Corona de spinis, Corona gloriae

par frère Alain Quilici, o.p.

Corona de spinis, Corona gloriae

Corona de spinis,
« on tressa pour lui une couronne d’épines  » Mt 27, 29

Corona gloriae,
« vous êtes pour moi couronne de gloire » Paul 1 Th. 2, 19

 

Théodule  : Père Anselme, je viens vous demander conseil. Je suis très décontenancé par cette histoire d’épidémie. J’en viens à me demander si ce n’est pas le Diable en personne qui agit !

Père Anselme : Mon cher Théodule, pour troublante que soit cette situation, il ne me semble pas opportun de mettre le diable dans le coup. Le diable a bon dos dès que quelque chose ne tourne pas rond.

Théodule : Si ce n’est pas le diable, ce qui arrive est tout de même diabolique. On en vient même à fermer les églises. Moi qui croyais qu’en temps de crise on multipliait les prières pour demander à Dieu son secours et pour armer les fidèles de courage. Suis-je naïf ?

Père Anselme : Il est vrai qu’il faut redoubler de prière, non seulement en raison de l’épidémie chinoise, mais surtout pour tous nos frères chrétiens qui, de par le monde, subissent des outrages bien pires qu’une épidémie du fait de l’oppression à laquelle ils sont soumis de la part des ennemis de l’évangile. Plutôt que de penser au diable, tu peux tirer de cette situation un utile enseignement.

Théodule : Mais alors qu’en penser ?

Père Anselme : Il me semble que nous pouvons tirer de la situation actuelle une utile réflexion sur les méthodes. La méthode à suivre en temps d’épidémie est à l’opposé de celle qui faut suivre au service de l’Évangile. Comme on parle beaucoup de la transmission du virus, l’occasion nous est donnée de nous demander comment se transmet l’Évangile.

Théodule : Transmission, tradition ou propagation ?

Père Anselme  : Les trois. Et comme dans tous les domaines, ce qui peut servir le bien peut aussi servir le mal.

Théodule  : Vous avez l’art de ménager le suspens.

Père Anselme : Si tu veux. Mais essayons de lire entre les lignes. Comment se transmet l’Évangile ? Il se transmet comme le virus : de personne à personne. C’est toujours une personne qui parle à une personne. Tout a commencé avec Jésus qui venant d’auprès du Père parle du Père à ceux qu’il aborde. Ainsi les premiers disciples, André, Pierre, Jacques et Jean, la Samaritaine et les autres. Ceux-ci à leur tour vont transmettre à d’autres personnes ce qu’ils ont entendu.

Théodule  : Saint Jean au début de son Évangile décrit minutieusement cette succession d’appels, l’un appelle l’autre, qui transmet au suivant.

Père Anselme : Exactement. Et c’est là que, faute de voir le diable, on peut du moins découvrir sa méthode.

Théodule : Voilà qui devient intéressant. Et quelle est cette méthode ?

Père Anselme : Cette méthode est très clairement détaillée dans le livre de l’Apocalypse. Dans ce livre inspiré, on voit qu’il y a un opposant au Christ et à ses fidèles. On l’appelle le Dragon. Sa méthode est double : d’une part il essaye de décourager les fidèles en leur faisant peur. Là où Jésus n’est que douceur, lui n’est que violence. Là où Jésus est toute tendresse, lui est toute cruauté. D’autre part, il singe tout ce qui vient de Dieu, car il voudrait qu’on le prenne pour Dieu.

Théodule  : C’est-à-dire ?

Père Anselme : Il faudrait lire le texte en détail. Je ne te donne que quelques indices. Là où Dieu, par les prophètes, interrogeait en disant : Qui est comme moi ? L’ennemi lance aussi un défi en demandant : Qui est comme moi ?

Théodule : C’est un peu fort !

Père Anselme : Oui, mais on s’y laisse prendre. Et il n’y a pas que ça. De même que Jésus marque ses disciples d’un signe indélébile par le baptême et la confirmation, le Dragon fait aussi marquer ses disciples d’un signe de reconnaissance, promettant de gros bénéfices à ceux qui auront accepté cette marque. Le message de Jésus est d’aller les uns vers les autres, de tendre la main, de s’embrasser ou de se donner l’accolade. Celui du Dragon est au contraire de se méfier les uns des autres, de porter sur son voisin un regard suspicieux en le soupçonnant d’être porteur d’un mal sournois qu’il pourrait transmettre et qui tue.

Théodule : Ainsi son message pourrait être : méfiez-vous les uns des autres. Ne vous approchez pas trop des autres, ils sont dangereux. Ne vous rassemblez pas, vous pourriez attraper la male mort.

Père Anselme  : On pourrait continuer à trouver des tas de signes. Par exemple : le geste de Pilate de se laver les mains est tout un symbole. Pilate se lave les mains pour montrer qu’il ne se mêle pas de l’affaire, lui qui aurait dû au contraire s’y impliquer au titre de sa charge et de ses responsabilités. Eh bien l’ennemi vous dit : lavez-vous les mains ! C’est clair. Il faut se méfier tous azimuts. C’est comme s’il disait : il faut vous en laver les mains.

Théodule : Évidemment ce n’est qu’une image !

Père Anselme : En effet. Les images ne sont que des images. Mais le message est clair : là où Jésus dit : aimez-vous les uns les autres, le Tentateur dit : gardez-vous les uns des autres. Là où Jésus exhorte à l’unité, comme son Père et lui ne sont qu’un, le tentateur exhorte à l’individualité : restez deux, c’est plus prudent. Chacun chez soi, et le moins de contacts possibles pour être sauvés. On pourrait continuer.

Théodule  : Finalement cette épidémie est une parabole !

Père Anselme : Disons plutôt : qui veut bien le voir, peut en tirer une parabole.

Théodule  : Merci, Père Anselme. J’en retiens que la foi est contagieuse. Elle se transmet de personne à personne. Elle crée des liens d’amour et change le regard sur les autres. Voilà qui est divin.

frère Alain Quilici, o. p.

 


Actualité publiée le 18 mars 2020