Vendredi saint

Une Semaine sainte confinée (3/5)

Vendredi saint

Jésus élevé, « il y a l’Esprit »

 

  Jésus, conçu par l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, fut présenté au Temple par ses parents : sous l’action de l’Esprit, nous dit saint Luc, un homme nommé Syméon, juste et religieux, sur qui était l’Esprit, vint au Temple, car il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur : nous reconnaissons la marque de saint Luc toujours attentif à mentionner la place de l’Esprit Saint. En cette Semaine sainte unique en son genre, où le confinement nous empêche de nous assembler, il me tient à cœur de souligner cette présence du Saint-Esprit dans la Pâque de Jésus, puisque nous sommes invités plus que d’habitude à vivre ces fêtes dans une intériorité privilégiée.

  Au cours de la présentation de Jésus au Temple, très introduite par la présence agissante du Saint-Esprit, Marie entend Syméon lui dire : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » (Lc 2, 34-35). Nous voici à l’Heure où le glaive atteint l’âme de Marie, la Mère de Jésus, celle que Jésus nous donne pour Mère dans la Passion selon saint Jean que nous venons d’entendre.

  Nous avons suivi Jésus au désert depuis plusieurs semaines : vrai quarantaine du monde entier. Luc l’introduit par ces mots : « Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable » (4, 1-2). Dans notre retraite forcée à laquelle nous essayons de consentir, l’Esprit est présent comme nous l’avons expérimenté : Jésus est venu pour que le Souffle de Dieu qui l’anime nous soit transmis, ce qui nous touche en ces moments dramatiques où de nombreuses victimes du Covid-19 meurent par asphyxie, comme cela se passe dans le supplice de la croix.

  Venons à saint Jean, qui prend le relais de Luc. Jésus monte au Temple pour une fête. « Au jour solennel où se terminait la fête, écrit Jean, Jésus, debout, s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il boive, celui qui croit en moi. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié » (7, 37-39). Jésus monte au Temple à Jérusalem, là où montera de nouveau pour être élevé de terre, pour être glorifié selon la langue de Jean. Dans cette Passion royale qu’il vient de nous raconter, si pleine de noblesse, Jésus est parvenu à son Heure, celle où il y a l’Esprit, celle où il donne son Esprit. En quatre mots, Jean dit avec une grande simplicité la mort de Jésus : « Inclinant la tête, il remit l’esprit » (19, 30). En clair, Jésus rend son dernier souffle, mais pour Jean qui est à la fois concret et profond, dans un langage à deux niveaux, cela signifie aussi que Jésus donne et transmet le Souffle, cet Esprit qui ne pouvait être « versé » dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5) avant qu’il ne soit élevé et glorifié (cf. Jn 7, 39). En l’angoisse de l’insuffisance respiratoire de beaucoup, cette insufflation nous rejoint au plus profond de nos poumons spirituels.

  Nous y sommes, frères et sœurs confinés, conviés à plonger au cœur de notre foi : Marie, « pleine de grâce » (Lc 1, 28), et Jésus son Fils, « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14), sont à nouveau réunis, unis dans un glaive qui les blesse en leur passion et en leur compassion, pour libérer l’Esprit ; leurs deux Cœurs percés, transpercés, révèlent l’immensité de l’amour venu du Père, qui leur donne la force de l’Esprit, pour que soient dévoilées les pensées et la direction foncière de nos cœurs.

  Vivons cette Heure, ces jours, frères et sœurs, à ce niveau de l’âme, du cœur et de l’esprit, pour qu’une intériorité renouvelée nous rende disponibles à l’onction intérieure de l’Esprit, seule capable de nous faire entrer dans la profondeur de la Pâque de Jésus assisté de sa Mère. Oui, à cette Heure, il y a l’Esprit, il y est l’Esprit Saint ! Y sommes-nous ? 

 

Vendredi saint
la passion, la mort et l’ensevelissement de jésus
en la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse
le 10 avril 2020