René de Naurois : prêtre du diocèse de Toulouse, résistant et soldat

René de Naurois : prêtre du diocèse de Toulouse, résistant et soldat

Le 6 juin 2024, est célébré le 80ème anniversaire du Débarquement et de la bataille de Normandie. À cette occasion, l’Église catholique fait mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour le salut de la Patrie. Zoom sur le portrait d’un homme provenant de notre région toulousaine, le P. René de Naurois : intellectuel, prêtre, résistant et soldat. 

Ici, un hors-série de la revue diocésaine du Diocèse aux armées, retraçant le parcours du P. René de Naurois (également disponible en pièce-jointe au bas de cet article), rédigé par Jean Chaunu, Docteur en histoire ! En voici un extrait : 

Aîné de cinq enfants, René Jacobé de Naurois (1906-2006) est né dans une famille aristocratique du Sud-Ouest appartenant à cette frange du catholicisme social rallié aux idéaux démocratiques. Naurois a bénéficié d’un préceptorat dans ses quinze premières années avec des institutrices
à domicile notamment anglaises qu’il devait retrouver en Angleterre en 1943, ce qui lui permit d’être à l’aise en anglais à Londres en 1943. C’est au domaine paternel de Saint-Maurice près de Villemur sur Tarn, et dans la propriété de sa grand-mère près de Brassac que René de Naurois a vécu une enfance de « traîne-buisson » passée à rechercher les nids d’oiseaux et a peut-être contracté secrètement le goût pour l’ornithologie. C’est seulement vers l’âge de quinze ans qu’il entra en pension au petit séminaire de Saint-Sulpice la Pointe à 15 km de la propriété familiale.

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Dès l’âge de 14 ans, René songeait à la vocation religieuse. Il en parla à ses parents à l’âge de dix-sept ans. Son père lui demanda de faire d’abord son service militaire et des études supérieures. Après avoir effectué une PMS dans l’Artillerie de 1926 à 1928 à Toulouse, il fut réformé temporairement pour raison de santé et effectua finalement son service militaire en 1931 comme élève officier de réserve à l’école d’artillerie d Poitiers puis de Grenoble. Entré à l’Institut catholique de Toulouse comme étudiant en 1931, il y suivit les cours de philosophie puis de théologie pendant trois ans et fut marqué par l’immense érudition du jésuite d’origine italienne Fernand Cavallera (1875-1954). Après licence de sciences, lettres et philosophie, et l’ordination sacerdotale en 1936, il s’engagea dans un doctorat de philosophie qui n’aboutit pas mais lui valut une bourse d’études à Berlin, où il résida fréquemment de 1933 à 1939.

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Bien que prêtre et ayant déjà occupé des fonctions d’aumônier en Allemagne, c’est en tant qu’officier d’artillerie que le Père de Naurois participa à la campagne de France. Mobilisé comme lieutenant de réserve
au 93ème Régiment d’artillerie à Grenoble, il demeurait sous-employé faute d’armement puis fut ensuite transféré à Bohain dans le Nord, dans la 1ère armée, sous le commandement du général Blanchard, et affecté au premier bureau.

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Il se retrouva affecté à l’État-Major du général Félix-René Altmayer (région de Montpellier). Avant de prendre congé de Naurois, le colonel Georges Groussard vint lui faire ses adieux et cette confidence de futur résistant :
« Naurois, pour moi la guerre n’est pas finie. » (AFL p. 99) Se retrouvant à Pau, si près de l’Espagne, une pensée ne le quittait plus : quitter la France pour gagner Londres. Il écrivit une première fois à son évêque, Mgr Saliège, pour lui demander l’autorisation de franchir les Pyrénées afin de pouvoir poursuivre le combat. Aux alentours du 1er juillet, il reçut un billet très court de son évêque : « Cher Ami, l’âme de la France a plus que jamais besoin d’être sauvée à l’intérieur. Voilà pourquoi je vous dis, sans hésitation aucune, que votre devoir est de rester. Affectueusement à vous. » + Jules Saliège, archev. de Toulouse. (AFL p.102)

Naurois a relaté ses retrouvailles émouvantes avec son évêque où la paternité du pasteur se doublait d’un patriotisme humilié. Presque paralysé par la maladie, parlant avec difficulté, Saliège laissa entendre une espèce de rugissement avec un fort accent auvergnat : « Cet uniforme de honte, de honte. Cette armée en déroute ! » Devenant rouge, comme après une « engueulade », Naurois baissa la tête. Puis l’évêque lui prit les mains comme un père aussi ému que son fils et il ajouta en rugissant à nouveau : « Ce n’est pas fini… » Puis il passa en revue les raisons d’espérer : la résistance des Anglais, l’entrée en guerre possible des Russes, des Américains : « Oh non, ce n’est pas fini… » (AFL p.102)

 


Actualité publiée le 4 juin 2024