Ne nous laissons pas voler Jésus ressuscité !

Ne nous laissons pas voler Jésus ressuscité !

Reprenant les recommandations du pape François, dans son Exhortation apostolique, Mgr Le Gall nous invite à accueillir pleinement Jésus ressuscité. Sans repli sur nous-mêmes et sans nous laisser paralyser par la peur. Avec confiance et tendresse, nous ouvrant ensemble à son Esprit

On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ! » : c’est le cri du coeur de Marie-Madeleine, accourue vers Pierre, après sa découverte du tombeau vide de grand matin, le premier jour de la semaine (Jn 20, 1-2). Revenue au tombeau, Marie ne peut que reprendre en boucle sa plainte ; elle l’exprime à celui qu’elle croit être le jardinier : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé ! » (13), avec l’adjectif possessif que l’on a remarqué. 
Non, le Seigneur Jésus – son Maître tant aimé depuis que Marie-Madeleine s’était sentie pardonnée pleinement –, non le Seigneur n’a pas été enlevé ! Il n’a été volé par personne. On sait que les grands prêtres face à la disparition du corps de Jésus ont dicté leur version aux soldats  : « Voici ce que vous direz : ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions » (Mt 28, 13).
De fait, Jésus n’est plus au tombeau, vide en effet, il est ressuscité, il est vivant, il monte vers son Père : telle est notre foi, telle est notre joie pascale, frères et soeurs baptisés en son sang, désaltérés par son Esprit.
Jésus n’a pas été volé, mais on peut nous voler, sans que nous nous en rendions compte, des pans de son mystère, si nous n’y prenons pas garde. Notre pape François nous invite à y prendre garde. Dans son Exhortation apostolique sur « La Joie de l’Évangile », il le fait sur une forme litanique en sept recommandations qui vont bien avec les dons du Saint-Esprit :
« Ne nous laissons pas voler l’enthousiasme missionnaire  !  » (n. 80), mais, au contraire, disons « oui au défi d’une spiritualité missionnaire » (n. 78). Il nous invite à ne pas nous centrer sur nous-mêmes, sur des sécurités économiques, attachés à des espaces de pouvoir et de gloire humaine, ce qui finit par étouffer la joie évangélique, que nourrit le don de notre vie pour la mission.
« Ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! » (n. 83), ce qui implique de dire « non à l’acédie égoïste » (n. 81), c’est-à-dire au dégoût progressif des choses spirituelles dû à un retour sur soi paralysant. Le pape ose parler à ce sujet de « psychologie de la tombe, qui transforme peu à peu les chrétiens en momies de musée », ce qui est aux antipodes du mystère que nous célébrons. « Ne nous laissons pas voler l’espérance ! » (n. 86), ce qui nécessite de dire « non au pessimisme stérile » (n. 84). « Personne, précise le pape, ne peut engager une bataille si auparavant il n’espère pas pleinement la victoire ». C’est bien ce que nous célébrons en ce jour de Pâques. « Le triomphe chrétien, ajoute-t-il, est toujours une croix, mais une croix qui en même temps est un étendard de victoire, qu’on porte avec une tendresse combative contre les assauts du mal » (n.85). Soyons des « personnesamphores  » pour donner à boire aux autres, comme Jésus l’a proposé à la Samaritaine. « Parfois, l’amphore se transforme en une lourde croix, mais c’est justement sur la Croix que le Seigneur, transpercé, s’est donné à nous comme source d’eau vive » (n. 86).
 « Ne nous laissons pas voler la communauté ! » (n.92). Il s’agit plutôt de dire « oui aux relations nouvelles engendrées par Jésus Christ : même nécessité de sortir de soi-même pour s’unir aux autres, ce qui fait du bien. Avec l’Évangile, le pape « nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. Le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse » (n. 88).
« Ne nous laissons pas voler l’Évangile » (n.93) et sachons dire « non à la mondanité spirituelle  » (n.97). Car il existe « une manière subtile de rechercher ses propres intérêts et non ceux de Jésus Christ » ; elle peut devenir un vrai narcissisme et amener à mettre sa confiance en soi-même. On organise l’Église, mais elle est alors « privée du sceau du Christ incarné, crucifié et ressuscité ; elle ne va pas réellement à la recherche de ceux qui sont loin, ni des immenses multitudes assoiffées » (n.95). « Cette mondanité asphyxiante se guérit en savourant l’air pur du Saint-Esprit » (n. 97).
« Ne nous laissons pas voler l’idéal de l’amour fraternel ! (n. 101), ce qui suppose que l’on dise « non à la guerre entre nous » (n. 98). Plutôt que de se diviser en groupes opposés ou distants, « je désire demander aux chrétiens de toutes les communautés du monde un témoignage de communion fraternelle qui devienne attrayant et lumineux. Demandons la grâce de nous réjouir du fruit des autres, qui sont ceux de tous » (n. 99). « Demandons au Seigneur de nous faire comprendre la loi de l’amour. Qu’il est bon de posséder cette loi ! Comme cela nous fait du bien de nous aimer les uns les autres au-delà de tout ! » (n. 101)
« Ne nous laissons pas voler la force missionnaire ! » (n. 109) face aux nombreux défis qui sont faits pour être relevés. Nous avons pour cela besoin des forces de tous : les laïcs, les femmes, les jeunes et les personnes âgées. Le pape ne cesse de nous inviter à être ensembledes « disciples missionnaires » (n. 50-51), qui ne sont pas des idéalistes, mais des hommes et des femmes d’espérance qui se confient non en leurs propres forces, mais dans Celui qui a vaincu la mort pour nous donner la vie en abondance. « Soyons réalistes, mais sans perdre la joie, l’audace et le dévouement plein d’espérance », termine le Saint-Père. 
Non, le corps de Jésus n’a pas été volé. Jésus est vivant, le Vivant, le Prince de la vie. Par le baptême, la confirmation et l’Eucharistie, avec les autres sacrements, dans la communion d’une Église missionnaire, nous sommes nous aussi des vivants de la vie divine pour la nourrir et la répandre grâce à l’Esprit soufflé sur les Apôtres le soir de Pâques. Ne nous laissons pas voler cette vie gratuitement reçue. Pour cela, le meilleur moyen est d’en faire notre trésor intérieur et communautaire et surtout de la donner, de nous donner comme Jésus Ressuscité. 
Alléluia ! 
+ fr. Robert Le Gall
archevêque de Toulouse

 


Actualité publiée le 9 mai 2014