Pour prolonger la joie pascale...

Nous vous proposons de lire l’homélie du frère Éric Bidot, provincial des Capucins de France, prêchée lors de la Vigile pascale. C’était au monastère des soeurs clarisses de Poligny (Jura).

 

Nuit de Pâques 2022
(Marc 16, 1-8)

Nuit de Pâques, nuit de la création retrouvée... Nous nous sommes réunis auprès du feu nouveau, lumière rougeoyante et crépitante : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu, par qui tu éclaires la nuit : il est beau et joyeux, indomptable et fort  ». Avec cette lumière transmise de main en main, nous sommes entrés dans cette chapelle encore plongée dans l’obscurité. Et là, nous avons chanté : « Qu’exulte de joie dans le ciel (...) Que la terre elle aussi soit heureuse ». Par nos voix, souffle mêlé aux mots, nous nous sommes rappelés que nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit : il nous modela avec la glaise du sol et insuffla en nous une haleine de vie (cf Gn 2, 7) faisant de nous des vivants. « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent, et pour l’air et pour les nuages, pour l’azur calme et tous les temps : par eux, tu maintiens en vie toutes les créatures  ».

À présent encore, « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles, dans le ciel, tu les as formées claires, précieuses et belles ». Tu nous rappelles que par le passé, de nuit, tu tiras d’Égypte nos pères, les enfants d’Israël, puis que le feu d’une colonne lumineuse dissipa les ténèbres du péché, lumière qui ce soir brise les liens de la mort. Cette colonne, aujourd’hui, c’est ce grand cierge de Pâques, symbole du Christ Jésus qui « répand sur le genre humain sa lumière et sa paix  » : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil par qui tu nous donnes le jour la lumière ; il est beau, rayonnant d’une grande splendeur  ».

À la pointe de l’aurore, la pierre du tombeau où Jésus avait été enseveli est découverte, « roulée sur le côté » : ce tombeau n’est-il pas le signe des profondeurs de la terre, visitées par le Fils de Dieu mort en croix ? « Loué sois-tu mon Seigneur pour notre sœur mère la Terre qui nous porte et nous gouverne, qui produit la diversité des fruits, avec les fleurs diaprées et les herbes  ». La terre donne ce soir son plus beau fruit, le Fils de l’homme, Jésus, rendu à la vie, nous associant à sa vie par le baptême, renaissance dans l’eau et l’Esprit, et nous donnant la dignité de membres du Corps du Christ : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Eau, qui est très utile et très humble, précieuse et chaste ».

« Ô nuit de vrai bonheur, nuit où le ciel s’unit à la terre, ou l’homme rencontre Dieu  » : ces paroles seraient-elles de belles et pieuses pensées ou sont-elles la réalité de ce qui advient parce que Jésus est passé de la mort à la vie ? Nous avons été créés pour le jour, mais, désorientés, nous errons dans la nuit de ce monde, ne comprenant plus la beauté, ni le sens du créé. La nuit, « symbole de la mort, de la perte définitive de communion et de vie1 », n’est toutefois pas le dernier mot, ni le sens de l’histoire : c’est la Bonne Nouvelle du jour ! « L’impensable a eu lieu : l’Amour a pénétré dans les enfers ; dans l’obscurité extrême de la solitude humaine, nous pouvons écouter une voix qui nous appelle et trouver une main qui nous prend et nous conduit dehors2. » Dès lors, nous pouvons sortir de notre aveuglement et voir la réalité : le monde n’existe pas seulement en lui-même, il est en Dieu. Toutes les réalités créées sont un livre dans lequel Dieu se donne à lire : elles portent l’empreinte de la Trinité créatrice que seule la personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, peut découvrir et conduire à son accomplissement.

Nous pouvons maintenant « célébrer la Vie d’où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie3 » : alors, à l’acte éthique de la sauvegarde de la création, ajoutons l’attitude contemplative qui, dans la pauvreté de l’être se recevant tout entier, reçoit la création comme un don de Dieu, connaît le langage de la création ne cessant de clamer : « Celui qui m’a fait, celui-là est le Très Bon4 », et permet à la création d’être transfigurée. François d’Assise peut rencontrer le loup ou encore, le loup sentant en François « le parfum qui était celui d’Adam avant la chute » peut aller « vers lui dans la paix5 ». La nature se transforme : les enfants, les bêtes, les plantes communient avec le contemplatif. Le contemplatif transfigure le créé. Alors que nous sommes souvent engagés dans la conquête du monde, dans le temps et l’espace, ou la conquête des autres, corps et esprit, de manière abusive parfois, voilà que, ce soir, la croix du Golgotha s’érige en nouvel Arbre de vie. Que nous reste-t- il à faire ? Il ne nous est pas d’abord demandé d’aimer Dieu, mais de savoir que Dieu nous aime et que le silence divin contre lequel si souvent nous nous révoltons, exprime l’infinie discrétion de l’amour divin et fait place à notre infinie liberté. « L’être humain vit pour le fait qu’il est aimé et qu’il peut aimer ; et si dans l’espace de la mort également, a pénétré l’amour, alors là aussi est arrivée la vie6. »

Que vous soyez à la maison ou en voiture, ici ou sur un autre continent, unissez vos voix à la mienne pour réaffirmer : « Christ est ressuscité : Il est vraiment ressuscité ! Alleluia ! Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâce et servez-le en toute humilité !  »

Amen.

Fr. Eric Bidot, ofm cap
au Monastère des Clarisses, à Poligny
homélie retransmise sur RCF au cours de la Veillée pascale,
le 16 avril 2022

 

1 Benoît XVI, messe chrismale, jeudi 5 avril 2012.
2 Méditation devant le Saint Suaire, Benoît XVI, à Turin, 2 mai 2010.
3 Denys l’Aéropagite, Noms divins VI, 1.
4 Thomas de Celano, Secunda Vita, 165.
5 Saint Maxime le Confesseur, Traités ascétiques, 20ème traité, dans Œuvres spirituelles, 1981, p.78.
6 Méditation devant le Saint Suaire, Benoît XVI, à Turin, 2 mai 2010.

 

 

Source
Actualité publiée le 20 avril 2022

 

 

 

 

Cantique de Frère Soleil

Très Haut, tout puissant et bon Seigneur,
à toi louange, gloire, honneur,
et toute bénédiction ;
à toi seul ils conviennent, O Très-Haut,
et nul homme n’est digne de te nommer.

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans le ciel tu les as formées,
claires, précieuses et belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent,
et pour l’air et pour les nuages,
pour l’azur calme et tous les temps :
grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.

Loué sois-tu, Seigneur, pour notre sœur Eau,
qui est très utile et très humble,
précieuse et chaste.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu,
par qui tu éclaires la nuit :
il est beau et joyeux,
indomptable et fort.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
avec les fleurs diaprées et les herbes.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix,
car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre sœur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.

Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.

Saint François d’Assise