Jésus-Christ est-il l’unique Sauveur ?

Les Semaines de la Fraternité

Jésus-Christ est-il l’unique Sauveur ?

Dans le dialogue interreligieux poursuivi inlassablement par l’Église et qui va s’établir durant les Semaines de la Fraternité à Toulouse, se pose la question de l’unicité du Christ. Plus exactement, une controverse resurgit à intervalles réguliers : en soutenant que Jésus est le seul sauveur, ne risque-t-on de prendre de haut les autres sagesses et religions de l’humanité ? N’est-ce pas là le énième exemple de l’impérialisme culturel occidental, l’ultime sursaut de son ethnocentrisme ?
Afin de faciliter les échanges interreligieux, et ne pas se retrouver de nouveau prisonnière du débat sur l’ethnocentrisme occidental, la théologie chrétienne a soulevé à nouveaux frais la question de l’unicité du salut en Christ.

Existe-t-il plusieurs « Christ » ?

Pourquoi revenir à la charge avec cette problématique ? C’est que, pour certains, « Christ » est davantage le nom d’une fonction que celui d’une personne. Pareille proposition conduit tout droit à cette conclusion : il existerait plusieurs « Christ ». Jésus de Nazareth n’en serait qu’un avatar parmi d’autres.
Cette thèse est relayée de nos jours par la théologie des religions. D’après celle-ci, il n’y aurait pas stricte identité entre Jésus de Nazareth et le Christ glorieux et universel. Cependant la raison d’être de l’Église réside précisément en cette identité ! L’Église portera témoignage jusqu’à la fin des temps que le Christ préexistant et créateur, le Verbe incarné en Jésus, le Verbe-Fils sauveur universel et le Verbe glorieux sont un seul et même Verbe, une seule et même personne.

L’unicité du Christ n’est pas contradictoire avec l’universalité du salut

Mais en posant l’identité entre Verbe glorieux et Jésus de Nazareth, les chrétiens ne confisquent-ils pas le salut pour eux seuls ? Ce serait un terrible contresens ! Gardons nous d’opposer unicité de Jésus-Christ et universalité du salut. Toute la difficulté du dialogue interreligieux tient justement dans la difficulté à accorder ensemble deux principes irrécusables : à la fois la volonté universelle de salut de Dieu et l’unicité de la médiation du Christ. Ces deux principes sont attestés par l’Écriture. Dans le texte même où Paul affirme que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité  », il ajoute que « Dieu est unique, unique aussi le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ qui s’est livré en rançon pour tous » (1 Tm 2,4-6). 
Ainsi, Jésus n’est pas le sauveur des seuls chrétiens, mais de tous les hommes. « Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés  » dit Saint Pierre devant les autorités juives qui l’interrogent après la Résurrection (Ac 4,12). Il n’existe pas plusieurs Christ dont chacun serait commis au salut d’un peuple ou d’une civilisation bien particulière. À plusieurs reprises le Magistère a souligné l’unicité et l’universalité du salut en Jésus-Christ. Cette réaffirmation de la place centrale occupée par celui-ci n’implique toutefois aucun mépris des autres traditions religieuses. En témoigne ce passage de la déclaration Dominus Jésus qui traite de ce sujet :

« C’est dans la médiation du Christ Sauveur que ce rayon de vérité atteint les croyants d’autres religions. Parce qu’Il veut appeler à Lui tous les peuples en Jésus Christ et leur communiquer la plénitude de Sa Révélation et de Son Amour, Dieu ne manque pas de se rendre présent, de manières multiformes, non seulement aux individus, mais aussi aux peuples, par leurs richesses spirituelles dont les religions sont une expression principale et essentielle, bien qu’elles comportent des lacunes, des insuffisances et des erreurs ; par conséquent, les livres sacrés des autres religions, qui nourrissent et dirigent l’existence de leurs adeptes, reçoivent du Mystère du Christ les éléments de bonté et de grâce qu’ils contiennent ».

Le Verbe ne s’est pas incarné plusieurs fois !

Contre les multiples exemplaires de « Christ » qui pullulent dans la nébuleuse gnostico-ésotérique, il est important de rappeler que l’Église a toujours soutenu l’identité du Jésus historique et du Christ universel de la foi. Le Verbe ne s’est pas incarné plusieurs fois, ni en plusieurs individus différents. La personne que la foi chrétienne place au centre de son Credo ne possède pas de jumeaux ! Dieu ne l’a pas non plus dupliqué à l’intention de chaque civilisation ayant vu le jour sous le soleil depuis que le monde est monde !
Même si le Christ est homme parmi les hommes, il n’en reste pas moins, dans l’ordre du salut comme dans celui du rapport avec Dieu, unique en son genre.

L’unicité du Christ est la preuve de la fraternité universelle des hommes entre eux

Cependant, cette place centrale accordée à Jésus de Nazareth ne place-t-elle pas les chrétiens en situation de supériorité par rapport aux autres croyants ? Si c’était le cas, la fraternité universelle des tous les hommes entre eux en serait irrémédiablement compromise. En effet, la fraternité s’accommode mal d’une quelconque supériorité des uns sur les autres, surtout à notre époque, si chatouilleuse au sujet de l’égalité ! Heureusement, il n’en est rien. Pourquoi ? Parce que l’ unicité du Sauveur est la preuve que le genre humain est un, et que les différences entre les hommes ne sont jamais synonymes de supériorité ou d’infériorité. De même, l’unicité du Créateur (qui, pour le christianisme, est un avec le Sauveur) est la source de l’égale dignité de tous les hommes créés par Lui. Au passage, rappelons que le Christ Jésus n’appartient pas à l’Occident. Historiquement, il est né Juif, d’une mère juive. C’est donc un oriental !
Il n’existe qu’un seul Sauveur précisément pour la raison que tous les hommes sont égaux et frères les uns des autres. Si les exigences que Dieu leur demande sont les mêmes pour tous, c’est bien la preuve qu’il n’existe pas de peuples inférieurs à d’autres sous le rapport de leurs capacités à accomplir les commandements divins !

Jean-Michel Castaing, auteur