Le Concile Vatican II et la responsabilité des baptisés

 
Le Concile Vatican II et la responsabilité des baptisés
 
 Le 12 octobre 1962 le pape Jean XXIII ouvre le Concile. Au cours de son discours d’ouverture il affirme ’Autre est la substance de la doctrine antique contenue dans le dépôt de la foi, autre la formulation dont on la revêt... L’Eglise préfère user du remède de la miséricorde plutôt que de la sévérité et qu’elle évite de porter des ’condamnations’.
 La plupart des schémas préparatoires du Concile contenaient justement un certain nombre de condamnations. L’assemblée reprochait à ces schémas de ne pas être en phase avec la société moderne. C’est ainsi que tous les schémas furent envoyés à la refonte avec une réorganisation des commissions. Seul le schéma sur la Litrugie fut accepté et ceci permit d’ouvrir le travail du Concile.
 
 Le 30 septembre 1963, Paul VI inaugurant la seconde session du Concile et désirant continuer l’intuition de Jean XXIII propose quatre objectifs au Concile qui se retrouveront dans les divers textes élaborés : la conscience de l’Eglise, son renouveau, l’unité des chrétiens, le dialogue de l’Eglise avec le monde contemporain.
 
 Sur le premier point il exprime l’espoir que le thème principal sera l’Eglise en ce qui concerne sa nature intime dans le but ’d’aboutir , dans les limites permises au langage humain, à une définition qui puisse mieux découvrir les multiples aspects de sa mission salvatrice’. Paul VI ouvre la porte à la collégialité et à la responsabilité des évêques, successeurs des apôtres.
 
 Le renouveau de l’Eglise il l’exprime à travers ces mots ’Une étude assidue et une dévotion plus grande envers la parole de Dieu seront certainement la base de cette première réforme. Ensuite l’éducation de la charité aura la place d’honneur ; nous devons chercher à constituer l’Eglise de la charité, si nous voulons que l’Eglise soit apte à se renouveler profondément elle-mëme et à renouveler le monde autour d’elle ; l’éducation à la charité est la reine et la racine de toutes les autres vertus chrétiennes : l’humilité, la pauvreté, la piété, l’esprit de sacrifice, le courage de la vérité, l’amour de la justice et de tout ce qui fait la force d’action de l’homme nouveau’.
 
 Sur l’unité des chrétiens il dit ’C’est un Concile d’invitation, d’attente, de confiance dans le sens d’une participation plus large et plus fraternelle à son oecuménicité authentique...Nous n’avons pas peur d’attendre patiemment l’heure bénie de la réconciliation parfaite...Nous tâcherons de donner un meilleur témoignage de notre effort de vie chrétienne authentique et de charité fraternelle.. Nous nous rappellerons le mot encourageant du Christ : ’Ce qui pour les hommes est impossible est possible à Dieu.’
 
. Sur le dialogue avec le monde, Paul VI affirme : ’l’Eglise découvre de plus en plus et elle confirme sa vocation missionnaire, c’est à dire la destination essentielle qui la voue à faire de l’humanité, en quelque condition qu’elle se trouve, l’objet de sa mission et son zèle passionné d’évangélisation’.. Que le monde le sache : l’Eglise le regarde avec une profonde compréhension, avec une admiration sincère, sincèrement disposée non à le subjuguer mais à le servir, non à le déprécier, mais à le mettre en valeur, non à le condamner mais à le soutenir et à le sauver.’ Tout en reconnaissant les difficultés du monde contemporain, Paul VI veut rester optimiste et encourager tous ceux qui oeuvrent pour créer un monde nouveau, un monde d’hommes libres et vraiment frères. Paul VI s’impose par sa volonté et son ardeur. Il connaît bien les rouages de la Curie mais il a maintenant assimilé tous les dossiers et il sait où il veut en venir. Il a conscience que les réformes qu’il entreprend sont à la fois impératives et urgentes. Il modifie le règlement du Concile en soulignant visiblement la collégialité des pouvoirs des évêques dans l’Eglise (il propose que les évêques portent la mozette : symbole du pouvoir de juridiction). Les laïcs participant au Concile (une douzaine environ) pourront prendre la parole tout comme les experts lorsqu’ils y seront invités par un des présidents de commission ou par un des quatre ’modérateurs’ . Cette clause montre le crédit que le pape fait aux laïcs. Ils ne seront pas que des figurants. La pape entend aussi donner ses chances et son entière liberté d’expression à la minorité. Tout groupe réunissant 50 évêques a le droit de présenter un ’contre-schéma’ ; les modérateurs le transmettront à la commission de coordination qui jugera la suite à donner. Ces quelques indications nous permettent maintenant d’entrer dans les textes qui mettront en lumière la responsabilité des baptisés.
 
 La première constitution adoptée est ’Sacrosanctum Concilium : la Sainte Liturgie adoptée le 4 décembre 1963 par 2147 votes pour et 4 contre. Ce texte a pu être promulguée en premier car un grand courant liturgique avait eu lieu à partir des travaux de Solesmes sur le chant grégorien dans la seconde moitié du XIXème siècle avec Dom Guéranger. Dans la première moitié du XXème siècle de nombreux travaux traitent de la liturgie. Les intuitions en sont les suivantes :
 
 Le caractère christologique de la liturgie (cf. Mediator Dei de Pie XII ’la liturgie est le culte intégral du Corps mystique de Jésus-Christ, i ;e ; du Chef et de ses membres’, texte repris pas le Concile au numéro 8). Nous trouvons à ce sujet les travaux de Dom Casel - le Mémorial du Seigneur dans la liturgie de l’Antiquité chrétienne (1945) , les réformes de la Semaine Sainte (1951-1955). Le retournement de l’autel rappellera la centralité du mystère pascal et la conviction que l’autel est la source dont provient toute grâce.
 
 La deuxième intuition est la suivante : la liturgie est une action célébrée par l’Eglise : découverte de la célébration commune de l’Eucharistie et de l’Office divin qui noue les premiers moines de Solesmes autour de leur Père abbé. Ils seront suivis par l’abbaye de Beuron (1863), Maredsous (1872), Mont César (1899). Il faut souligner ici les travaux de Lambert Baudoin. La dimension ecclésiologique de la litrugie, prière par excellence de l’Eglise et donc des chrétiens, fut le ressort profond de ce qu’on appela la participation active, expression utilisée pour la première fois en 1903 dans le Motu proprio de Pie X sur la musique sacrée. L’obstacle principal à la participation des fidèles aux actions liturgiques était constitué par l’usage de la langue latine. Il fut surmonté en deux temps : la diffusion du missel des fidèles comprenant les traductions en langue vernaculaire. Les Congrès de Lugano (16953) et d’Assise vont appuyer sur cette dynamique. Le Concile finira par entériner cette tendance (cf ; numéros 21,26,27).
 
 Enfin la troisième intuition concerne le caractère historique de la liturgie (travaux de Dom Guéranger, de la Maison Dieu, des Semaines d’études liturgiques avec Dom Botte et le P.Cyprien Kern, l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge, l’Institut Supérieur de Liturgie qui naît en 1956 à Paris). Le mouvement permit de restaurer la primauté du dimanche sur les fêtes des saints ou les messes des morts et on commença une réforme du Bréviaire. Dans notre région, Mgr Martimort écrit ’l’Eglise en prière’, ouvrage remarquable insistant sur les sources et ouvrant des perspectives nouvelles. Martimort va créer le Centre de Pastorale Liturgique avant le Concile. Des efffort sont déjà entrepris pour prier avec la langue du pays : traduction de missels latin-français, psaumes de Gélineau, essais de communs en français. Les missionnaires s’efforcent en particulier dans les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud d’intégrer la culture du lieu dans la liturgie. Le moment est propice à une réforme liturgique. Or dès le texte promulgué, nous trouvons des incidences importantes sur le rôle des baptisés.
’la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par signes sensibles , est réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, i.e. par le Chef et par ses membres’ (numéro 8)
 
 ’C’est par le baptême que les hommes sont greffés sur le mystère pascal du Christ : morts avec lui, envevelis avec lui, ressuscités avec lui, ils reçoivent l’esprit d’adoption des fils dans lequel nous crions : ’Abba, Père’ (Rm 8,15) et ils deviennent ainsi ces vrais adorateurs que cherchent le Père’. Le jour même de la Pentecôte, ceux qui accueillirent la parole de Pierre furent baptisés et ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la communion fraternelle dans la fraction du pain et aux prières’ (Ac 2, 41-47). La liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Eglise, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. Car les labeurs apostoliques visent à ce que tous, devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de l’Eglise, participent au sacrifice et mangent la Cène du Seigneur. (numéro 10)
 
 La participation active des fidèles est affirmée au numéro 14 ’L’Eglise souhaite sincèrement que tous les fidèles puissent être amenés à cette participation active et pleinement consciente aux célébrations liturgiques, que la nature de la liturgie elle-même exige. Une telle participation est pour les chrétiens, peuple choisi, sacerdoce royal, nation sainte sauvée par le Christ, un droit et un devoir du fait même de leur baptême (1 Pierre 2,9 – 2,4-5).
 
 En effet le baptême fait de chaque chrétien un prêtre, un prophète et un roi  :expression utilisée lors de la chrismation du baptisé. Le Concile met en place les Commissions liturgiques nationales et diocésaines dans lesquels on fera appel à des personnes expertes en science liturgique, en musique sacrée, en art sacré et en pastorale. Afin de favoriser la participation des fidèles la première partie de la messe sera présidée à l’ambon, lieu de la Parole. La parole de Dieu sera valorisée par la lecture d’un plus grand nombre de textes bibliques, d’où la répartition sur trois années. La prière des fidèles est restaurée et elle doit être préparée par eux. Les langues vivantes sont autorisées. La concélébration s’établit lorsque plusieurs prêtres sont rassemblés et la grande concélébration de la messe chrismale autour de l’évêque manifeste l’unité et la diversité de l’église avec les pasteurs et le peuple assemblé au cours de la Semaine Sainte. Si le Concile met l’accent sur la nécessité d’une participation réelle, il ne prévoit pas que tout le monde fasse la même chose ou que tous les rôles doivent être distribués au maximum. Cependant seront des plus en plus présents les lecteurs (trices), les animateurs, les musiciens, les chanteurs, les servants et servantes d’autel, etc..
 
 Cette première approche du rôle des baptisés exprimée dans la Constitution sur la Liturgie va trouver des fondements plus enracinés dans la constitution dogmatique sur l’Eglise (Lumen gentium) promulguée le 21 novembre 1964 avec 2151 votes pour et 5 contre). Avant d’être une organisation visible, l’Eglise est le peuple de Dieu, le corps du Christ et le temple de l’Esprit. Quelles que soient ses faiblesses, il faut y reconnaître avant tout une réalité spirituelle. Le juridique, l’institutionnel et l’humanitaire doivent y être au service du spirituel qui annonce au monde le Royaume de Dieu. Le premier projet exprimait une vision juridique et pyramidale de l’Eglise : il parlait d’abord du pape, puis des évêques, puis des prêtres et enfin des laïcs. La majorité concilaire obtint qu’un nouveau chapitre sur le ’peuple de Dieu’ soit inséré avant toute distinction des rôles respectifs de chacun. Tous les baptisés sont fondamentalement des égaux, et l’Eglise est d’abord un peuple en marche, dans la ligne de l’histoire du ’peuple de Dieu’ que la Bible raconte en ses deux Testaments. Ce peuple est un ’royaume de prêtres’ et les baptisés sont consacrés pour être un ’sacerdoce saint’. Ce peuple participe aussi à la fonction prophétique du Christ. Le peuple de Dieu a pour vocation de rassembler un jour l’humanité entière. ’le Fils de Dieu, dans la nature humaine qu’il s’est unie, a racheté l’homme en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection et il l’a transformé en une crétaure nouvelle (gal 6,15 ; 2 Cor 5, 17). En effet, en communiquant son Esprit à ses frères, qu’il rassemblait de toutes les nations, il a fait d’eux, mystiquement, comme son Corps.’numéro 7. ’Comme tous les membres du corps humain, malgré leur multiplicité, ne forment qu’un seul corps, ainsi les fidèles dans le Christ’ (Numéro 7). Les dons sont donc variés pour le bien de l’Eglise. De ce corps le Christ est la tête. Il est l’image du Dieu invisible et en lui toutes choses ont été créées. Tous les membres doivent se conformer à lui juqu’à ce que le Christ soit formé en eux (Gal 4,19). ’ce peuple messianique a pour chef le Christ ’livré pour nos péchés, ressuscité pour notre justification (Rm 4,25), possesseur désormais du Nom qui est au-dessus de tout nom... La condition de ce peuple, c’est la dignité et la liberté des fils de Dieu, dans le coeur de qui, comme dans un temple, habitre l’Esprit-Saint. Sa loi c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (Jn 13,34), sa destinée c’est le royaume de Dieu, inauguré sur la terre par Dieu lui-même, qui doit se dilater encore plus loin jusqu’à la fin des siècles où il recevra son achèvement. Cette universalité passe par le petit troupeau qui constitue pour tout l’ensemble du genre humain le germe le plus fort d’unité, d’espérance et de salut. Etabli par le Christ pour communier à la vie, à la Rédemption de tous les hommes, au monde antier, il est envoyé comme lumière du monde et sel de la terre (Mat 5, 13-16) (numéro 9)
 
 ’Les Baptisés, en effet, par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacedoce saint, pour offrir, par toutes les activités du chrétien, autant de sacrifices spirituels et proclamer les merveilles de celui qui des ténèbres les a appelés à son admirable lumière (1 Pierre 2,4-10). C’est pourquoi tous les disciples du Christ doivent porter témoignage du Christ sur toute la surface de la terre et rendre raison, sur toute requête, de l’espérance qui est en eux d’une vie éternelle (1 Pierre 3,15)’ Numéro 10). Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel, bien qu’il y ait entre eux une différence essentielle sont cependant ordonnés l’un à l’autre. Les fidèles par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’Eucharistie et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâces, le témoignage d’une vie sainte et par leur renoncement et leur charité effective (numéro 9) Le sacerdoce ministériel jouit d’un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offrir à Dieu au nom du peuple tout entier (numéro 10)
 
 ’L’unique peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens d’un royaume dont le caractère n’est pas terrestre mais céleste. Tous les fidèles dispersés à travers le monde sont, dans l’Esprit Saint en communion avec les autres et de la sorte, celui qui réside à Rome sait que ceux des Indes sont pour lui un membre... Ce caractère d’universalité qui brille sur le peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même, grâce auquel l’Eglise catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de biens sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit’ (N°13)
 
 ’Ainsi à cette unité catholique du peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle, tous les hommes sont appelés. A cette unité appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés, et les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au
salut (numéro 13) Nous sommes invités à confesser notre foi. ’L’Eglise unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé en peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et Temple du Saint-Esprit et que soient rendus dans le Christ, chef de tous, au Créateur et Père de l’univers, tout honneur et toute gloire’ (numéro 17) .
 
 Mais le rôle des baptisés est particulièrement souligné dans L’Eglise dans le monde de ce temps ’Gaudium et spes’ (promulgation le 7 décembre 1965 (2309 pour, 75 contre, 7 nuls)
 
 Ce document s’adresse aux catholiques, mais aussi au monde dans sa diversité. L’exposé qui fait référence à la Bible, plus qu’à l’enseignement des papes et des conciles, est nuancé et montre la complexité des questions. Le mouvement de la pensée va de la description des situations réelles à une réflexion croyante. On a voulu ’scruter les signes des temps’, regarder avec attention avant de chercher à comprendre à la lumière de l’Evangile puis à prendre des décisions, selon la méthode de l’Action catholique (voir, juger, agir). Le regard que le Concile jette sur la société est d’abord positif mais il se veut aussi réaliste : ce n’est pas l’apologie sans nuance de toutes les nouveautés du monde, comme certains le lui ont reproché. L’exposé préliminaire sur la condition humaine dans le monde d’aujourd’hui décrit toutes sortes de mutations de la société, sans cacher les difficultés et les misères que ces mutations engendrent. Cet exposé s’achève sur une éocation des aspirations universelles et des interrogations du genre humain.
 ’Le monde qu’a en vue le Concile est celui des hommes, la famille humaine toute entière avec l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, le monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur’ (Numéro 2). ’L’Eglise ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur, l’oeuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi’ (Numéro 3).
 
Le dialogue avec le monde
 
 ’Le Concile, témoin et guide de la foi de tout le peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine, à laquelle ce peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces différents problèmes, en les éclairant à la lumière de l’Evangile et en mettant à la disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Eglise, conduite par l’Esprit-Saint, et reçoit de son Fondateur. C’est en effet l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. C’est donc l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, coeur et conscience, pensée et volonté, qui constituera l’axe de toute cette constitution’ (numéro 3). ’L’Eglise ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur, l’oeuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi’ (numéro 3).
 
Les questions posées à notre monde
 
 Aux numéros 8 et 9 le texte exprime les questions importantes de notre monde moderne : evolution rapide sans ordre et accroissement des déséquilibres, déséquilibre entre l’efficacité et les exigences de la conscience morale, déséquilibre entre la spécialisation de l’activité humaine et une vue générale des choses. Il souligne aussi les tensions au sein de la famille (conditions démographiques, économiques et sociales, conflits des générations, rapports sociaux entre hommes et femmes). Il indique les désquilibres entre les races, les diverses catégories sociales, entre les pays riches, moins riches et pauvres, entre les institutions internationales nées de l’aspiration des peuples à la paix et les progagandes idéologiques, les égoïsmes collectifs qui se manifestent au sein des nations et autres groupes. . Il s’agit s’instaurer un ordre politique, social et économique qui soit toujours plus au service de l’homme et qui permette à chacun, à chaque groupe, d’affirmer sa dignité propre et la développer. ’(Relire le numéro 9 paragraphe 2)  
 
Un monde à construire et à instaurer
 
 Le baptisé est au coeur de ce monde à construire et à instaurer.. Tout sur terre est ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet. L’homme a été créé à l’image de Dieu, capable de connaître et d’aimer son Créateur. Il a été constitué Seigneur de toutes les créatures terrestres pour les dominer et pour s’en servir, en glorifiant Dieu. (cf. Psaume 8,5-7) Dieu n’a pas créé l’homme solitaire : il les créa homme et femme. Cette société de l’homme et de la femme est l’expression première de la communion des personnes. Car l’homme de par sa nature profonde, est un être social, et sans relations avec autrui, il ne peut ni vivre, ni épanouir ses qualités. Corps et âme mais vraiment un ; l’homme est, dans sa condition corporelle même un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet et peuvent librement louer le Créateur. L’homme ne doit pas dédaigner la vie corporelle, il doit estimer et respecter son corps qui doit ressusciter au dernier jour. Participant à la lumière de l’intelligence divine, l’homme a fait progresser les sciences, les techniques, les arts libéraux. La nature intelligente de la personne trouve sa perfection dans la sagesse qui attire avec force et douceur l’esprit de l’homme vers la recherche et l’amour du vrai et du bien. Notre époque a bsoin de cette sagesse. La dignité de l’homme se retrouve dans sa conscience morale. Celle-ci est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. Les chrétiens, unis aux autres hommes doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Dieu nous a créé libre, d’où des difficultés car cette liberté est difficile à gérer. La dignité de l’homme exige de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sur le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens par son ingéniosité. Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale.
 
Un monde où se trouve l’athéIsme et l’indifférence
 
 Face à l’athéïsme ou à l’indifférence envers Dieu, les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défallances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent. La reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l’homme car cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui l’achève (Numéro 21)
 
L’Eglise enseigne que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs. C’est à l’Eglise qu’il revient de rendre présents et comme visibles Dieu le Père et son Fils incarné, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse sous la conduite de l’Esprit-Saint. Il y faut surtout le témoignage d’une foi vivante et adulte, une foi formée à reconnaître lucidement les difficultés et capable de les surmonter. De nombreux martyrs en donnent encore aujourd’hui le témoignage. Sa fécondité doit se manifester en pénétrant toute la vie des croyants, y compris leur vie profane, et en les entraînant à la justice et à l’amour, surtout au bénéfice des déshérités.
 
 ’Enfin ce qui contribue le plus à révéler la présence de Dieu, c’est l’amour fraternel des fidèles qui travaillent d’un coeur unanime pour la foi de l’Evangile et qui se présentent comme un signe d’unité (numéro 21) . Le Christ est présenté comme l’homme nouveau par excellence ’Image du Dieu invisible, il est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine, altérée dès le début. Agneau innocent, par son sang librement répandu, il nous mérite la vie. C’est par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur et de la mort qui, hors de son Evangile, nous écrase. Le Christ est ressuscité ; par sa mort, il a vaincu la mort et il nous a abondamment donné la vie pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l’esprit : ’Abba, Père’’(numéro 23).
 
 Ces préliminaires étant posés, le Concile va balayer dans le second chapitre la communauté humaine, l’interdépendance de la personne et de la société, la promotion du bien commun
 
’en même temps, dit-il, grandit la conscience de l’éminente dignité de la personne humaine, supérieure à toutes choses et dont les droits et les devoirs sont universels et inviolables. Il faut donc rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière religieuse’ (numéro 26).

Cela inclut également le respect de la personne humaine. ’tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable ; toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes’ (numéro 27).
 
 Le Concile évoque également le respect et l’amour des adversaires, l’égalité essentielle de tous les hommes entre eux et la justice sociale, la nécessité de dépasser une éthique individualiste (les solidarités sociales comme un des principaux devoirs de l’homme d’aujourd’hui), la responsabilité et la participation, le verbe incarné et la solidarité humaine. 
 Le Verbe incarné a voulu entrer dans le jeu de cette solidarité. Il faut regarder les rencontres du Christ : Cana, Zachée, les repas chez les publicains et les pécheurs. Il a mené la vie même d’un artisan de son temps et de sa région.
 
Le chapitre III traite de l’activité humaine dans l’univers.
 
 Le Concile souligne la valeur de l’activité humaine et ses normes : ’l’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir la base matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait impuissants par eux seuls, à les réaliser’ (numéro 35). Il y a la juste autonomie des réalités terrestres. La science et la foi ne s’opposent pas. Si l’activité humaine est détériorée par le péché, elle trouve son achèvement dans le mystère pascal. C’est le Verbe qui nous révèle que Dieu est charité et qui nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour. Il nous a laissé les arrhres de cette espérance et un aliment pour la route : le sacrement de la foi, dans lequel des éléments de la nature, cultivés par l’homme, sont changés en son Corps et en son Sang glorieux. C’est le repas de la communion fraternelle, une anticipation du banquet céleste’ (numéro 38).
 
 Au chapitre IV le Concile étudie le role de l’Eglise dans le monde de ce temps.
 
 L’Eglise fait route avec l’humanité et partage le sort terrestre du monde. L’Eglise doit contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire (numéro 40)
 
’Aucune loi humaine ne peut assurer la dignité personnelle et la liberté de l’hommme comme le fait l’Evangile du Christ, confié à l’Eglise. Cet Evangile annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette tout esclavage qui en fin de compte provient du péché, respecte scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix, enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service de Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l’amour de tous’ (numéro 41)
 
 L’Eglise cherche à apporter à la société humaine un certain nombre d’actions guidées par l’Evangile : oeuvres destinées au service de tous, notamment des indigents, oeuvres de charité, participation au mouvement vers l’unité, progrès d’une saine socialisation et de la solidarité au plan civique et économique. L’Eglise peut être un lien très étroit entre les différentes communautés humaines et les différentes nations car elle n’est liée à aucune forme particulière de culture ou de système politique. (numéro 42)
 
 L’Eglise exhorte les chrétiens, citoyens de l’une et de l’autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres en se laissant conduire par l’esprit de l’Evangile. Il n’existe pas d’opposition entre les activités professionnelles et sociales et la vie religieuse (numéro 43)
 
 ’Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières. Lorsqu’ils agissent, soit individuellement, soit collectivement, comme citoyens du monde, ils auront à coeur, non seulement de respecter les lois propres à chaque discipline, mais d’y acquérir une véritable compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux. Conscients des exigences de leur foi et nourris de sa force, qu’ils n’hésitent pas, au moment opportun à prendre de nouvelles initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience, préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité terrestre’ (numéro 43). Dans la communauté humaine les laïcs sont appelés à être les témoins du Christ ; les évêques et les prêtres sont invités à permettre l’approfondissement du message de l’Evangile. Ils doivent donner un visage de l’Eglise d’après lequel les hommes jugent de la force et de la vérité du message chrétien.
 
L’apport du monde d’aujourd’hui
 
 Au numéro 44 le Concile reconnaît l’aide que l’Eglise reçoit du monde d’aujour’hui : réalité sociale de l’histoire elle exprime son message à travers les concepts et les langues des divers peuples. Il s’agit d’entrer dans le monde d’aujourd’hui avec les façons de penser très variées, avec les institutions diverses et les disciplines différentes, Il s’agit de scruter, de discerner et d’interpréter les multiples langages de notre temps. L’Eglise reçoit une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute foncition.
 
’Tous ceux qui contribuent au développement de la communauté humaine au plan familial, culturel, économique, social, politique (tant au niveau national qu’international), apportent par le fait même, et en conformité avec le plan de Dieu, une aide non négligeable à la communauté ecclésiale, pour autant que celle-ci dépend du monde extérieur. Bien plus, l’Eglise reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire’ (numéro 44).
 
 Enfin le numéro 45 insiste sur le Christ Alpha et Omega ’car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est lui-même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et récapitule toutes choses en lui. Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l’histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les coeurs et la plénitude de leurs aspirations. C’est lui que le Père a ressuscité d’entre les morts, exalté et a fait siéger à sa droite, le constituant juge des vivants et des morts... Nous marchons vers la consommation de l’histoire humaine’.
 
Les problèmes urgents à traiter
 
 Le Concile se penche dans la deuxième partie du texte aux problèmes les plus urgents concernant le monde contemporain
 
Il s’agit notamment du mariage et de la famille, de la culture, de la vie économico-sociale, de la vie politique, de la solidarité des peuples et la paix.
 
La famille
 
 Le numéro 47 traite de la dignité du mariage et de la famille. ’l’authentique amour conjugal est assumé dans l’amour divin et il est dirigé et enrichi par la puissance rédemptrice du Christ et l’action salvifique de l’Eglsie, afin de conduire efficacement à Dieu les époux et les aider et les affermir dans leur mission sublime de père et de mère’ ’la famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un mariage, image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Eglise, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Eglise, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres’.
 
 Le numéro 49 insiste sur l’amour conjugal ’Associant l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et mutuel d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des gestes de tendresse et il imprègne tout leur vie’ et le numéro 50 sur la fécondité du mariage. Le numéro 51 iinsiste sur l’amour conjugal et le respect de la vie humaine ’La vie doit être sauvegardée dès sa conception’ d’où le refus de l’avortement et de l’infanticide.
 
 Le numéro 52 montre que la promotion du mariage et de la famille est le fait de tous et notamment le rôle du père et de la mère sans négliger la légitime promotion
sociale de celle-ci, l’éducation des enfants afin de les conduire à la responsabilité, la liberté dans leur vocation humaine (mariage ou vocation religieuse) sans exercer de contrainte.
 
La culture
 
 Au sujet de la culture, le Concile s’exprime aux Numéros 53 à 62. Il examine les choc des cultures et les difficultés que cela engendre dans notre monde contemporain. Il apparaît qu’aujourd’hui par la compénétration des cultures s’élabore le goût de sciences, la nécessité de travailler en équipe dans des groupes spécialisés, le sens de la solidarité internationale, la conscience de la responsabilité que les savants ont d’aider et même de protéger les hommes, la volonté de procurer à tous des conditions de vie plus favorables à ceux qui en sont privés (numéro 57)

 L’universalité du message chrétien fait que ce message envoyé à tous les peuples de tous les temps et de tous les lieux, n’est pas lié de manière exclusive à une race ou une nation. Le chrétien peut entrer en communion avec les diverses civilisations (= enrichissement pour lui-même et pour les différentes cultures). (numéro 58)
 
 ’La culture doit être subordonnée au développement intégral de la personne, au bien de la communauté et à celui du genre humain tout entier’ (numéro 59) Les pouvoirs publics sont invités à établir les conditions et les moyens susceptibles de favoriser la vie culturelle au bénéfice de tous, sans oublier les éléments minoritaires présents dans une nation (numéro 59).
 
 Le Concile insiste ensuite sur les devoirs les plus urgents des chrétiens par rapport à la culture :
 
  • travailler avec acharnement en matière économique, politique et également sur le plan international afin de faire reconnaître partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation (numéro 60) Chacun a le droit de se cultiver d’où faire en sorte que les agriculteurs et les ouvriers puissent avoir des conditions de travail qui leur permmettent l’accès à la culture.
  • Utiliser les moyens de communication moderne permettant de faciliter l’universalité de la culture, établir des relations fraternelles entre les hommes de toutes conditions, de toutes nations ou de races différentes. (numéro 61)
  • La littérature et les arts ayant une grande importance pour la vie de l’Eglise il faut établir des échanges avec les artistes.’ et qu’on les accueille dans le sanctuaire lorsque, par des modes d’expression adaptés et conformes aux exigences de la liturgie, ils élèvent l’esprit vers Dieu’ (numéro 62)
  • On souhaite également que les laïcs puissent recevoir une formation suffisante dans les sciences sacrées et que plusieurs pami eux se livrent à ces études et les approfondissent.
La vie économique
 
 Sur la vie économico-sociale, le texte traite de la question des numéros 63 à 72.
Le Concile note les déséquilibres économiques et sociaux dans les secteurs agricoles, industriels et les services. Il existe une opposition entre les nations mettant en péril la
paix du monde. Certes il faut encourager le progrès technique, l’esprit d’innovation, la création et l’extension d’entreprises, l’adaptation des méthodes, les efforts de ceux qui participent à la production (numéro 64)
 
 Les pouvoirs publics ont à ce sujet une responsabilité afin d’harmoniser l’économie. Il faut mettre un terme aux immenses disparités économico-sociales ’tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent traiter les travailleurs comme des personnes et non comme de simples instruments de production  ; de faciliter la présence auprès d’eux de leur famille (pour les étrangers) ; de les aider à trouver un logement décent et de favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région d’accueil (numéro 66)
 
 Le processus du travail production doit se faire selon les besoins de la personne et faciliter en particuler la vie du foyer. Les travailleurs doivent avoir la possibilité de développer leurs qualités et leur personnalité dans l’exercice même de leur travail’ (numéro 67).
 
 Les travailleurs sont invités à fonder librement des associations capables de les représenter d’une façon valable et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique. Ils doivent pouvoir prendre part aux activités de ces associations, sans courir le risque de représailles. Les biens de la terre sont destinés à tous les hommes. Il importe de poursuivre le développement des services familiaux et sociaux, notamment ceux qui contribuent à la culture et à l’éducation. Le citoyen est invité à ne pas adopter vis à vis de la société une attitude de passivité, d’irresponsabilité et de refus de service.
 
’Les chrétiens actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent aussi beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. Dans ces activités, qu’ils brillent par leur exemple, individuel et collectif. Tout en s’assurant la compétence et l’expérience absolument indispensalbes, qu’ils maintiennent, au milieu des activités terrestrers, une juste hiérarchie des valeurs, fidèles au Christ et à son Evangile, pour que toute leur vie, tant individuelle que sociale, soit pénétrée de l’esprit des Béatitudes et en particulier de l’esprit de pauvreté.’ (numéro 72)
 
La vie de la communauté politique (Numéros 73 à 76)
 
 ’Pour instaurer une vie politique vraiment humaine, il faut développer le sens intérieur de la justice, de la bonté, du dévouement au bien commun et renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la communauté politique, comme sur la fin, le bon exercice et les limites de l’autorité publique.’ (Numéro 73). Les citoyens doivent user de leur droit d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun. L’Eglise estime l’activité de ceux qui se consacrent au bien de la chose publique et en assurent les charges pour le service de tous (numéro 75). Les gouvernants sont invités à ne pas faire obstacle aux associations familiales, sociales et culturelles, aux corps et institutions intermédiaires et ne pas empêcher leurs actiités légitimes. Il est inhumain que des gouvernements viennent à des formes totalitaires ou des formes dictatoriales qui lèsent gravement le droit des pesonnes et des groupes sociaux (numéro 75)
 
 ’Les chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté politique : ils sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun ; ils montreront ainsi par les faits comment on peut harmoniser l’autorité avec la liberté, l’initiative peronnelle avec la solidarité et les exigences de tout le corps social, les avantages de l’unité avec les diversités fécondes’ (numéro 75).
 
 Il est nécessaire de se préparer à l’engagement politique et de se dévouer au bien de tous avec sincérité et droiture. L’Eglise n’est liée à aucun système politique en raison de la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine. ’En prêchant la vérité de l’Evangile, en éclairant tous les secteurs de l’activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent des chrétiens, l’Eglise respecte et promeut aussi la liberté politique et la responsabilité des citoyens’ (numéro 76) L’Eglise ne doit pas être empéchée de sa mission parmi les hommes. Elle peut porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique lorsque les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent.
 
La construction de la paix
 
 La dernière partie de la Constitution porte sur la sauvegarde de la paix et la construction de la communauté des nations (numéros 77 à 90)
 
Bienheureux les artisans de paix’ Nous sommes invités à être des artisans de la paix. La paix n’est pas seulement l’absence de guerre. ’La paix dont nous parlons ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde du bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices. La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter’ (numéro 78)
 
 Jésus a tué la haine dans sa propre chair et après le triompne de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le coeur des hommes. ’De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des faucilles’ (isaïe 2,4). Cependant la guerre n’a pas disparue. Le progrès de l’armement scientifique accroît l’horreur et la perversion de la guerre. ’Tout acte de guerre qui tend indistinctivement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation’ (numéro 80)
 
 La course aux armements ne constitue pas une voie sûre pour le maintien de la paix. ’Il faudra choisir des voies nouvelles en partant de la réforme des esprits pour en finir avec ce scandale et pour pouvoir ainsi libérer le monde de l’anxiété qui l’opprime et lui rendre une paix véritable’ (numéro 81) La course aux armements est une plaie grave de l’humanité et lèse les pauvres de manière intolérable.. Il faut que les instances internationales s’appliquent avec énergie à l’étude des moyens les plus capables de procurer la sécurité commune. La paix doit naître par la confiance mutuelle entre peuples au lieu d’être imposée aux nations par la terreur des armes. Tous doivent travailler à metrre fin à la course aux armements. (numéro 82).
 
 Pour bâtir la paix, la première condition est l’élimination des causes de discorde entre les hommes : elles nourrissent les guerres, à commencer par les injustices’ Il faut que les institutions internationales développent et affermissent leur coopération et leur coordination et que l’on provoque sans se lasser la création d’organismes promoteurs de paix. (numéro 83). Ces institutions doivents pourvoir aux divers besoins des hommes aussi bien dans le domaine de la vie sociale (alimentation, santé, éducation, travail) que pour faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici ou là. La solidarité actuelle du genre humain impose aussi l’établissement d’une coopération itnernationale plus poussée dans le domaine économique. Beaucoup de peuples ne
sont pas libérés d’inégalités excessives et de formes de dépendance abusives. ’L’éducation et la formation professionnelle doivent préparer les citoyens de chaque nation à faire face aux diverses tâches de la vie économique et sociale. Ceci demande l’aide d’experts étrangers ; ceux qui l’apportent ne doivent pas se conduire en maîtres, mais en assistants et en collaborateurs. Quant à l’aide matérielle aux nations en voie de développement, on ne pourra la fournir sans de profondes modifications dans les coutumes actuelles du commerce mondial. D’autres ressources doivent en outre leur venir des nations évoluées, sous formes de dons, de prêts ou d’investissements financiers : ces services doivent être rendus généreusement et sans cupidité d’un côté, reçus en toute honnêteté de l’autre’ (numéro 85)
 
 Il faut en finir avec l’appétit de bénéfices excessifs, avec les ambitions nationales et les volontés de domination politique, avec les calcus des stratégies militaristes et les manoeuvres dont le but est de propager ou d’imposer une idéologie..
 Les nations en voie de développement doivent d’abord s’appuyer sur la mise en oeuvre des ressources de leurs pays, sur leur culture et leurs traditions propres et non pas compter sur les seuls secours étrangers. Les nations développées ont le devoir d’aider les nations en voie de développement à accomplir ces tâches.
 
Conclusion
 
 Une expression revient constamment dans ’Gaudium et Spes’ : celle de la dignité de la personne humaine ; clef de compréhension du texte et qui a constitué le titre même de la déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis humanae). Les mots dignité, liberté, vérité, égalité, solidarité, justice, paix, service, bien commun, droit des personnes vont tisser les liens entre l’Eglise et le monde contemporain, entre les chrétiens et tous leurs frères en humanité. Le Concile a scruté un monde en mouvement. Il a réfléchi dans un contexte d’immédiate après guerre : guerre froide, tiers-monde, croissance, progrès technique. Cinquante ans après les enjeux ont pour nom : mondialisation, réchauffement climatique, bio-diversité, resources naturelles, monde multipolaire, migrations, crise financière, révolution numérique, effondrement des idéologies, réveil des intégrismes, du terrorisme, essor de l’individualisme et des nationalismes, peurs et principe de précaution. Nous sommes dans un ’autre monde’ mais il s’agit de la même personne humaine, de la même communauté, de la même dignité, de la même vocation. Vatican II a préparé l’Eglise à la mondialisation : le globalisme du Concile s’explique par les provenances géographiques des Pères dépassant de fait la logique de la guerre froide au nom de la communion de la foi. Mais cette globalité se rencontre également dans l’intérêt du Concile envers l’autre : le non catholique, le chrétien, le juif, le musulman, le croyant d’une autre religion, le non croyant, tous entrent dans l’horizon catholique comme jamais aparavant (cf. Andréa Ricardi au collège des Bernardins – Octobre 2012). De façon prophétique, le Concile exhorte à la construction de la communauté des nations et des instituions internationales et s’il est un manque pour faire face à nombre de sujets d’aujourd’hui, c’est bien celui de l’absence de gouvernance mondiale et des pouvoirs de régulation qu’il appelait de ses voeux (Gaudium et Spes numéros 83 à 86).

Dans les textes du Concile, tout est dit parce qu’il est question de la dignité de la personne humaine, qui transcende les époques et les cultures, les défis et les bouleversements de chaque génération. Un monde nouveau s’ouvre devant nous. La dignité de l’être humain et l’avenir de l’humanité ont partie lieé : tout semble aller si vite et pourtant tout nous conduit à revenir aux réalités les plus fondamentales de l’homme, de la femme, de la vie, de la paix, de la joie, de la fécondité, du bonheur frugal et respectueux de nos frères en humanité et de la nature qui nous est
confiée. Une nouvelle réalité spirituelle est à inventer. Il s’agit d’abord d’un appel à la conversion personnelle : fraternité, proximité avec les pauvres, communion entre les personnes à associer avec la famille, espace de fidélité et de gratuité, de ton et de transmission, de stabilité et d’enracinement dans un monde en mouvement.
 
’Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné.. Le Christ Seigneur manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation’ (Gaudium et Spes numéro 22). En lui se trouve l’éternelle jeunesse de la Parole de Dieu au monde, que le Concile est venu nous redire en nous recentrant par Lui sur l’unique essentiel.
 
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3 décembre 1964 – Joseph Ratzinger
 
Sur la question liturgique : Pour lui le Concile avait fait magnifiquement progresser les esprits. Il fallait retrouver la nature authentique du culte chrétien qui n’avait cessé de s’estomper à partir du bas Moyen-Age. Le Concile de Trente qui avait voulu corriger les abus les plus cirants l’avait fait au prix d’une centralisation étroite dans les mains de la Congrégation des rites. Cette administration romaine avait agi d’une façon purement bureaucratique, de sorte que la liturgie, enfermée dans la stricte et scrupuleuse observance des rubriques, était devenue une sorte de cérémonial de cour s’appliquant au sacré d’où une fossilisation et un dessèchement intérieur. Il fallait abatytre ce qu’il n’hésitait pas à nommer ’le mur du latin’ pour que la liturgie accomlisse sa vocation d’annonce de la foi et d’invitation à la prière. Or, grâce à la fois au mouvement liturgique déjà esquissé sous le pontificat de Pie XII et à la réforme engagée par le concile, tout cela était en cours. Le pape (Paul VI) avait heureusement montré la voix en présidant une concélébration eucharistique par deux fois, à l’ouverture et à la fermeture de la session. Et les premières réformes commençaient à être mises en oeuvre dans les diocèses à partir de ce mois de décembre. Bien sûr, au début, tout ne serait pas simple et on balbutierait un peu, mais c’était tellement nécessaire.
 
’Gaudium et spes’
 
Le schéma XIII qui devait devenir la Constitution pour le monde avait été préparé par les experts français et notamment le P. Marie-Dominique Chenu. On en était à la 7 ? mouture. Avant même la présentation officielle les cardinaux Ruffini et Siri avait tiré à boulet rouge contre ce texte (relativiste et naturaliste). Mais là n’était pas la plus grand difficulté. Le schéma avait été rapporté par Mgr Garrone. Il avait de solides appuis dans l’assemblée. Mais la charge était venu de deux experts allemands : Joseph Ratzinger et Karl Rahner. Pour eux le schéma était théologiquement faible, mal fichu, mal fondé. Les Français à la manoeuvre sur ce schéma avaient choisi une théologie ’inductive’ : regarder d’abord le monde avec une bienveillance suffisante pour y reconnaître les signes de la présence de Dieu et de son action. Le schéma consacrait un chapitre à la lecture ’des signes des temps’ selon l’expression de Jean XXIII. A ce monde en qui Dieu était une sorte d’acteur caché ou ignoré, il s’agissait de révéler, de dévoiler la source de la lumière qui déjà l’éclairait. Telle était la logique qui présidait au déploiement de la pensée des théologiens à l’origine du texte. Les Allemands, eux, souhaitaient partir de l’exposé de la Révélation que Dieu fait de lui-même et du sens qu’il donne au monde et à l’existence humaine pour annoncer à l’humanité le projet divin. Cette perspective n’excluait d’ailleurs pas de reconnaître dans le monde les traces de l’action de Dieu, mais il s’agissait de les reconnaître à partir de la Révélation et non l’inverse, ce que faisait le schéma. On décida de faire une sous-commissions de révision en faisant entrer des experts allemands afin d’infléchir le texte. Le 23 septembre 1965 le texte avait reçu une large approbation générale. A la discussion, le Cardinal Frings (Cologne) pointait l’inadaptiation de l’usage du terme ’Peuple de Dieu’ catégorie biblique étrangement recyclée dans la modernité. On ne savait guère où le situer dans son rapport avec le reste de l’humanité au point de douter qu’il en fasse pleinement partie. Qu’était-ce que ce peuple, interrogeait Frings qui semblait se situer en vis-à-vis du reste du monde ? N’était-il pas lui aussi composé d’hommes ? - L’autre objection concernait l’usage du terme ’monde’ qui ne désignait pas toujours dans le texte du schéma la même réalité. Le troisième reproche concernait l’optimisme abusif’ qui tendait à confondre le progrès des connaissances et des techniques avec l’espérance chrétienne. 
 
Mgr Volk, évêque de Mayence reprochait au schéma de s’engager imprudemment et maladroitement dans l’exposition des changements du monde contemporain. Or, disait-il, le monde n’a nul besoin de nous pour cela. Nous avons en revanche à lui dire ce qu’il ignore et que nous avons mission de lui annoncer. Il désirait que la partie ’La tâche de l’Eglise dans le monde de ce temps’ soit mise au début du schéma. Enfin il soulignait l’excès de bienveillance du texte qui ne pointait pas suffisemment conbien ce monde était défiguré par le péché. Le texte, au lieu de le condamner comme une faute et un refus de Dieu, tentait de le comprendre. Enfin Mgr Elchinger (Strasbourg) avait repris en partie la critique allemande sur la méthode d’exposition. Lui aussi considérait que l’Eglise avait le devoir de dire au monde qui elle était et ce qu’elle proposait. Si Chenu savait que la méthode choisie était déstabilisante, il ne comprenait pas pourquoi les Allemands se refusaient à entrer dans la logique du schéma. Deux jours avant, il avait fait salle comble et conquis beaucoup de Pères en défendant le point de vue choisi par les rédacteurs. Il s’agissait de prendre en consdération la réalité propre du monde et de le faire au nom de l’Incarnation, c’est à dire de la nouveauté absolue du christianisme qui se refuse à tout dualisme : le monde et Dieu, le corps et l’âme, le naturel et le surnaturel, le sacré et le profane. Il avait eu cette formule : ’L’actualité de l’Evangile passe par les questions des hommes’. Ce discours boulversait sans doute les théologies classiques, mais beaucoup de Pères d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine y voyaient une piste pleine d’intérêt pour faire résonner l’Evangile hors de la culture occidentale.
 
 Avant la reprise des discussions, un texte avait été écrit : c’était une pétition qui demandait que le schéma XIII comporte une condamnation explicite et sans détour du communisme ainsi que les pontifes précédents n’avaient pas manqué de le faire.. Le texte exposait que le communisme était la ’forme de l’athéisme qui exerce la plus grande influence sur les chrétiens et qui abuse malheureusement tant de personnes sous masque du progrès économique et social’. Le texte avait recueilli plus de 300 signatures. Or ce texte avait été publié dans la revue ’Concretezza’ en date du 1 ?novembre 1965 et au moment de la discussion le texte avait été égaré ! Mgr Garrone n’avait pas dit un seul mot pour dire coment l’amendemant avait été traité. En conséquence le chapitre sur l’athéisme, le mot ’communisme’ n’était même pas mentionné. En fait il y avait par derrière la volonté de Jean XXIII et de Paul VI d’avoir un accord entre le Vatican et Moscou pour ne pas condamner explicitement le communisme (Des évêques avaient pu venir au Concile, d’autres avaient été libérés). A propos du mariage, Paul VI voulut que l’on respecta la doctrine ancestrale : il ne suffisait pas de parler d’amour. Paul VI ne cédait à aucune pression autre que celle de sa conscience. Il permettait cependant que ses demandes soient interprétées et qu’on trouve d’autres formulations dès l’instant où l’on respecterait sa pensée et la juste doctrine. Dans la commission, les demandes du pape avaient été intégrées avec le plus de doigté possible. La citation de Casti Connubii (1930) à laquelle on n’avait pas pu échapper était renvoyée en note de référence, la recommandation de la chasteté conjugale avait été déplacée de quelques lignes et sur la question des fins du mariage, on avait réussi à maintenir un savant et subtil équilibre entre l’amour et les enfants et on avait finalement retenu l’expression ’moyens illicites visant à empêcher la génération’ afin de laisser dans l’indétermination les moyens en question. Sur le conseil du rexteur Albert Prignon, le Cardinal Suenens renonça à engager le combat avec le pape sur ce sujet. Sur la guerre et la paix, malgré une tentative de dernière minute du Cardinal Spellman (new York) pour faire voter non placet le texte final condamnait sans ambiguïté la guerre totale, l’utilisation des armes atomiques, même en cas de légitime défense et si finalement il n’interdisait pas formellement la possission d’armes nucléaires, il faisait peser un lourd soupçon sur la moralité de cet ’équilibre de la
terreur’ qui, en dépit de son nom, était synonyme de paix. Le Concile déclarait ’Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières, ou de vastes régions, avec leurs habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation’.
 
 Finalement le 7 décembre 1965, le schéma XIII devenu la ’Constitution pastorale pour l’Eglise de ce temps’ qui, bien que conçu dans la douleur, s’intitulait Gaudium et Spes, ’Les joies et les espoirs’. Dans son homélie, Paul VI montra à quel point il était en plein accord avec les orientations de Gaudium et Spes : oui, l’homme était mis ainsi au coeur du souci de l’Eglise et au coeur de la réflexion théologique non pas ’contre Dieu’ par humanisme ou pour se rendre aux modes du temps, mais parce que Dieu Lui-même avait le souci de l’homme. ’La religion catholique est pour l’humanité ; en un certain sens, elle est la vie de l’humanité’. Il se montra lyrique, parla de la liberté et du vrai bonheur que, par la voix du concile, l’Eglise offrait à l’homme d’aujourd’hui.