Solennité de la Toussaint, Cathédrale St-Étienne à Toulouse

Solennité de la Toussaint, Cathédrale St-Étienne à Toulouse

Extraits de l’Homélie de Mgr Le Gall, Toussaint 2014

• Voici quelques jours, nous étions au mont des Béatitudes, au-dessus du lac de Tibériade. Nous nous sommes assis en silence et nous nous sommes approchés de Jésus comme des disciples. Un disciple est quelqu’un qui a besoin d’apprendre, qui aime recevoir un enseignement, qui se réjouit d’être instruit. J’ai beaucoup appris au cours de ce pèlerinage en Terre sainte.


• La gamme des huit Béatitudes trouve son point d’orgue dans la dernière, qui est développée, celle des persécutés, de ceux que l’on insulte et que l’on dénigre. En Galilée, nous étions à quelques dizaines de kilomètres du Liban et à quelques centaines de kilomètres de la Syrie et de l’Irak, où la détresse est grande, spécialement des chrétiens. Tout récemment, un évêque revenant du sud de Mossoul me disait combien la situation est dramatique pour eux : mis en demeure de se convertir à l’Islam par l’État islamique ou de partir sur le champ, sous peine d’être exterminé, ils ont dû s’enfuir, démunis de tout, peu soutenus par des populations elles-mêmes très éprouvées. À Toulouse, une association se met en place pour s’occuper des réfugiés irakiens, ces quelques familles autorisées à venir en France.


• En Terre sainte, la situation des chrétiens n’est pas facile non plus, car ils sont pris en étau entre les Juifs et les Musulmans, alors que l’on s’accorde à dire que leur présence est une clé pour la paix de ce pays si instable. On nous a remerciés de venir les visiter et les soutenir. Il est donc clair que le chant des Béatitudes n’est pas une invitation « spirituelle » à l’humilité et à la patience, mais une mélopée très actuelle, où se mêlent le ton majeur de la présence de Dieu au cours de nos drames et le ton mineur des lamentations.


• En fait, Jésus, donnant le ton du Sermon sur la montagne avec les Béatitudes, donne une image de lui-même, car c’est lui qui a été persécuté, insulté, rejeté, lui qui a connu la mystérieuse allégresse des martyrs en route vers le Royaume des cieux. Elle n’est possible que si elle est fondée sur les premières notes de la gamme : la pauvreté de cœur et l’humilité, la douceur. Jésus a dit : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos pour votre âme » (Mt 11, 29). Jésus a pleuré sur Lazare, car il l’aimait ; il a pleuré aussi sur la ville de Jérusalem, rebelle à son enseignement, hostile à sa personne. Il a eu faim et soif de la justice, jusque sur la Croix, pour l’honneur de son Père et le respect de toute personne humaine. Toute sa vie et sa mort font de lui un témoin de la miséricorde, cette Béatitude qui est au centre de toutes. Sa pureté de cœur et de corps a fait de lui la transparence lumineuse du mystère de l’amour divin. Il est venu apporter la paix, sa paix au monde, celle que nous continuons de demander avec lui et par lui en ces temps difficiles et dangereux pour le monde entier.


• Mystérieusement, la révélation de l’amour divin est liée à la Croix, comme le redit la lettre aux Hébreux : « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel » (5, 8-9). Jésus est allé jusqu’au bout de l’amour pour nous sauver : c’est la charité parfaite qu’il nous invite à imiter, ce qui n’est possible qu’avec le don de l’Esprit Saint. Tous les saints que nous célébrons dans leur assemblée céleste ont avancé jour après jour vers cet amour parfait, réponse à celui qui nous précède et nous dépasse toujours.


• La multitude des élus que nous rejoignons dans cette Eucharistie, où la liturgie céleste et la liturgie terrestre « concélèbrent », comme on le chante dans la Préface, intercède pour nous : c’était notre prière au début de cette messe. Multitude pour laquelle Jésus a donné son sang : nous l’avons prononcé à la consécration.


• Multitude promise, grâce au sang de l’Agneau, à la plénitude de l’amour, selon les paroles de la prière que nous dirons après la communion : « Quand tu nous auras sanctifiés dans la plénitude de ton amour, fais-nous passer de cette table où tu nous as reçus en pèlerins, au banquet préparé dans ta maison ». Perfection, plénitude pour la multitude, voilà ce que Dieu prépare pour ceux qui l’aiment.