PÈLERINAGE DIOCÉSAIN À LOURDES
LE MERCREDI 29 AOÛT 2018
DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE
L’été s’est passé entre deux fêtes de saint Jean Baptiste. Le 24 juin, en la solennité de sa naissance, nous célébrions à la cathédrale de Toulouse trois ordinations sacerdotales ; ce matin, 29 août, nous fêtons sa mort, son martyre. Sa naissance est présentée par l’ange Gabriel comme une source de grande joie ; il tressaille de joie dans le sein de sa mère quand Marie vient visiter sa cousine. L’oraison du 24 juin fait du Précurseur le patron des joies spirituelles. Dans sa récente Exhortation Gaudete et exsultate (La joie et l’allégresse), le pape François nous met sur le chemin de la sainteté quotidienne en reprenant les huit Béatitudes ; Jésus, dès le début de son ministère public, s’y dépeint lui-même ; cette gamme monte jusqu’à la joie paradoxale des persécutés qui l’entendent leur dire : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux » (Mt 5, 12). Joie simple de la naissance, joie étrange du mystère pascal : telle est la joie de l’Évangile, cette « joie parfaite » que ressentait saint François d’Assise quand il était rejeté de son propre couvent, selon ses paroles au frère Léon, qu’il appelle affectueusement « petite brebis de Dieu ».
La sainteté quotidienne se vit dans un combat entre le bien et le mal, une lutte dont saint Paul connaissait l’intensité renouvelée. En nous appelant à la sainteté, le pape François ne savait sans doute pas quelles profondeurs de péché et quelle durée dans l’hypocrisie pouvaient atteindre ici ou là tous les degrés du clergé. Nous en sommes remplis de honte, scandalisés, révoltés même, tout en étant conscient de nos faiblesses et de notre péché. Nous en demandons pardon à Dieu en lui demandant l’aide de sa grâce pour nous convertir vraiment et mettre humblement en accord nos paroles et notre vie.
Le Précurseur a payé de sa vie la vérité de sa parole face, précisément, à des situations de péché. Il a reproché à Hérode d’avoir pris la femme de son frère, Hérodiade. Il a été martyr des exigences de la vie matrimoniale et familiale, comme le Pape avec l’Église l’est dans la suite des deux Synodes romains sur la famille, au cœur du contexte des questions de société mettant en cause les fondements de la morale sexuelle. Me revient à la pensée la parole de Jésus au terme de sa conversation avec Nicodème : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu » (Jn 3, 22).
Jean Baptiste avait d’emblée montré du doigt l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde (Jn 1, 36), avant de le baptiser dans le Jourdain. Dénonciateur du péché, il avait été d’abord annonciateur de celui qui vient l’assumer et l’enlever. Il se trouve que le pape François était en Irlande, le dimanche 26 août, au pèlerinage marial de Knock, qu’on appelle le Lourdes irlandais. Il s’agit d’une apparition relativement récente, une apparition silencieuse dont furent témoin une quinzaine de personnes en 1879 : sur le transept sud d’une petite église paroissiale, elles ont vu se présenter dans un halo de lumière un Agneau au-dessus d’un autel, une grande croix derrière lui, cependant que des anges faisaient ronde autour de lui : évocation de l’Eucharistie bien sûr, avec l’autel et le chant des anges du Sanctus. À côté sur la gauche paraissaient aussi trois personnages : le plus près de l’autel était Jean, Apôtre, tenant en main son Évangile et curieusement coiffé d’une mitre ; près de lui se présentait Notre Dame dans l’attitude de l’orante, puis saint Joseph les mains jointes pour la prière. La Vierge Marie est donc entourée de saint Joseph et de saint Jean ; ils sont proches de l’Agneau immolé, vainqueur du péché et de la mort. Dans le contexte ecclésial où nous nous trouvons, cette apparition silencieuse de Knock, où le pape François est allé prier, nous réconforte.
Dans sa Lettre au peuple de Dieu, il demande la prière et la pénitence de nous tous, pour que l’Église se dégage des abus graves qui nous scandalisent et nous font honte. Cette journée diocésaine de pèlerinage à Lourdes nous fait ressentir la force de la communion ecclésiale. Comme je le disais au début de cette messe, la prière que le prêtre prononce avant la communion, au moment du rite de la paix, est un baume pour notre cœur meurtri : « Ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église » ; nous percevons ici la force de cette foi dans le peuple de Dieu, celui qui est à Toulouse et en Haute-Garonne, mais aussi celui qui se rassemble ici, venu du monde entier. Appuyons sur cette foi de l’Église, cette fidélité de l’Épouse à son Époux, que les portes de l’enfer ne peuvent mettre en question, pour que le Cœur immaculé de Marie triomphe de tout mal. Nous sommes tous environnés de faiblesse, mais nous savons avec saint Paul que c’est alors que nous sommes ouverts à la force de Dieu : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10). En condamnant les actes criminels qui remontent à la surface et donnent la nausée, nous pensons aux victimes marquées par des membres du clergé, tout en remerciant le Seigneur pour la fidélité humble de tant de prêtres, généreux dans leur ministère, comme nous le savons aussi.
Au début de cette nouvelle année pastorale, inaugurée par cette messe à Lourdes, j’appelle chacun de nous a devenir un acteur inventif, là où il est, pour que la prière de Jésus à son Père soit exaucée chez nous et dans toute l’Église : « Qu’ils soient un, pour que le monde croie ! » (Jn 17, 21). Au-delà de tout cléricalisme, travaillons à l’harmonieuse complémentarité entre le sacerdoce commun des baptisés et le sacerdoce ministériel ; le second est au service du premier. Nous voulons œuvrer ensemble pour faire grandir un réseau de communautés de proximité, joyeuses, respectueuses, qui « suivent l’Agneau partout où il va » (Ap 14, 4). Je vous propose trois mots pour nous stimuler sur la route qui s’ouvre à nous : Unité, Fraternité, Mission.