Mouvement Chrétien des Cadres : « Le travail se réinvente : quel rôle pour le chrétien ? »

Avec le père Hériard-Dubreuil, sj, nouvel aumonier national du MCC

Mouvement Chrétien des Cadres : « Le travail se réinvente : quel rôle pour le chrétien ? »

Le samedi 27 Janvier a eu lieu à Toulouse une rencontre-débat sur le thème : « Le travail se réinvente : quel rôle pour le chrétien ? » Cette rencontre a été animée par le père Bertrand Hériard-Dubreuil, sj, nouvel aumonier national du MCC et directeur auparavant de la revue Projets.
Le père Hériard-Dubreuil nous a proposé de revenir sur les différentes évolutions du monde du travail depuis le début de l’ère industrielle, en montrant l’évolution de l’environnement et les positions successives de l’Église.

1) La marchandisation

Cette étape porte essentiellement sur le XIXème siècle. L’expérience Spennhamland en Angleterre, aussi appelée « loi sur les pauvres » assurant via les paroisses un complément de revenus est l’ancêtre du RSA. Avec l’ère industrielle, elle entraîne une grande paupérisation mais débouche aussi sur les lois sur les accidents au travail et, plus tard, sur l’encyclique Rerum Novarum.

2) Mécanisation

C’est la grande époque du taylorisme parce qu’on découvre qu’on peut industrialiser et réduire le travail à des tâches de base répétitives. Il en résulte une perte d’intérêt pour le travail. L’Église réagit 40 ans après Rerum Novarum avec l’Encyclique Quadragesimo Anno qui vise à établir un ordre social basé sur le principe de subsidiarité et la notion de juste salaire.

3) Personnalisation du travail

C’est l’émergence de la société des services (70% de la société active). En France, les lois Auroux modifient profondément le code du travail avec l’idée de l’extension de la citoyenneté à la sphère de l’entreprise et de celle de permettre la stimulation des initiatives individuelles et collectives. Jean Paul II publie l’Encyclique Laborem Exercens. Ce nouveau contexte de travail génère des situations nouvelles propices aux nouvelles souffrances au travail telles que des charges mentales excessives, TMS, harcèlement et éventuellement burn out.

4) Autonomisation du travail

Cela s’exprime aussi bien par :
- la contrainte de résultat, sous forme de management par objectif
- le développement du travail indépendant
On exige du savoir faire mais aussi du savoir être
Benoit XVI publie l’Encyclique Caritas in Veritate en 2009 où il aborde les questions de mondialisation, d’environnement et de crise économique. Si le développement économique, social et politique veut être authentiquement humain, il doit prendre en considération le principe de gratuité comme expression de la fraternité.

5) Réticulation du travail

Le monde évolue vers des entreprises mondiales en réseau, telles que les GAFA, Mittal, SANOFI etc. Des hiérarchies mondiales et abstraites s’établissent.
Le pape François publie Laudato Si’ et dénonce « la rapidacion » : « L’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète s’associe aujourd’hui à l’intensification des rythmes de vie et de travail dans ce que certains appellent « rapidacion ». Le risque pour le travailleur est : accélérer jusqu’où ?
Les paramètres majeurs de cette nouvelle situation sont : le bien commun (air, eau, énergie), les systèmes financiers perturbés par les paradis fiscaux, la technique avec internet et l’IA (intelligence artificielle), un système juridique en redéfinition avec la COP21 et la problématique de la transition énergétique

En conclusion, le contexte actuel est caractérisé par l’empilement de ces différents couches, l’industrie est très marquée par la science et la technique, les services s’autonomisent, les réseaux deviennent mondiaux et on sent les limites de la planète.

Dans cette situation, le cadre se retrouve à la charnière entre capital et travail :
• Il est l’organisateur scientifique du travail mais il a aussi un rôle social
• Il est manager de la modernisation (plan Marshall)
• Il est concepteur de réseau (que ce soit dans la finance, l’informatique ou l’IA)
• Il est leader dans les transitions numériques et écologiques si tant est qu’elles soient compatibles

L’Église tout au long des 150 dernières années, s’est largement exprimée sur :
• le rappel de la dignité du travailleur dans Rerum Novarum
• le juste salaire dans Quadragesimo Anno
• le rappel de la gratuité et de la solidarité dans Caritas in Veritate
• le rappel des limites dans Laudato Si’ :

Le tout est supérieur à la partie
Le temps est supérieur à l’espace

Le travail peut être repensé après Laudato Si’ :
• L’homme est à l’image de Dieu notamment pour le mandat qu’il a reçu de son créateur de soumettre, de dominer la terre
• Alors que d’une part des ressources naturelles importantes demeurent inutilisées, il y a d’autre part des foules de chômeurs, de sous-employés, d’immenses multitudes d’affamés
• Pour une société de pleine activité et non de plein emploi

Conclusion d’Étienne Perrot :
Un travail ré-enchanté serait un travail qui est riche de plaisir, de pouvoir et de sens :
- Le plaisir est une herbe vivace mais folle
- Le pouvoir est nécessaire mais grise
- Le sens illumine mais toujours en discussion
Le ré-enchantement est plutôt la dynamique jamais arrêtée d’une dialectique où l’environnement (tant humain qu’écologique) et le travail s’entraînent et se modifient l’un l’autre

Conclusion du père Hériard-Dubreuil :
• François : « La joie authentique de ceux qui, même dans de grands engagements professionnels, ont su garder un cœur croyant, généreux et simple. »
• La joie est un trésor caché dans un champ
• Le chrétien est un chercheur de perle fine
• La joie est un filet qui ramasse toute de chose et qui fait le tri.

 


Actualité publiée le 1er février 2018