Monseigneur William Shomali à St François d’Assise à Toulouse

Invité par le Comité diocésain de Solidarité avec les Chrétiens du M.O., le 27 août 2012, Mgr William Shomali, évêque auxiliaire de Jérusalem, nous propose une conversation "ouverte" sur la situation des Chrétiens au Moyen-Orient…
 
Mgr. Shomali commence son propos en nous rappelant la possible prochaine venue du Saint-Père au Liban pour livrer les conclusions du Synodes des Evêques des Eglises d’Orient… C’est très important mais le climat actuel dans cette région rend cette visite délicate. Viendra, viendra pas, la décision devrait tomber dans quelques jours…
 
Ensuite Mgr. Shomali construit son propos en nous livrant, en 5 points, le message du Synode, tout en précisant que ce synode fut extraordinaire car ce fut la première rencontre des évêques du Moyen Orient pour parler de la situation des chrétiens du Moyen Orient :
 
1- Sur le plan spirituel, il faut approfondir notre foi avec la lecture assidue de la Parole de Dieu.
 
2- Il faut créer plus de communion entre les différentes Eglises catholiques du M.O. Rappel des 7 patriarcats présents : Latin, Copte, Melchite, Chaldéen, Maronite, Syriaque et Arménien. Cette communion existe au niveau local, entre les communautés mais pas au niveau hiérarchique de ces Eglises…
 
3- Il faut renforcer le dialogue œcuménique, au quotidien, dans la charité. Des rapprochements sont en cours : par exemple en Jordanie et ce depuis 35 ans, les catholiques ont décidé de fêter Pâques selon le calendrier Julien, comme les orthodoxes. C’est maintenant aussi le cas en Israël et en Palestine. Désormais les orthodoxes célèbreront Noël avec les catholiques, le tout d’ailleurs sous pression populaire plutôt qu’à l’initiative des hiérarchies. Mais il reste des difficultés pour prier ensemble. Mgr. Shomali rappelle que pour les orthodoxes, l’ œcuménisme est un piège (des catholiques) pour pratiquer le prosélytisme. Ils n’acceptent pas la primauté de Pierre, du Pape…
(Dans ces démarches d’union qui nous aident à remonter aux sources du Christianisme, les maîtres-mots sont charité et humilité par opposition au passé où d’autres sentiments plus néfastes ont prévalu.)
 
4- Le Synode a été une occasion de parler du dialogue intensifié avec les non chrétiens :
 Avec le judaïsme, ce fut le cas au plan religieux et au plan politique mais là on se heurte rapidement au problème de l’occupation des territoires fondé pour Israël sur la promesse divine, le Messie n’étant pas venu…Les juifs orthodoxes modérés acceptent de dialoguer avec les chrétiens, mais souvent le juif de la rue ignore les chrétiens.
 Avec l’Islam le dialogue sur le plan de la foi reste difficile et est à déconseiller, mais un dialogue est possible sur les valeurs communes, et aussi sur le vivre-ensemble. Par exemple, il y a 100 écoles catholiques en Terre Sainte, comptant 63000 élèves dont un tiers de musulmans. Il est important aussi de se souhaiter les fêtes, "ce n’est pas peu !" lance Mgr Shomali. "On entre dans le coeur des gens à travers l’estomac" ajoute-t-il. Au contraire, la tentation du ghetto est un suicide. Comme le sel, les chrétiens sont un ferment dans cette terre. Il faut résister à la tentation de la peur, pour tous.
 
5- Enfin les chrétiens doivent rester au Moyen Orient car ils sont appelés à être témoins du Christ au Moyen Orient. Cela constitue donc une vocation à laquelle chacun est appelé à répondre…
 
Pour conclure Mgr. Shomali reprend son propos en une phrase : L’ écoute de la Parole, plus de communion entre chrétiens, et plus d’ouverture sur les autres, ce qui augmente la Foi, doivent créer une vraie motivation pour accepter sa vocation à rester au Moyen Orient, comme ferment de paix dans la région.
 
Mgr Shomali a répondu à quelques questions dont une sur son itinéraire personnel : il est né à Bethléem, a fréquenté le petit, puis le grand séminaire de Beit Jala, a été vicaire en Jordanie pendant 8 ans, enseignant de liturgie au séminaire, après l’avoir étudiée chez les bénédictins à Rome. Il a été ensuite nommé économe diocésain par Mgr Sabbah pour 7 ans, puis recteur du séminaire pendant 4 ans, puis chancelier, et depuis mai 2010, évêque auxiliaire pour Jérusalem et la Palestine. (Il y a aussi un évêque auxiliaire pour la Jordanie et un pour Israël, assisté par un vicaire patriarcal pour la communauté catholique hébréophone.)
Mgr Shomali a rappelé cette mosaïque variée que sont les Chrétiens de T.S. Ils sont environ 200 000 en Terre Sainte, 130 000 en Israël et 80 000 en Palestine, et 250 000 en Jordanie. En Israël, on peut compter 500 juifs convertis au catholicisme. Il y a aussi les russes baptisés orthodoxes, mais juifs ethniquement, ainsi que 230 000 travailleurs étrangers chrétiens (Philippins, Roumains, Sri lankais) qui ont bonne réputation comme chrétiens en Israël. On compte en sus 10 000 juifs messianiques (qui croient que Jésus est le Messie) mais qui restent à part de l’Eglise. 
Sur la question d’un état palestinien, Mgr Shomali a donné les raisons de son absence actuelle :
- la division des palestiniens entre Fatah et Hamas,
- le soutien insuffisant des pays arabes,
- la responsabilité des Américains et des Européens.
Sur la question de la Syrie, il a parlé de la naïveté des occidentaux, qui avant de changer un dictateur devraient s’assurer que ce qui le remplacera ne sera pas pire. Il a rappelé que les chiites sont 30% en Arabie Saoudite, et que là aussi il y aurait un déficit de démocratie.
A propos du Kairos, appel lancé fin 2009 à Jérusalem, "au contenu théologique très bon", il en a rappelé les 2 points essentiels : pas de justification biblique à l’occupation israélienne en territoire palestinien occupé, et encouragement de la non-violence dans la lutte contre cette occupation. Il a constaté que le Kairos avait montré l’engagement des chrétiens dans la lutte pour la justice aux yeux des musulmans, mais que le BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions) irritait les israéliens et comportait un risque d’être contreproductif.
Sur l’émigration, il comprend le départ de ceux qui ne trouvent pas de travail sur place. Mais on doit pouvoir revenir après. "On peut quitter la Palestine, l’essentiel est de revenir". A ceux qui ont déjà un emploi mais qui en cherchent un meilleur à l’étranger, il demande d’y renoncer. Egalement aux jeunes qui partent étudier à l’étranger, il demande de revenir au pays… même s’il reconnaît la difficulté de ces jeunes à revenir (mariage, situation,…).
La conclusion de Mgr Shomali pourrait être que les chrétiens de Terre Sainte sont fiers d’être chrétiens, et qu’ils ont conscience d’être la suite de l’Eglise des Apôtres.
 
Alain Duphil et Pierre Faux