Projet de loi contre le séparatisme : les réserves des responsables religieux

par Jean-Michel Castaing

Projet de loi contre le séparatisme : les réserves des responsables religieux

Le projet de loi contre le séparatisme suscite beaucoup de réserves chez les responsables chrétiens. 

 
Contraintes dissuasives qui manquent leur but

En premier lieu, les responsables chrétiens estiment que la loi risque de manquer son but principal qui est de lutter contre la radicalisation islamiste. En effet, le texte prévoit de mieux encadrer la gouvernance des mosquées. Dans ce but, le gouvernement désire les pousser à adopter le régime de 1905 (qui est celui des cultes juif et chrétien), alors qu’elles sont gérées actuellement par des associations placées sous le régime de la loi de 1901, moins exigeante en matière d’obligations. Or, ces contraintes pourraient dissuader les responsables musulmans de se rallier à cette solution. Surtout, les groupes radicaux n’iront jamais vivre sous un tel radar ! De plus, cette solution rendrait le vie plus difficile aux religions qui vivent déjà sous le régime de 1905. Le projet de loi, en plus de manquer son but, pénaliserait les confessions qui ont adopté les lois de la République !

Trop répressif ?

Le second motif de réserve des responsables religieux chrétiens concerne le ton général du projet de loi. Celui-ci donne l’impression que les croyants sont des empêcheurs de tourner en rond, des importuns de la vie de la communauté nationale. Au lieu de tracer des voies visant à mieux favoriser l’intégration des religions dans la vie publique et à les impliquer davantage dans la lutte contre les discriminations et la radicalisation, ce projet développe uniquement les aspects répressifs, au risque là aussi de manquer son but. Dans ce combat, les pouvoirs publics devraient compter les religions établies pour des alliées, non les transformer en suspects potentiels. De plus, le volet répressif déborde le cadre cultuel proprement dit : que l’on pense notamment aux restrictions touchant l’enseignement à domicile.

Des craintes pour les libertés

Enfin, les responsables religieux craignent que ce projet n’entrave la liberté. Par exemple, la mesure qui introduit une procédure déclarative en préfecture du statut d’association cultuelle ne manque pas d’inquiéter. Selon quels critères les représentants de l’État accorderont-ils ou non la reconnaissance à l’association ? Les croyants redoutent également que l’Etat n’abandonne sa neutralité pour s’immiscer dans le fonctionnement interne des communautés. En plus de sanctionner les propos tenus au sein des lieux de cultes, le projet de loi prévoit de les réprimer plus durement encore que s’ils étaient tenus sur la voie publique. Bientôt Big Brother dans l’assemblée dominicale ? Mais n’est-ce pas infantiliser les croyants et compter pour rien leur faculté de discernement ?
Enfin des hommes religieux, clercs ou laïcs, ont exprimé leurs doutes sur la capacité des lois à modifier les moeurs. Pour toutes ces raisons, ce projet suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses au défi du séparatisme et de la radicalisation islamiste.

Jean-Michel Castaing