Évangéliser notre perception du temps

Pistes de méditation à partir de « Je n’ai pas le temps » du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire Notre Dame du Laus

Évangéliser notre perception du temps


Dans son livre « Je n’ai pas le temps » (paru en 2013), le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire Notre Dame du Laus évoque cette idée d’évangéliser notre perception du temps – c’est d’ailleurs le titre du quatrième chapitre.
Comment laisser la Bonne Nouvelle de Jésus Christ informer et transformer notre rapport au temps ? Passé, futur, présent sont compliqués à définir ; mais ils sont aussi bien souvent difficiles à assumer. Voici quelques extraits en souhaitant qu’ils nourrissent votre vie personnelle, sociale et spirituelle.
Bonne lecture, bonne méditation avec peut-être à vos côtés la Bible.

 

1. Assumer le passé


Le passé comme un poids

Le passé apparaît pour certains comme un poids à porter, lourd des erreurs, des échecs ; pour d’autres, il évoque tout ce qui nous a réjoui. Mais, la nature même du passé est de ne plus pouvoir être revécu. La parole de Jésus : « celui qui regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu  » (Lc 9,62) nous invite à laisser derrière nous le passé. C’est fondamental pour notre existence présente et pour la vie éternelle. Le passé peut avoir le goût amer des actes manqués, des occasions non saisies, de la perception des limites que nous sommes ; et, il nous confronte à une réalité : tout vieillit.

Âge d’or ou nostalgie du passé

À toute époque, l’homme a tendance à penser que « c’était mieux avant ». Dans la Bible, les Hébreux se rappellent le bon temps en Égypte mais ils en oublient les corvées, les coups de fouet,... La nostalgie est donc une illusion qui fait imaginer un passé merveilleux avec un oubli des difficultés.

Le devoir de mémoire

La mémoire est essentielle à une société comme à chaque individu. Elle permet de tirer des enseignements pour vivre le présent et tenir dans les épreuves. Croyants, nous vivons du souvenir des merveilles du Seigneur. La mémoire du chrétien est un don de l’Esprit Saint pour garder la Parole du Seigneur et la mettre en pratique. Et c’est ce que nous vivons en chaque eucharistie : « Faites ceci en mémoire de moi !  » Le sacrifice du Christ n’est pas derrière nous, comme un évènement du passé ; il est au centre de l’histoire du Salut comme un événement vécu une fois pour toutes mais sans cesse actualisé.

Devoir et grâce d’oubli

Nous avons un devoir d’oubli qui nous oblige. Sans cette capacité à oublier, nous ne pouvons pas avancer. C’est la demande que nous formulons vis-à-vis de Dieu « Seigneur, oublie les péchés de ma jeunesse » ; c’est la grâce première du sacrement de Réconciliation. Mais, cet oubli du passé est bien difficile à vivre dans certains cas, alors même que le désir de tourner la page peut être sincère. L’oubli est certainement une grâce divine qui accompagne une décision personnelle. Le devoir d’oubli est un acte de profonde charité à l’égard des autres.


2. L’avenir, entre fuite, projet et espérance

Les projets qui nous construisent

Regarder vers l’avenir est indispensable et dans l’évangile Jésus invite à s’asseoir avant de bâtir une tour. (Lc 14, 28) Les projets sont de puissants stimulants. L’aptitude à imaginer est un signe très positif de notre pouvoir créateur. Mais notre difficulté à envisager sereinement l’avenir vient de l’évidence que le futur sera différent de nos prévisions.

L’avenir qui fait peur

L’inconnu est souvent synonyme de peur de ne pas maitriser les choses comme Pierre qui entend Jésus lui dire : « Avance là où tu n’as pas pied » (Lc 5, 4) Le Seigneur nous conduit là où nous n’avions pas imaginés. « Le large » peut faire peur, mais il permet aussi d’aller découvrir des réalités bien plus grandes que ce que nous connaissons déjà. Le remède à la peur de l’échec est donné par Jésus : « Ne vous faites donc pas tant de souci » (Mt 6, 31-33)

L’avenir qui nous reste caché

Notre avenir est dans la main de Dieu. L’attitude juste, dans la foi, consiste à nous en remettre au Seigneur dans un abandon total. (Qo 3,11)

 

3. Comment vivre le présent, qui est si peu de temps ?


Dieu habite pleinement le présent

Dieu est le seul à habiter totalement le présent et c’est dans ce sens que l’on peut comprendre la révélation faite à Moïse : « Je suis celui qui suis » (Ex 3, 14) Cette manière d’être, nous pouvons la retrouver dans la présence du Christ dans l’eucharistie : « Présence réelle ». Nous communions au Christ réellement présent. Il y a d’autres modalités de la présence du Christ qui se donne dans les sacrements, dans sa Parole, dans le servcie à l’Eglise et dans les plus pauvres.

L’aujourd’hui de Dieu

Pour rencontrer le Seigneur, il convient de vivre le présent. Le temps de l’Alliance est ponctué de ces termes de « maintenant » et « d’aujourd’hui ». Jésus annonce la réalisation des promesses dans l’aujourd’hui, dans ce quotidien ordinaire (Lc 4, 17-21).

Sept bonnes raisons de vivre le présent

Des conditions indispensables pour :

  • Accepter le réel : s’accepter soi-même, là où on en est.
  • Vivre en abondance : l’accueil du temps présent pour vivre en plénitude (Jn 10,10). Une occasion pour (re)découvrir « Le Décalogue de la sérénité  », écrit par le Pape Jean XXIII.

1. Rien qu’aujourd’hui, j’essaierai de vivre, exclusivement la journée sans tenter de résoudre le problème de toute ma vie.
2. Rien qu’aujourd’hui, je porterai mon plus grand soin à mon apparence courtoise et à mes manières. Je ne critiquerai personne et ne prétendrai redresser ou discipliner personne si ce n’est moi-même.
3. Je serai heureux, rien qu’aujourd’hui, dans la certitude d’avoir été créé pour le bonheur, non seulement dans l’autre monde mais également dans celui-ci
4. Rien qu’aujourd’hui, je m’adapterai aux circonstances, sans prétendre que celles-ci se plient à tous mes désirs.
5. Rien qu’aujourd’hui, je consacrerai dix minutes à la bonne lecture en me souvenant que comme la nourriture est nécessaire au corps, la bonne lecture est nécessaire à la vie de l’âme.
6. Rien qu’aujourd’hui, je ferai une bonne action et n’en parlerai à personne.
7. Rien qu’aujourd’hui, je ferai au moins une chose que je n’ai pas envie de faire ; et si j’étais offensé, j’essaierai que personne ne le sache.
8. Rien qu’aujourd’hui, j’établirai un programme détaillé de ma journée Je ne m’en acquitterai peut-être pas entièrement, mais je le rédigerai et me garderai de deux calamités : la hâte et l’indécision.
9. Rien qu’aujourd’hui, je croirai fermement – même si les circonstances prouvent le contraire – que la bonne providence de Dieu s’occupe de moi comme si rien d’autre n’existait au monde
10. Rien qu’aujourd’hui, je ne craindrai pas. Et tout spécialement, je n’aurai pas peur d’apprécier ce qui est beau et de croire en la bonté.
Je suis en mesure de le faire bien pendant douze heures, ce qui ne saurait pas me décourager, comme si je pensais que je dois le faire toute ma vie durant. (À découvrir aussi en vidéo : ici)

  • Transfigurer le quotidien : donner à notre vie son épaisseur et sa grandeur véritables.
  • Vraiment se donner : chercher à vivre le présent c’est nous rendre présents à ceux que nous rencontrons.
  • Lutter contre le mal : un choix à poser dans chaque instant pour choisir le bonheur (Dt 30, 15)
  • Se préparer à mourir : celui qui vit pleinement l’instant présent ne regrette pas ce qu’il fait et n’a pas peur de la mort.
  • Attendre le retour du Christ : c’est notre condition de croyant qui ne sait pas quand le Fils de l’Homme viendra (Mt 24, 42)

Par ces quelques extraits, je partage une lecture qui a nourri ma prière en ce temps particulier où le temps est le même tout en étant différent. Laissons le Christ évangéliser notre temps. Cela ne consiste pas à faire disparaître la réalité du temps ; il s’agit de reconnaître chaque instant, qu’il soit beau ou douloureux, et de chercher à le vivre comme un moment de rencontre avec le Seigneur toujours présent.

► Pour poursuivre votre réflexion, le livre du Père Ludovic Frère est disponible sur le site de Notre-Dame du Laus, http://www.sanctuaire-notredamedulaus.com/

 

 


Actualité publiée le 13 mai 2020