Ecole de spiritualité franciscaine avec Soeur Elisabeth Drzewiecki - 8 février –

François d’Assise et la parole des pauvres.

« Les frères doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres, des infirmes, des malades et des lépreux et des mendiants des rues » St François d’Assise ( 1ère Régle, ch 9, v 1-2 )

Il s’est passé quelque chose d’unique, ce soir là, au monastère des sœurs clarisses de Toulouse. La conférence mensuelle de l’Ecole de spiritualité franciscaine s’est déroulée « d’une manière toute particulière et inhabituelle », comme l’a noté une sœur. Car, au lieu de donner la traditionnelle conférence, sœur Elisabeth a bousculé les règles du jeu. Comment ? En invitant les participants à vivre tous ensemble un parcours inédit : lecture du prologue de l’Evangile de Jean, partage en petits groupes autour d’un récit des Fioretti, où l’on voit François soigner avec tendresse un lépreux récalcitrant, partage en grand groupe où la parole des membres de Bartimée a jailli de leur vécu et enfin - l’expérience la plus forte - écoute des témoignages de Xavier, Claudine, Luc et François autour de leur rencontre avec la Parole de Dieu. Une joie surprenante s’est alors répandue que les participants ne sont pas près d’oublier.

 

«  Nos cœurs n’étaient-ils pas brûlants en chemin ? » Il s’est vraiment passé quelque chose d’unique ce soir là…A cet échange fraternel, joyeux et vrai, c’est comme si Jésus ressuscité s’était invité. « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». « Quelle est cette Parole, demandait Sœur Elisabeth, qui ressuscite l’homme plongé dans la galère ? Comment devenir passeurs de la parole des plus pauvres qui font l’expérience de sortir des ténèbres ? » C’est en vivant un partage avec eux, en direct, que les participants ont pu approcher ce mystère. L’expérience de vie et de foi des plus pauvres a été comme une révélation de Dieu présent au cœur de nos obscurités.

« Comment saint François guérit miraculeusement un lépreux d’âme et de corps » Chapitre 25 des Fioretti ( texte en pdf ? )

Sœur Marie-Joie, clarisse, témoigne

 

« Emerveillée, je le fus vraiment en entendant à quel point les frères et la sœur ayant vécu « la galère » et présents à cette soirée, s’étaient appropriés tout spontanément ce texte des Fioretti de saint François. L’un d’entre eux exprimait avec force : « Le lépreux, il se sent pourri, il est dégoûté de lui-même ». Sa parole résonnait comme l’expression douloureuse d’un vécu. Puis, cette lucidité toute crue - à propos des frères qui décident d’abandonner ce lépreux vraiment insupportable : « Les frères, ils ont la trouille, ils ont peur du lépreux ». Ensuite, a jailli ce regard plein d’humanité : « François, lui, il commence par saluer le lépreux. Avant de voir en lui un malade, un lépreux, il reconnait d’amour un frère, un homme ». Par cette réflexion, Xavier nous donne une leçon d’humanité, de fraternité qui illustre bien la pensée et l’expérience de saint Vincent de Paul qui affirmait « Les pauvres sont nos maîtres ». Tous les trois, Xavier, Claudine et Luc, nous ouvrent un chemin de solidarité lorsqu’ils nous partagent ceci : « On nous a tendu une main, pour nous tirer de la galère, de « l’enfer », à notre tour, nous voulons tendre aussi notre main pour en tirer d’autres de la galère »…Ceci exprimé avec fougue et conviction ! Chemin de foi et de communion au Christ, de connaissance de sa manière de vivre lorsque l’un d’entre eux laisse jaillir de son cœur avec joie : « François, il agit comme le Christ ! » « Le lépreux devient un homme nouveau, il ressuscite. Claudine remarque que le lépreux avait pleuré 15 jours car « il avait beaucoup de choses à sortir en lui, il pleurait et il s’est libéré ». « Chemin de résurrection : comme le Christ nous tire de notre misère pour nous ressusciter, nous mettre debout pour marcher » avons-nous conclu tous ensemble. Quelle force d’espérance nous a été communiquée ! C’est peut-être cela le mystère de la Résurrection. Ceci m’a fait souvenir d’un Noël au bidonville de Noisy, raconté par le père Joseph, visitant ce jour là une famille et recevant la parole du Papa « On n’avait rien à manger, c’est trop dur…puis après un moment de silence : « C’est peut-être cela le mystère de l’Incarnation, c’est vrai qu’on a besoin d’être sauvés…Nous sommes tous des pauvres types. »

Laisser la parole jaillir du fond du coeur.

Après avoir visionné un film sur la vie de la famille Bartimée à Castanet, "tous les 15 jours ça serait bien" Sœur Elisabeth a donné la parole aux membres présents : Xavier, Claudine, Luc et François. Ils ont exprimé ce que le partage de la Parole de Dieu leur apportait.

Xavier  : « Prendre la parole, c’est faire un signe, être regardé. C’est un cri au secours. « La parole sort du fond de moi. C’est une boule de feu dans le corps comme un volcan. Elle sort par la cheminée, c’est mon âme qui monte, qui explose et ça me fait du bien » « J’y étais dans le trou depuis longtemps. A Bartimée, puis dans le groupe Place et parole des pauvres du diocèse de Toulouse, je suis devenu plus sûr de moi-même. Ca apporte du bonheur aux gens de pouvoir dire ce qu’ils ont au fond de leur cœur » « Je peux déployer mon éventail et aider les gens pauvres à parler, les tirer de ce p…de trou »

Claudine : « On doit se battre pour parler. Il ne faut pas avoir peur de crier pour pouvoir parler. Mais c’est important d’écouter aussi. Ecouter la parole des autres, cela fait un déclic. Il faut permettre aux gens de parler jusqu’au bout. Nous ne devons pas les couper quand ils s’expriment pour qu’ils soient entendus jusqu’au bout et pouvoir dialoguer avec eux. On n’est pas des chiens ! »

Luc : « C’est bien de faire réagir certaines personnes qui sont non-croyantes pour qu’elles aient une petite révélation. Ce n’est pas moi qui le fais, c’est le Seigneur. C’est que du bonheur pour moi. Le respect de la confidentialité, c’est très important pour que la parole puisse se libérer. Ce qui se dit dans le groupe ne doit pas être divulgué à l’extérieur. »

François, compagnon : « Moi, je suis témoin de cette parole. Pour être témoin, il faut apprendre à se taire. Mais je suis témoin de belles choses. Il y a le côté convivial, fraternel mais sur le plan spirituel, l’échange est très fort. Il y a quelque chose de fort qui se passe à l’intérieur des gens. Avant de venir partager avec vous, on a prié avec les sœurs. Il y a une parole d’un psaume qui exprime bien ce que l’on vit à Bartimée : « Seigneur, qui habitera ta sainte montagne ? Celui qui dit la vérité selon son cœur » Les plus pauvres n’ont pas beaucoup l’occasion de parler mais quand ils disent des choses, cela vient du tréfonds de leur cœur. C’est Dieu qui agit dans le cœur de chacun. »

Ensemble, à tour de rôle : Jésus aimait particulièrement les plus pauvres. Et Jésus agit. De sa main, il nous tire du gouffre. Notre message, ce qu’il faut garder de la parole des pauvres : c’est qu’il faut aimer les gens. S’aimer les uns les autres. Laisser jaillir la parole du cœur du pauvre et prendre le temps d’écouter les pauvres. Tendre la main à celui qui en a besoin. Depuis que je vais à Bartimée, je suis toujours pauvre mais je sais que j’ai aimé. N’ayez pas peur et approchez les pauvres.

« Ces groupes » conclut Sœur Elisabeth « sont des lieux de résurrection à une vie nouvelle. Ils naissent autour de la Parole de Dieu »

Ce genre de partage, on voudrait que ça ne s’arrête jamais…

Il s’est passé quelque chose d’unique ce soir là…Nous en avons reparlé avec Xavier et Claudine, Luc et Nicole, qui n’était pas présente sur place mais qui en a entendu parler et qui a compris qu’il s’était vraiment passé quelque chose ! Difficile pourtant de l’expliquer. Il reste une part de mystère. Sans doute, la qualité d’écoute des sœurs, le fait de prier ensemble avant, de prendre le temps de partager et le temps de s’écouter en vérité ?

«  Se faire entendre, être écouté. J’ai senti que les gens présents avaient soif de m’entendre » dit Xavier.

Luc : « Les sœurs nous ont dit : «  On n’avait pas vu ça comme ça, on ne pensait pas à ça…vous nous avez éclairées ! »

Il y a eu un déclic, entre les sœurs qui ont choisi la pauvreté et la famille Bartimée qui a connu la galère, comme un arc électrique, une fusion ! Avec au centre, Jésus pauvre et ressuscité.

«  Ces sœurs » explique Claudine «  ce sont des vraies sœurs ! » « On avait envie de continuer à parler avec elles. On n’arrivait plus à partir. Ce genre de partage, on voudrait que ça ne s’arrête jamais. »

« C’est l’Esprit qui circule » se réjouit Nicole.

« Reste avec nous, Seigneur » !