Un curé de Palestine à la rencontre des Français

Autour des chrétiens d’Orient

Un curé de Palestine à la rencontre des Français

Fin janvier, le père Abu Khalil, curé du village chrétien de Taybeh en Palestine, est venu exposer à Toulouse la vie quotidienne difficile de nos frères chrétiens de Terre sainte dans le cadre d’une conférence organisée par l’association « Une fleur pour la Palestine ». Alain Duphil, diacre du diocèse de Toulouse et président de cette association, nous raconte ce tour de France à la rencontre des Français sensibles à la situation des chrétiens de Palestine, autour du père Johnny et de Suhail Daïbes, un jeune père de famille et directeur de l’école catholique de Beit Jala à côté de Bethléem. Il revient sur les propos tenus lors de ces conférences.

Après une courte nuit, dès lundi matin 25 janvier, nos invités sont intervenus en direct sur radio Présence, puis au Lycée du Caousou au cours d’un déjeuner palestinien avec des professeurs et des élèves, et enfin le soir à la Maison diocésaine pour une conférence qui a réuni plus de 130 personnes. Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse, a assisté à cette conférence ainsi qu’à la messe qui l’avait précédée, tout comme le Père Pierre Pradel et les membres du Comité diocésain de solidarité avec les Chrétiens du Moyen-Orient.

Le mardi 26 janvier nous a emmenés à Lyon, non sans visiter en passant la petite église de la Pastourie à côté de saint-Félix de Lauragais, remarquable pour ses fresques aux couleurs de la Terre Sainte. À Lyon, une messe chez des sœurs franciscaines a rassemblé les amis qui nous accueillaient, pour bien se préparer à la conférence du soir au cours de laquelle le Père Johnny et Suhail ont pu parler devant près de 150 personnes, dont le Père Christian Delorme, des membres de l’Union Juive Française pour la Paix ainsi que de nombreux membres de l’Ordre du Saint-Sépulcre.

Il nous a fallu quitter Lyon très tôt le mercredi 27 pour nous joindre à la messe de la paroisse Sainte-Bathilde de Chatenay-Malabry, dans la banlieue sud de Paris. Le déjeuner et la conférence en début d’après-midi nous ont réunis autour du curé de la paroisse, d’un pasteur de l’Église Réformée et d’un ami musulman, membre du Groupe d’Amitié Islamo-Chrétien local. Après une visite au Ministère des Affaires Étrangères où nous étions reçus pour évoquer la situation difficile des Palestiniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, nous devions le soir rejoindre Chantilly pour une conférence très bien organisée par la paroisse et les AFC locales. En chemin Suhail, qui n’était jamais venu en France, a pu quelques instants apercevoir le haut de la Tour Eiffel au détour d’une rue... et goûter aux joies de la foule serrée du métro parisien. La conférence à Chantilly avait bénéficié du soutien actif de Yves Teyssier d’Orfeuil, auteur en 2002 de Paix sur Jérusalem, recueil d’entretiens avec Mgr Michel Sabbah.

Jeudi 28 janvier, la journée débutait par un rendez-vous à la Direction de l’Enseignement Catholique de Paris. Suhail y était attendu pour rencontrer une formatrice française qui serait la semaine suivante dans son école de Beit Jala, au service de ses professeurs de français. Cela grâce au Réseau Barnabé, réseau d’écoles catholiques françaises aidant les écoles chrétiennes de Palestine au niveau de l’enseignement du français. Le Père Johnny, lui, y était attendu par un journaliste du quotidien La Croix pour une interview qui a donné lieu à un article paru le 2 février. Le petit équipage reprend ensuite la route en direction de Bordeaux où il est attendu pour la messe de 18 h dans la belle église de la paroisse Ste-Geneviève, suivie d’un dîner avec les amis bordelais d’Une fleur pour la Palestine puis d’une conférence devant une centaine de personnes.

Heureusement que le rythme du vendredi 29 janvier était prévu plus tranquille avec « seulement » une messe et une conférence à partir de 16h dans le village pyrénéen d’Aspet ! Ambiance toujours très sympathique chez les Sœurs Vocationnistes de la commune, avec une assemblée nombreuse et chaleureuse. Le samedi matin, la destination était l’aéroport de Tel Aviv via celui de Blagnac.

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Au cours de ces cinq journées, nous avons eu la joie d’avoir la messe présidée par ce prêtre arabe dans un français impeccable avec la prière de consécration, à chaque fois en arabe. À l’issue de ces interventions, le père Johnny faisait dire le Notre Père, lui et Suhail en arabe. Chacune des conférences était illustrée de photos poignantes montrant des vues du mur de séparation, de check-points entravant complètement la circulation en Palestine, ou de la vallée de Crémisan actuellement arrachée à ses agriculteurs palestiniens chrétiens au profit de colonies israéliennes illégales. On a aussi pu voir le dynamisme des écoles catholiques et de leurs élèves à travers des vues de leur vie quotidienne.

Au cours des conférences, le père Johnny a insisté sur l’humiliation qui est le lot permanent des Palestiniens qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Il a souligné la haine qui monte envers les chrétiens non pas de la part des musulmans mais d’extrémistes juifs très dangereux au point qu’il ose désormais lui-même difficilement se déplacer en soutane ou porter sa croix pectorale à Jérusalem. Pour lui, le conflit israélo-palestinien est politique avant tout, du fait de l’occupation militaire israélienne de la Palestine, et il indique qu’il est contre-productif et dangereux d’essayer de le déplacer sur le terrain religieux, comme par exemple lors d’intrusions répétées sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem. Il a évoqué les colonies qui entourent sa paroisse de Taybeh, colonies qui se rapprochent sans cesse et dont les colons s’attaquent maintenant à ses paroissiens, comme lorsqu’ils ramassent leurs olives par exemple ou qu’on les aperçoit laver l’été leur chien ou leur voiture, tandis qu’eux sont sévèrement rationnés en eau...

Le père Johnny a essayé aussi d’évoquer le contexte international, en dénonçant en particulier certains évangélistes fondamentalistes américains qui militent contre toute solution de paix, en prétextant une interprétation erronée de la bible. Alors que nous vivions la semaine de l’Unité des chrétiens, le père Johnny a expliqué aussi les efforts de rapprochement entre catholiques et orthodoxes, pour au moins fêter Noël et Pâques en même temps. En Palestine et en Israël désormais, en dehors des Lieux Saints à cause des pèlerins, les orthodoxes fêtent Noël à la date catholique, et les catholiques fêtent Pâques à la date orthodoxe. Ne pourrions-nous pas prier afin que cette mesure soit adoptée sans tarder au niveau de l’Église universelle ? Le père Johnny est revenu plusieurs fois sur l’idée que les chrétiens du pays de Jésus avaient besoin du témoignage des pèlerins en Terre sainte et de la prière des chrétiens du monde entier pour faire avancer la justice et la paix au Proche-Orient.

À chaque conférence, la question du boycott des produits des colonies israéliennes dont on parle régulièrement dans les médias est revenue. La réponse a été de voir dans le document Kairos-Palestine, qui donne la position officielle des 13 églises représentées à Jérusalem (5 églises orthodoxes, 6 églises catholiques, et 2 églises protestantes).
Suhail et le Père Johnny ont aussi chaque jour remercié l’action de Une fleur pour la Palestine qui est bien utile matériellement et moralement grâce à ses bourses scolaires annuelles personnalisées. Merci à tous ceux et celles qui ont bien voulu faire un don.