Psaume 125

Méditation de Monseigneur LE GALL

" La fête au retour de l’exil"

 

L’ancienne Alliance est rythmée par des migrations. Abraham, à l’appel de Dieu, quitte son pays et sa parenté, pour aller sur une terre qu’il ne connaît pas. Jacob doit descendre en Égypte en raison de la famine : il y est attendu providentiellement par son fils Joseph, perdu et retrouvé ; son clan s’y multiplie et devient un danger pour les Égyptiens, qui ont pourtant besoin de leurs bras d’immigrants. Moïse, après une tentative trop personnelle de s’occuper des siens, doit s’exiler jusqu’à ce que le Seigneur l’appelle à faire sortir son peuple d’Égypte : c’est alors l’Exode, épique traversée du désert vers la Terre promise, marquée par le sacrifice de l’Alliance au Sinaï ; après des années et bien des aléas dus au manque de foi du peuple, Josué le fait entrer dans la Terre sainte. Après les Juges et Samuel, après l’échec de Saül, arrive David, le roi bien-aimé, ancêtre et figure du Christ, fidèle malgré ses crimes et ses faiblesses. La suite des rois de Juda et d’Israël n’est guère brillante à part les figures de Joas et d’Ézéchias. Elle aboutit, après quatre ou cinq siècles, à la chute du royaume d’Israël, puis à celle du royaume de Juda : c’est l’Exil à Babylone, une déportation qui durera près de cent ans. Ce que chante notre psaume, c’est le retour des « captifs à Sion » (Amoris lætitia, du 19 mars 2016). On voit combien toute cette histoire, qui est loin d’être toujours sainte, rejoint les drames actuels des migrations, causées par des facteurs climatiques, économiques et politiques, surtout par une terreur venue d’un état islamiste qui n’a rien à voir avec la religion.

Nous pouvons reprendre cette prière émouvante, dans l’espérance qu’après les larmes que versent les exilés, les migrants de toute sorte, viendra le temps du retour au pays, notamment pour les populations chrétiennes, chassées de leurs maisons et de leurs terres. En attendant, continuons à nous occuper des réfugiés qui peuvent arriver chez nous et dont bien des communautés paroissiales et diverses associations s’occupent fort généreusement.

Le rêve devient réalité. Après les labeurs des semailles, vient la joie de la récolte. Ceci est exprimé avec une belle poésie : « Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie : il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes » (5-6). Jésus, dans son discours aux disciples après sa rencontre avec la Samaritaine, montre que « les champs sont déjà dorés pour la moisson » (Jn 4, 35) ; il ajoute que « le semeur se réjouit avec le moissonneur » (36).

La moisson, comme la paix, est un don de Dieu, mais elle ne tombe pas du ciel. L’une et l’autre ont besoin de notre concours actif, parfois ou souvent dans des conditions difficiles. Dieu nous demande de travailler à notre niveau pour la paix, pour la sauvegarde de la terre, pour plus de justice et de fraternité concrète, mais il attend aussi notre reconnaissance et nos chants d’action de grâce, pour la récolte, mais plus encore pour une paix durable entre les peuples.

(2« Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie ; alors on disait parmi les nations : “Quelles merveilles fait pour nous le Seigneur !” Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête ! »(2 -3). Il faut savoir dire merci à Dieu, se dire merci les uns aux autres.

Redisons que les psaumes graduels, que nous proposons comme chants de notre pèlerinage diocésain au cours de l’année, des années qui viennent, sont, comme il est clair, des cantiques écrits pour les montées vers Jérusalem. Ils ont été aussi, d’abord pour certains, les mélopées des exilés retournant à la ville sainte pour la reconstruire. De fait, une bonne partie des psaumes ont été composés au cours de l’Exil par des lévites-chantres chez qui s’est concentrée toute la spiritualité des pauvres du Seigneur, confiants dans ses promesses. La grande prière de Daniel à Babylone en est le type. Dans cette spiritualité qui est déjà celle des Béatitudes, supplions nous aussi, en Église : « Ramène, Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert » (On pourra reprendre, dans notre patrimoine toulousain, le livre de l’abbé Louis Monloubou, sur L’âme des psalmistes ou la spiritualité du psautier, notamment le chapitre intitulé : « Le pèlerinage des pauvres en Sion » (chapitre VI) : « Un horizon exceptionnel ? Un panorama unique ? Non ! beaucoup plus, beaucoup mieux : un mystère ! À ces chercheurs fatigués, dont un minuscule point géographique fascine soudain le regard, déjà “Dieu apparaît en Sion” (83, 8). Gageons que si le pèlerin en est à sa première visite son regard n’a pas atteint de suite une telle profondeur ; la signification religieuse de la Ville n’a pas, tout de suite, confisqué son attention et monopolisé ses pensées. Son admiration se porte sur les choses colorées, étonnamment vivantes qu’il aperçoit enfin. Il ne s’étonne donc nullement d’entendre son compagnon de voyage, poète à ses heures, se laisser dominer par l’émotion et brandir avec enthousiasme l’hyperbole orientale ; alors “l’humble colline de Sion””, toute écrasée pourtant par le cercle des montagnes environnantes, devient un royal sommet : montagne de rêve, aux dimensions plus ou moins mythiques, assez peu comparable, noterait un esprit borné, à la silhouette timide du divin rocher » (p. 75-76, Mame, « Paroles de vie », Tours, 1968).

Les torrents du désert paraissent irrémédiablement secs, mais on sait qu’ils dévalent à nouveau dans leur lit, pour que tout repousse et revive : « Quelle merveille ! »

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Psaume 125


Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,* nous étions comme en rêve !


Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ;
alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »

Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !


Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.


Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie :


il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
 il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

 

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones