Samedi 26 mars 2016
VIGILE PASCALE
EN LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE DE TOULOUSE
SAMEDI 26 MARS 2016
« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité » (24, 5-6). Ces paroles des hommes aux vêtements éblouissants laissent les saintes femmes sans voix à la pointe de l’aurore. Les femmes, porteuses de la vie, ne se résignent jamais à la mort, surtout pas à la mort d’un enfant. Pourtant, au moment où elles trouvent vide le tombeau de Jésus, elles sont désemparées. Tout le mystère pascal que nous vivons dans ce Triduum, frères et sœurs, est ce passage obligé de la vie à la mort et surtout de la mort à la vie. Les anges rappellent aux femmes les paroles de Jésus, prononcées en Galilée : « Il faut – une étrange nécessité – que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite » (7).
Les deux anges résument le Credo que nos cinq adultes vont reprendre avant d’être baptisés, eux qui vont renaître à la vie nouvelle dans le Christ mort et ressuscité. N’est-ce pas le Vivant que vous cherchez, chers frères et sœurs ? En touchant l’eau pour la bénir en vue de votre baptême, je dirai dans un instant : « Que vienne sur cette eau la puissance de l’Esprit Saint, afin que tout homme qui sera baptisé, enseveli dans la mort avec le Christ, ressuscite avec lui pour la vie, car il est vivant pour les siècles des siècles. »
Vous avez entendu cet appel à vivre, à vivre à plein. Vous êtes de ces brebis du Bon Pasteur qui veulent avoir la vie en abondance (cf. Jn 10, 10). Nous sommes destinés à vivre au niveau de la vie divine elle-même ; vous voulez devenir des vivants de la vie divine. Je l’ai lu dans vos lettres. « Je veux apprendre à vivre comme le Christ », m’écrit l’un d’entre vous. La vie est faite pour se développer : « Mon chemin ne fait que commencer, me dit l’une de vous. La foi en Dieu, qui était déjà en moi, ne cesse et ne cessera de croître ».
La vie de Dieu ne peut être vécue isolément. D’abord, notre Dieu, qui est unique, n’est pas isolé. Vous allez me dire votre foi dans les Personnes divines, qui sont notre Dieu vivant. Elles vivent l’une de l’autre, l’une dans l’autre : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi », a prié Jésus avant sa Passion (Jn 17, 10). De même, notre vie chrétienne se passe en Église ; vous allez être baptisés dans cette assemblée, au cœur de l’année liturgique. Nul ne peut être chrétien tout seul.
Vous l’avez compris dès votre accueil, notamment lors de l’ouverture des portes saintes de cette cathédrale le 13 décembre dernier. Vous avez apprécié d’être accompagnés. Comme me l’écrit l’une d’entre vous : « J’ai été accueillie dans ce groupe si bienveillant, accueillant et qui m’accompagne de mois en mois sur ce chemin bordé de joie, d’espérance, mais de doutes aussi. Nous étudions chaque mois des textes de la Bible qui nous font découvrir la simplicité, la compassion, ainsi que la miséricorde de Dieu. » Vous avez pu apprécier avec nous ces neuf lectures (avec l’épître et l’évangile) de la Vigile pascale. « Aidez-nous, puis-je lire dans une autre lettre, à entendre, comprendre les paroles, les paraboles bibliques. » Cette parole vous accompagnera chaque jour : c’est facile avec les livrets mensuels et les applications sur mobile. Ainsi arroserez-vous régulièrement la jeune plante que vous allez devenir – c’est ce que signifie le mot néophyte en grec –, pour votre croissance spirituelle dans la vie de Dieu.
Pendant ce Triduum, j’ai repris des réflexions de Martin Steffens, un jeune philosophe de Metz, qui a écrit l’an dernier un petit livre intitulé Rien que l’amour avec ce sous-titre : Repères pour le martyre qui vient. C’est lui qui parle des selfies du diable pour évoquer les exécutions barbares des chrétiens et d’autres par Daech ; nous savons ce qui vient de se passer à Bruxelles. Le Vendredi saint un autre texte de Steffens vient de me parvenir sur Le temps de la fin. Martin exprime bien ce que nous vivons dans la liturgie, où nous est donné l’avant-goût de la vie éternelle, celle que vous attendez, chers catéchumènes. « L’Éternité, écrit-il, ne commencera pas en cet instant où le temps finira. L’Éternité a déjà commencé, du moins depuis que, par la Croix, nous sommes entrés dans le temps de la fin » (dans Vives flammes, Éditions du Carmel, n. 302, mars 2016, p. 6).
« Vivre au temps de la fin, c’est être d’autant plus dans le monde qu’on n’est plus de ce monde : c’est ne plus y être que pour l’aimer, le soigner (à défaut de le guérir), pour en recueillir les joies, comme les oiseaux du ciel, sans se soucier du lendemain » (p. 7). Vous aurez à vivre au plan de Dieu, au niveau de la vie éternelle. « Il y a une part en chacun qui a déjà part à l’Éternité. Cette part est en chacun ce dont la joie demeure. L’âme est ce qui, en moi, sait ou sent que la Vie est plus que ma vie. Dans les tourments de la vie, l’âme est ce qui exalte le Seigneur, comme Marie, exhale sa senteur, exulte en silence. Et dans la paix quotidienne, elle est ce creux de moi qui ne cesse de crier vers son Créateur » (p. 5).
Criez, chantez avec nous, apprenez, chers Amis, à sentir, dans votre âme baptisée, cette vibration de l’Amour qui est allé jusqu’au bout, pour qu’elle se propage en vous et par vous : il est Vivant. Vivez de sa pleine Vie. Amen. Alleluia !
+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse