Lazare confiné

par Jean-Michel Castaing, auteur

Lazare confiné

Jésus tarde à venir !

« Seigneur, celui que tu aimes est malade » : c’est par ces mots que les sœurs de Lazare, Marthe et Marie, informent à distance Jésus de la maladie de leur frère. Malgré cet avertissement, Jésus, volontairement, tarde à se rendre au chevet de son ami. La suite nous apprendra qu’il désirait, par cet atermoiement, le ressusciter. Pour cela, il fallait que la mort eût achevé préalablement son travail sur le malade. Surtout, Jésus voulait conforter la foi de ses disciples. Or, le retour à la vie de Lazare représentait un puissant moyen pour cela. Pour saint Jean, la foi nous fait passer de la vie à la Vie avec un grand V. Elle constitue un enjeu tellement important qu’elle passe avant d’autres considérations. 

Mais ne nous penchons pas davantage sur les motifs qui ont poussé Jésus à agir de la sorte. Retenons seulement que Lazare a été privé de la présence consolatrice de celui qui aimait venir se retirer dans la fratrie aimante de Béthanie. Nous pouvons rapprocher le destin du frère de Marthe et Marie de la condition présente des croyants qui sont privés actuellement d’Eucharistie à cause du confinement, privés de la présence de prêtres pour les entendre, ou encore du simple soutien de leurs coreligionnaires. Mais les disciples de Jésus ne sont pas les seuls auxquels fait défaut la présence du Seigneur, soit directement dans la personne d’un prêtre, d’un aumônier, d’un missionné, soit indirectement par la présence d’une personne aimante. Ce sont toutes les personnes âgées dans les EHPAD, les maisons de retraite ou chez elles, mais aussi les malades de tout âge et de toute condition, confinés chez eux, qui sont privés d’une présence réconfortante. Eux aussi sont des Lazare que Jésus tarde à rejoindre ! Et que dire des obsèques soumises au régime de confinement pour raisons sanitaires ! Présences réduites au minimum ! Ces conditions rendent les deuils aussi difficiles que le fut celui de Lazare pour ses sœurs en l’absence de Jésus.

 Lazare le silencieux

Autre similitude entre les nombreux malades confinés et Lazare : le silence. Personnage principal de l’évangile de dimanche dernier, Lazare ne dit pourtant pas un mot ! Il est cette « figure inoubliable du silence » selon la formule de la poétesse Marie Noël. Le frère de Marthe et Marie est bien à l’image de toutes ces personnes âgées qui sont incapables de communiquer à cause d’un confinement cruel. Dans l’Evangile, personne n’adresse non plus la parole à Lazare. Tout tourne autour de lui, et pourtant il n’est jamais le destinataire d’une parole ! Tous parlent de lui, mais jamais en s’adressant à lui !

Si, il existe une exception ! C’est Jésus qui la pose, au dénouement du récit, lorsqu’il crie d’une voix forte : « Lazare, viens dehors !  ». Fin du confinement pour lui ! Confinement qui coïncidait avec l’absence de paroles ! La parole, c’est la vie ! Pour nous aussi, le terme de notre réclusion représentera une vraie résurrection ! Nous pourrons alors parler de nouveau avec Marthe et Marie sans gestes barrières, et retrouver Jésus dans l’assemblée eucharistique !

Jean-Michel Castaing

 


Actualité publiée le 29 mars 2020