Voir…

par le père Robert Divoux, prêtre-ouvrier

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Au XXIème siècle ce verbe VOIR nous pose bien des problèmes. Car on nous en propose des choses à voir ! Télévision, ordinateurs, smartphones, magazines, affiches publicitaires… partout nous sommes inondés d’images, souvent accompagnées de slogans. Mais je me pose de plus en plus souvent la question : ce qu’on m’offre à voir (avec des techniques qui souvent réduisent la distance entre les mots "offrir" et "imposer") est-ce bien le RÉEL de la vie des femmes et des hommes qui peuplent notre Terre ?

En effet ce verbe VOIR véhicule avec lui – de manière insidieuse – d’autres verbes, qui le détournent de son sens premier :

- il y a déjà le verbe choisir. Dans la parabole du Bon Samaritain de la Bible, les voyageurs avant lui ont VU un chemin libre, et ils l’ont pris. Mais en réalité cette vision était orientée, leur regard avait supprimé une partie du réel : le blessé, alors qu’humainement c’était la partie essentielle. On a là l’application de la devise : « Je ne veux pas le savoir ! ».

- Et même parfois on va plus loin dans le détournement du sens, et on trouve le verbe maquiller. Les exemples sont innombrables : il y a les tromperies sur les images elles-mêmes (Ah ! ces paysages idylliques, ces meubles confortables, ces outils merveilleux… jusqu’à ce qu’on se heurte à la réalité !) ; il y a les tromperies sur les slogans qui les accompagnent… Ce maquillage peut aller jusqu’à la pure invention, au mensonge, à la calomnie. Dans ces situations, on choisit de donner à voir non la vérité, mais ce qu’on juge efficace pour avancer nos propres pions.

C’est une des caractéristiques de nos sociétés modernes : les moyens de "voir", de communiquer se sont énormément développés, mais les moyens de cacher la réalité de la vie des Hommes ont pris le même chemin. D’où depuis quelques années l’importance du phénomène des fake-news ("infox" en français). D’où également les atteintes contre les journalistes dans le monde. D’où la mise à l’écart des corps intermédiaires et la concentration des pouvoirs. Selon les pouvoirs en place, les moyens d’empêcher que la vie collective réelle soit exposée sont différents, mais on les trouve pratiquement dans toute la vie publique (civile, militaire, religieuse…), de façon feutrée ou violente.

Si l’argent et le pouvoir jouent leur rôle dans cette déviation du VOIR, l’ignorance (souvent volontairement cultivée par les premiers) est également présente. Lire "Fahrenheit 451" de Ray Bradbury est très éclairant sur le sujet, et ce livre a été écrit en 1953 !

En revanche l’Évangile cultive une toute autre perspective. La vie est décrite telle qu’elle est, avec ses meilleurs et ses plus regrettables aspects (cf. l’épisode des deux larrons). Chaque être humain est dans l’Évangile une personne à part entière – chacune avec une égale dignité – et une personne qu’on respecte, même quand on sait qu’elle va vous trahir. De surcroît, le plus puissant doit se faire le serviteur du plus petit (cf. le lavement des pieds), car au plus faible doit être réservé la première place.

Le VOIR n’est pas altéré, le RÉEL n’est ni dissimulé ni maquillé (le conditionnement est étranger à la pensée évangélique). Croyants ou non, l’Évangile reste un éclairage unique pour notre vie d’Homme.

Père robert Divoux,
7 février 2020

 


Actualité publiée le 12 février 2020