Messe chrismale : Homélie et images

Lundi 15 avril 2019 à 18h30 - En la cathédrale Saint-Étienne

Messe chrismale : Homélie et images

 

« Vous n’êtes pas tous purs », dit Jésus à ses Apôtres au moment où il se met à leur laver les pieds (Jn 13, 11) : il faut qu’il nous lave, pour que nous ayons part avec lui. Nous sommes tous pécheurs, nous le reconnaissons ensemble au début de chaque messe et nous l’avons éprouvé, personnellement et en Église, pendant ce Carême décapant ; nous prenons la mesure de nos fautes, de notre complicité avec des structures de péché qui obscurcissent notre vie. Aussi nous crions avec le psalmiste : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit  » (Ps 50, 12).

En cette messe chrismale, nous nous souvenons de l’onction que nous avons tous reçue, puisque nous avons été marqués par la grâce de l’Esprit Saint au baptême et à la confirmation. Nous sommes tous « fidèles du Christ », fidèles au Christ. Christifideles est le beau nom qui désigne tous les chrétiens dès les premiers mots du Livre du Code de Droit canonique qui traite du Peuple de Dieu : « Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde  » (canon 204 § 1).
Nous rendons visible en ce moment cette unité diversifiée du Peuple de Dieu, appelé à poursuivre les missions divines du Verbe incarné et de l’Esprit consolateur dans et pour le monde en diffusant l’Évangile du Christ. Une telle mission ne peut être crédible que si notre vie est en cohérence avec notre foi et nos paroles : l’unité de nos communautés suppose et développe à la fois notre effort quotidien d’unification intérieure.

Nous sommes pécheurs, mais, comme l’écrit saint Jean, « nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon des péchés, non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier  » (1 Jn 2, 1-2). Face à une marée de fautes qui refluent depuis le passé, nous avons le devoir urgent de nous convertir, de condamner les conduites scandaleuses d’autrefois et de nous garder tous aujourd’hui de toute hypocrisie. Nous avons besoin de respirer à plein poumons l’air frais, l’air vivifiant de l’Évangile. Gardons-nous de notre faiblesse en l’offrant à Jésus, « doux et humble de cœur  ». « Petits enfants, nous dit encore saint Jean, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ; car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses » (3, 18-20).
Restons tout proches de notre Défenseur, qui est Jésus, le Christ, et aussi de notre Avocat, qui est l’Esprit Saint. Le « disciple bien-aimé » nous fait à tous cette recommandation : « Quant à vous, c’est de celui qui est saint que vous tenez l’onction, et vous avez tous la connaissance  » (2, 20). Nous tous, «  disciples du Christ », grâce à l’onction baptismale et à l’onction de la confirmation, sommes marqués de l’Esprit Saint, qui rappelle à notre cœur l’enseignement de Jésus, qui nous fait ses témoins, ses apôtres aussi là où nous sommes. Les ministres ordonnés, qui vont ce soir renouveler leurs promesses, ne sont pas les seuls envoyés en mission, mais il leur revient, comme serviteurs, de coordonner, d’encourager et de nourrir le témoignage vivant de tous les fidèles dans le monde. Ceux qui ont reçu l’onction sacerdotale sont les pasteurs de nos communautés, serviteurs de leur unité, capables de donner aux fidèles toute leur place dans la mission ecclésiale, de leur donner la parole. Je remercie tous ceux qui savent les soutenir dans les moments difficiles que nous vivons.

Dans les temps où nous sommes, très chers frères et sœurs, nous avons besoin de développer avec délicatesse ces onctions que nous avons reçues. En premier lieu, comment avons-nous à cœur de panser les blessures des victimes ? Nous commençons seulement d’en mesurer l’ampleur. Nous nous y employons activement, par exemple dans la Cellule d’écoute, et nous essayons de proposer des éléments de réparation ; nous y avons réfléchi encore à l’Assemblée des évêques à Lourdes récemment.

Au sein de notre Église diocésaine, je demande à chacun d’entre nous de veiller sur son cœur, pour qu’il ne se durcisse pas, et d’en arracher toute racine d’amertume. Faisons-nous confiance les uns aux autres, dans l’humble fidélité au Christ qui est la nôtre, surtout celle des prêtres, éprouvés comme moi-même tous ces temps-ci. L’onction que nous nous devons et qui vient de Dieu n’est pas faiblesse doucereuse, mais attention délicate les uns aux autres dans le service de la vérité ; elle est aussi force et vigueur, car l’huile est donnée aux malades pour les fortifier dans leur lutte contre ce qui menace leur santé ; elle pénètre encore les corps et les âmes pour la lutte, le combat contre le péché, le combat pour l’unité face aux divergences nocives. Laissons se répandre en nous et entre nous cette huile d’allégresse, qui est versée abondamment sur la tête du Christ, l’Oint par excellence, et qui imprègne de proche en proche tout son Corps. « Oui, Dieu, ton Dieu n’a consacré d’une onction de joie, comme aucun de tes semblables  », chante le Psaume 44e, un des grands psaumes messianiques.

Ainsi pourrons-nous diffuser avec force et douceur la bonne odeur du Christ. « Rendons grâce à Dieu, écrit saint Paul aux Corinthiens, qui répand par nous en tout lieu le parfum de sa connaissance. Car nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ » (2 Co 2, 14-15), du Christ vivant.

« Contemple Jésus heureux, vient d’écrire aux jeunes le pape François, débordant de joie. Réjouis-toi avec ton Ami qui a triomphé. Ils ont tué le saint, le juste, l’innocent, mais il a vaincu. Le mal n’a pas le dernier mot. Dans ta vie, le mal non plus n’aura pas le dernier mot, parce que l’Ami qui t’aime veut triompher en toi. Ton Sauveur vit »
(Christus vivit, n. 126).

+ fr. Robert Le Gall,
Archevêque de Toulouse

15 avril 2019

 


Actualité publiée le 16 avril 2019