Le contraire de la honte

Quel est l’objectif du Groupe de Recherche sur la Honte ? Quel est le but que nous visons ? C’est d’abord l’audace joyeuse de la Pentecôte, en grec la parèsia, une audace de parole qui surprend tellement les autorités de l’époque qu’elles ne savent plus comment la contrôler.

C’est une sorte de fierté, mais sûrement pas la fierté des vainqueurs qui se partagent un butin ou un territoire, c’est une fierté qui s’exprime en charité, une fierté basée sur un renversement, comme dans le Magnificat, plus précisément une remise à l’endroit. Marie incomprise que l’on veut humilier est plus que rétablie : « Tous les âges me diront bienheureuse ! ». Son effet est personnel, puis public, dans un amour profond et gratuit, et non d’auto-valorisation, venant de soi ou du groupe. Ce n’est pas une démonstration de force émanant d’un clan politique, mais une évidence libératrice et profonde, l’effet d’une puissance venue d’ailleurs d’un messager qui révèle : « Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est la Vie ? », d’un songe de Martin Luther King : « I had a dream ! ». C’est la grâce de certaines marches blanches en sursaut de dignité, de respect, de pardon. Je vivais encore dans la honte lorsqu’il m’a été donné, un matin de Pentecôte de tomber sur le Cantique des Cantiques et la grâce d’entendre dans mon âme : « Tu es noire et pourtant belle ! ». Tu es noire aux yeux du monde et à tes yeux, et pourtant belle aux yeux du Consolateur qui te guérit. Le contraire de la honte n’est pas une fierté qui oppose, mais une paix qui réconcilie, qui relève et inclut tous ceux qui la reçoivent, qui reconstruit la société par les personnes. La honte ferme des cadenas sur les lèvres des souffrants et enferme ses esclaves dans ses murs. Elle rejette l’enfant sur la paille et le menace de mort parce qu’il dérange gravement, cela se reproduit si souvent aujourd’hui. « Suis-je le gardien de mon frère ? » demande Qaïn, dont le nom signifie ’la lance’.

L’audace joyeuse, c’est le discours de Joseph Wresinski au Trocadéro ouvrant une place au Quart-Monde et le geste de Jean Vanier jetant dans le caniveau la clef du Val Fleuri, la clef qui enfermait les personnes handicapées mentales loin des regards. L’audace joyeuse, c’est le passage de la mer rouge et la chute du mur de Berlin, et en poème La prière de Francis Jammes réhabilitant « le fils dont la mère a été insultée » avec « la vierge qu’on a déshabillée » et surtout « le Juste1 mis au rang des assassins ». L’audace joyeuse, c’est l’accueil difficile mais fructueux de notre fille autiste Marie Noëlle et l’écoute de sa vocation de réconcilier le monde avec les personnes handicapées mentales. L’audace joyeuse, c’est la certitude que nous sommes sur terre pour recevoir, vivre et transmettre un message d’amour et de fraternité. L’audace joyeuse, c’est encore Gandhi s’engageant dans la libération des opprimés par la non-violence et appelant harijans, c’est-à-dire fils de Dieu, les personnes réputées intouchables. L’audace joyeuse, c’est toujours la Diaconie du diocèse réunissant les personnes en marge et leurs amis, les accueils des migrants, les Maisons de la Fraternité. Ce sont mille initiatives en tables ouvertes des paroisses, en Restos du Cœur, etc, et finalement la honte changée en joie, par la grâce d’embrasser les pieds du Christ en ses pauvres.

 

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Actualité publiée le 19 décembre 2019

 

 

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