Homélie de Mgr Robert Le Gall

La prière d’ouverture de cette messe va au fond de notre foi, de notre adhésion au Christ Sauveur : « Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie la charité du Christ, qui a donné sa vie par amour pour le monde. » Le texte originel en latin demande que nous marchions allègrement dans l’élan de cet amour pour le monde, qui a poussé Jésus à se livrer à la mort : Alacriter ambulantes. Oui, chers jeunes de toutes nos familles scoutes, l’Église nous exhorte, à quinze jours de Pâques, à marcher dans l’allégresse vers le don plénier de nous-mêmes comme disciples de Jésus. On sait, en effet, que les jeunes martyres de Rome ou de Sicile, Agnès, Agathe ou Lucie, allaient au supplice dans l’élan de leur amour préférentiel pour le Christ et son Évangile.

Le développement du scoutisme en France est un de nos motifs d’espérance, avec l’augmentation de nos catéchumènes adultes, qui se préparent en ce moment à leur prochain baptême. La foi sous-tend les 10 articles de la Loi scoute, même si Dieu n’y est mentionné qu’une fois. Très souvent dans les lettres de confirmation qu’un bon nombre de vous m’ont écrites, je trouve l’expression de votre reconnaissance au scoutisme, qui vous apprend à respecter Dieu, la nature et les autres, à vous oublier vous-mêmes et à vous donner joyeusement en faisant l’apprentissage progressif des responsabilités.
Nous étions à Lourdes la semaine passée en Assemblée plénière des évêques de France. Nous avons eu deux séquences sur la pastorale des jeunes et des vocations, suite au Synode d’octobre et à la Journée Mondiale de la Jeunesse à Panama. Un des forums a fait intervenir plusieurs jeunes de notre ICAM de Toulouse. Ils nous ont dit combien ils sont sensibles au message d’amour de Jésus, un amour qui va jusqu’au bout, celui précisément qu’évoque la prière du début de cette messe. Ils ont ajouté qu’ils attendent de l’Église et de ceux qui la guident une vraie cohérence entre l’enseignement et la vie, dans la vérité du témoignage quotidien.

Dans cette même semaine, nous avons reçu l’Exhortation apostolique du pape François suite au Synode sur les jeunes, intitulée Vivit Christus, « Il vit, le Christ ». Le Saint-Père vous invite à aller de l’avant, en entraînant l’Église à la suite du Christ, l’Agneau immolé et vainqueur dont nous allons célébrer le Mystère pascal.
« Les premières paroles que je voudrais adresser à chacun des jeunes chrétiens, écrit le Pape, sont : Il vit et il te veut vivant. Tout ce que touche le Christ devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie » (n. 1). À la suite de Jésus, il vous incite à aller « de l’avant dans la vie » (11). « Un jeune ne peut pas se décourager, il doit rêver de grandes choses, chercher de larges horizons, aspirer à plus, vouloir conquérir le monde, être capable d’accepter des propositions provocantes – Mettez la pagaille ! avait-il lancé à Rio de Janeiro – et souhaiter apporter le meilleur de lui-même pour construire quelque chose de meilleur » (15).
Le Pape vous exhorte aussi à vous préparer dès maintenant aux missions qui pourront être les vôtres dans le monde et dans l’Église. Comme Jésus adolescent, retrouvé dans le Temple de Jérusalem par ses parents angoissés, il vous suggère de « mûrir dans la relation avec le Père, conscients d’être membre de la famille et du peuple, disposés à être comblés de l’Esprit et à être conduits pour réaliser la mission que Dieu vous confie, votre propre vocation » (30).

Vous ne pouvez pas vivre cet élan joyeux de la mission ou de la vocation tout seuls. Le Pape cite un proverbe africain : « Si tu veux aller vite, marche seul. Si tu veux aller loin, marche avec les autres » ; il ajoute : « Ne nous laissons pas voler la fraternité » (167). Vous savez que je demande dans notre diocèse de favoriser et de développer des petites fraternités missionnaires. Vos patrouilles sont un peu cela à votre niveau, et c’est excellent. «  Une rencontre avec Dieu prend le nom d’extase, lorsqu’elle nous sort de nous-mêmes et nous élève, captivés par l’amour et la beauté de Dieu (notamment dans la nature). Mais nous pouvons aussi être sortis de nous-mêmes pour reconnaître la beauté cachée en tout être humain, sa dignité, sa grandeur en tant qu’image de Dieu et d’enfant du Père » (164).

Vous avez aussi la possibilité d’ouvrir aux autres des horizons qui les mettent en route : « Le Seigneur nous appelle à allumer des étoiles dans la nuit d’autres jeunes, il nous invite à regarder les vrais astres, ces signes si variés qu’il nous donne pour que nous ne restions pas figés. Dieu allume pour nous des étoiles pour que nous continuions à marcher » (33).

En terminant, le Pape vous invite à nous devancer : « Courez, attirés par ce Visage tant aimé, que nous adorons dans la sainte Eucharistie et reconnaissons dans la chair de notre frère qui souffre. Que l’Esprit Saint vous pousse dans cette course en avant. L’Église a besoin de votre élan, de vos intuitions, de votre foi. Nous en avons besoin ! Et quand vous arriverez là où nous ne sommes pas encore arrivés, ayez la patience de nous attendre » (299). N’est-ce pas ce que saint Paul écrit aux Philippiens et que nous venons d’entendre : « Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (3, 14) ?
Le pape François fait sans doute allusion à l’évangile de la Résurrection, où Jean arrive devant Pierre au tombeau, où le disciple bien-aimé voit et croit avant le chef des Apôtres.

Oui, chers jeunes disciples missionnaires de Jésus,
clamez dans l’allégresse :
Il vit, le Christ. Il nous veut tous vivants, vivants de la vie de Dieu, ensemble. Hosanna !

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse