégralité du catéchisme de l’Église Catholique ?
Marie possédait une finesse d’esprit admirable ; en elle rien n’était vulgaire. Elle avait une immense maturité et un discernement sans faille. Elle était libre, son oui était définitif et sans retour.
En cette fête de la Visitation, faisons de notre maison la Maison de Zacharie pour accueillir la Vierge Marie. Laissons-nous saisir par sa présence car elle vient avec son divin Fils qu’elle nous offre. A travers le Sacrement de la réconciliation, pour bien nous préparer à cette fête, que notre communion sacramentelle soit l’occasion pour chacun d’entre nous de tressaillir de joie et d’aller vraiment à la rencontre de l’autre, de celui qui est différent de nous, car chaque être est unique et aimé de Dieu, jusque dans les périphéries, sans oublier pour autant notre voisin.

Sources consultées : Évangile de St Luc Ch. 1 –édition Crampon, Cardinal Schuster, Evangelii Gaudium du Pape François.