Celle qui m’a appris le courage et la confiance en la vie !

Fête des mères

Celle qui m’a appris le courage et la confiance en la vie !

 

Elle s’appelle Dévote ! Aujourd’hui, elle est arrière-grand-mère, mais pour moi, elle s’appelle toujours ma mère. Je trouve toujours bizarre qu’elle m’appelle « padri, padiri », "père ou abbé" en swahili, ma langue maternelle. Il s’agit de ma mère. J’avais 12 ans quand son époux, c’est-à-dire mon père, papa Jean, est mort subitement. Son monde à elle, comme celui de ses enfants, s’est écroulé. Mon jeune frère Césaire venait à peine de naître ! Papa Jean, qui était considéré, surtout dans notre Kivu très patriarcal, comme le pilier de la famille venait de quitter ce monde. Son décès a profondément chamboulé notre vie familiale ! Comment une jeune femme de 42 ans allait faire pour élever seule 7 enfants, dans ce Zaïre, actuellement République Démocratique du Congo, où l’État est quasiment absent pour venir en aide aux familles ? Pas d’aide sociale possible ! La solidarité africaine est parfois un concept, et j’en ai fait l’expérience ! La suite n’a pas été facile. L’homme et le prêtre que je suis, je le dois au Seigneur qui m’a tellement comblé d’Amour par le biais de l’amour maternel incarné concrètement dans la figure de maman Dévote. Que serions-nous devenus, mes frères et sœurs, qu’aurait été ma vie si c’est elle, maman Dévote qui était décédée, laissant des enfants, nombreux et aussi jeunes ? Je n’en sais rien, mais je suis sûr que je ne serais pas celui que je suis devenu aujourd’hui !

Humainement, ma mère m’a appris à faire confiance et à m’accrocher, quelles que soient les difficultés. Elle aurait pu refaire sa vie avec un autre homme, se remarier – cela lui avait été suggéré par des amis et des proches à maintes reprises… ! Mais elle a choisi et préféré consacrer totalement sa vie à élever ses 7 enfants. Courageuse, confiante, travailleuse, elle nous a appris à être solidaires entre nous et à ne pas baisser les bras devant les difficultés de la vie. Je l’ai vue triste et malheureuse quand il y avait des conflits entre nous, ses enfants.

Sa foi, son sourire et sa joie ont fait naître et affermir l’espérance et l’optimisme en moi. Grâce à elle, j’ai appris que le Seigneur est Providence, un Dieu qui veille et prend soin de nous au quotidien. J’ai rarement vu pleurer ma mère, sauf quand je lui ai annoncé que j’allais au séminaire pour devenir prêtre ! Celle qui nous réunissait chaque soir pour prier en famille, qui nous invitait à prier pour les vocations, a été touchée dans ses tripes par ce qu’elle vivait comme une séparation qu’elle a vécue comme un deuxième un abandon !

L’ainé des garçons, mon grand frère Gaspard, était déjà parti loin, à Kinshasa, à l’autre bout du pays et Maman vivait déjà cela comme un premier abandon. Comme quoi la foi ne vaccine pas une maman de son désir de retenir ses enfants auprès d’elle ! Les deux années qui ont suivi ont été très douloureuses pour elle, pour le reste de la famille et aussi pour moi. Difficile d’être serein quand sa mère ne partage pas notre choix de vie pourtant déterminant ! Elle a ensuite compris que j’étais heureux et épanoui dans cette nouvelle vie donnée au Seigneur dans l’Église. Dès cette prise de conscience, sa prière personnelle m’a porté et soutenu jusqu’à ce jour. Un ami prêtre me disait d’ailleurs que nous tenons dans nos engagements grâce à la prière de nos mères qui, sans cesse, prient pour nous et nous soutiennent dans notre ministère.

Chaque année, au début du mois janvier, quand j’arrive à la maison pour les vacances, la toute première chose que fait ma mère, c’est de rassembler toutes les personnes présentes dans la maison pour une prière familiale, chose qu’elle refait le matin de mon départ, à la fin des vacances. Ce sont des moments de grande émotion durant lesquels de chaudes larmes coulent de mes yeux… larmes que j’essaye de retenir ou de cacher à ceux qui sont là.

Maman m’a appris à prier, à aimer Dieu, l’Église, à m’attacher à la Vierge Marie qu’elle appelle la « Mère de toutes les mères  », « la Mère de tous  », Mama wa wote en swahili ! À l’occasion de la fête des Mères, c’est à la Sainte Vierge Marie, Notre Mère très Douce et de tout Amour, que je confie ma propre mère, maman Dévote et toutes les mamans du monde auxquelles nous souhaitons une très belle fête des Mères ! Que le Seigneur remplisse vos cœurs de son Amour qui rejaillit sur nous vos enfants !

Abbé Joseph Bavurha Bahati,
Curé de l’ensemble paroissial de Tournefeuille

 

 


Actualité publiée le 2 juin 2023