Cérémonie commémorative pour Mgr Saliege

Allocution de Mgr Le Gall

Cérémonie commémorative pour Mgr Saliege

 
MONSEIGNEUR JULES-GÉRAUD SALIÈGE
ET LE RESPECT DE TOUTE PERSONNE HUMAINE

En la cathédrale de Toulouse
le vendredi 28 septembre 2012

 
 « Elle m’a regardée comme une personne ! » Nous connaissons ce mot de Bernadette quand elle a commencé de rencontrer Marie à la grotte de Massabielle. La lettre pastorale de Monseigneur Jules-Géraud Saliège, mon vénéré prédécesseur ici à Toulouse, sonne haut et fort comme un appel au respect de toute personne humaine. Face à une idéologie qui révélait peu à peu son vrai visage, face à des mesures de persécution et d’extermination dont toute l’ampleur n’était pas encore connue, l’Archevêque de Toulouse, connu déjà par ses prises de position au style incisif et lapidaire, a rappelé aux catholiques, mais aussi à toute la société menacée, le regard de respect que chacun de nous doit porter sur toute autre personne humaine.
 Un bel hommage fut rendu au Cardinal toute l’après-midi du 13 septembre dernier, près de la cathédrale où il repose, dans le square qui porte son nom et auprès du monument de la Shoah, en cette ville ensanglantée par la tragédie des militaires assassinés, musulmans et catholique, à Toulouse et Montauban, par la folle tuerie d’Ozar Hatorah le 19 mars dernier. Les représentants de l’État, les élus, les autorités civiles, militaires et religieuses ont su exprimer avec émotion leur estime, 70 ans après, pour un homme qui a sauvé l’honneur de la France par des mots courageux et simples : ils restent ici dans nos mémoires et doivent nous aider à être aujourd’hui les bâtisseurs décidés d’une civilisation de l’amour.
 Le bienheureux Jean-Paul II et le pape Benoît XVI nous ont engagés à développer un dialogue interreligieux, dans l’écoute et le respect mutuels : il en va de la paix dans le monde. À la base, il s’agit d’une attitude inspirée par notre foi en un Dieu créateur qui nous a faits à son image et veut notre bonheur à chacun et à tous, même si le Malin ne cesse de contrecarrer ce dessein divin par la défiance, la violence et la mort ; nous pensons particulièrement à nos frères chrétiens persécutés en plusieurs endroits du monde. Mais nous voulons développer la confiance et la fraternité, pour vivre ensemble dans l’harmonie et dans l’échange des dons qui nous viennent de Dieu.
 Monseigneur Saliège parle « d’une morale chrétienne, d’une morale humaine, qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme ; ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer ». Aujourd’hui nous devons rester vigilants, car la haine continue de tuer, de compter pour rien des personnes et des communautés entières, chez nous et dans le monde.
 Il nous faut réentendre, en ces jours de remise en cause des fondements de notre société, les paroles qui suivent : « Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle. » Nous ne sommes plus dans l’horreur de la Shoah, mais il faut nous souvenir que « les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes », que les enfants ne sont pas un droit à revendiquer, mais plutôt que nous avons des devoirs envers eux. Les hommes sont des hommes et les femmes sont des femmes, les pères sont des pères et les mères sont des mères, comme le bon sens nous invite à le proclamer.
 Notre foi dans le Créateur de l’homme et de la femme, notre estime pour la famille et sa fécondité exigent de nous ce témoignage commun dans la société d’aujourd’hui, pour respecter les plus petits et les plus anciens, depuis leur conception jusqu’à leur passage naturel vers la pleine vie : cette nouvelle naissance que la vénération des martyrs nous apprend à reconnaître dans la mort elle-même, en l’espérance pascale.
 « Des hommes comme Monseigneur Jules-Géraud Saliège, reconnaissent nos frères juifs, sont des pierres vivantes de notre histoire ». Sa voix continue de résonner dans cette cathédrale où il repose, en écho à la parole de Jésus : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » À nous de voir, aujourd’hui, ce que nous avons à faire, ensemble, et pour qui, au nom de qui.
Amen, Hosanna !
 
+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse