Psaume 131

 

Méditation de Monseigneur LE GALL

"Vers quelle maison de Dieu ?"

 

Le plus long des Psaumes des montées est entouré des trois plus petits : celui que nous venons de relire et les deux autres qui suivront, achevant la collection. La longueur de ce psaume, inhabituelle dans la série, étonne. Faut-il comprendre que, consolés par Dieu dans le Temple (Ps 130), il convient de rendre grâce à Dieu et au roi qui prépara ce sanctuaire, où devraient monter les tribus d’Israël ?

Le psaume commence, en effet, par faire mémoire du roi bien-aimé : « Souviens-toi, de David et de sa grande soumission » (Amoris lætitia, du 19 mars 2016). « Ils ne m’ont pas soumis », lisions-nous au Psaume 128 (2) ; en butte aux persécutions des ennemis d’Israël, le peuple, dans les meilleurs des siens, n’a pas renié son Dieu. La soumission dont il est question ici n’est pas la même. David est tout sauf un homme soumis, mais sa force de caractère et sa valeur de chef n’évacuent pas une grande délicatesse de sentiments, une capacité d’amitié et un don réel de poète . À l’égard de Dieu, il a des liens profonds, qui ont tenu malgré l’épreuve de ses fautes graves ; Dieu de son côté parle de lui avec admiration et affection, le définissant comme : « mon serviteur fidèle », ou, plus souvent : « mon serviteur ». On le voit, la « soumission » ici mentionnée n’est que l’expression de la fidélité de David à son Dieu, de sa disponibilité aimante à faire sa volonté malgré ses faiblesses. Les traductions anciennes portent d’ailleurs : « Souviens-toi, Seigneur, de David et de toute sa douceur », laquelle est une marque de Jésus et un fruit du Saint-Esprit (cf. Ga 5, 23).

Le psalmiste rappelle comment David, prévenant envers son Dieu, anticipa le projet du Temple. « Il fit au Seigneur un serment, une promesse au Puissant de Jacob » (« Les litanies de la torah introduisent les louanges des 15 cantiques des Degrés, les shiré ha ma’alot », André CHOURAQUI, Les Psaumes, Presses Universitaires de France, 1956, p. 29.). Il fait vœu de s’interdire tout répit « avant d’avoir trouvé un lieu pour le Seigneur » (Titre du Psautier en hébreu). On se souvient que l’arche d’alliance avait été prise par les Philistins ; récupérée, David veut la faire « monter » à Jérusalem, dont il vient de se rendre maître (cf. 1 S 5, 6s ; 6, 2) ; un épisode malheureux, qui affecte le roi, fait qu’elle stationne trois mois dans la maison d’Obed-Édom, avant d’être solennellement transférée : ici encore, il est dit que David la « fit monter » (6, 12.15). C’est dans ce contexte qu’il faut lire ce verset de notre psaume : « Monte, Seigneur, vers le lieu de ton repos, toi, et l’arche de ta force » (Enarrationes in Psalmos, sur le Psaume 129, dans Saint Augustin : Prier Dieu. Les Psaumes, Cerf, Paris, 1964, p. 149).

Vient alors la magnifique prophétie de Nathan : Dieu remercie son serviteur de vouloir lui construire une maison, ce que fera son fils Salomon, alors que lui-même aura tout préparé pour cela ; mais le dessein de Dieu pour David dépasse, de loin, le projet de celui-ci : « Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison », non pas une maison de pierre dans une ville, mais une lignée humaine dans l’histoire (cf. 1 S tout le chapitre 7). La suite du psaume montre le lien entre l’arche, le temple et la dynastie davidique. Le dessein de Dieu privilégie les personnes plus que les lieux. Dieu, qui regarde le cœur, voit plus loin que nous : au-delà du roi David, celui qui a reçu l’onction royale – l’Oint du Seigneur, « Messie » en hébreu –, Dieu pré-voit Jésus, Fils de David, le Messie, le Roi d’Israël. Les Psaumes des montées nous font gravir les degrés du Temple, mais plus encore nous engagent dans une Histoire du salut (« Jésus » en hébreu), dans la procession d’une immense nuée de fidèles et de témoins (cf. He 12, 1) qui suivent le Christ, le Messie.

Le psalmiste ne voit pas aussi clair que nous dans ce cheminement de tout un peuple, de tous les peuples, mais il chante déjà, grâce à l’inspiration de l’Esprit-Saint, le plan de Dieu : « Pour l’amour de David, ton serviteur, ne repousse pas la face de ton messie » (Voir David, homme de cœur, Lettre pastorale pour le Carême 2016). Il rappelle à Dieu ses promesses : « Le Seigneur l’a juré à David, et jamais il ne reprendra sa parole : “C’est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône” » (Dans le précieux livre Les Psaumes. Prière pour aujourd’hui (Tardy, Bourges, 1963) qu’il a écrit quand il était Archevêque de Toulouse, le Cardinal Gabriel-Marie Garrone commente ainsi brièvement le Psaume 132 : « Cette huile qui coule sur la barbe du Gand Prêtre dans la cérémonie d’onction, cette huile parfumée et pénétrante, quelle bonne image pour dire l’action et le fruit de la charité fraternelle ! Elle lie, elle détrempe, elle embaume. Elle se répand sans bruit, elle monte des cœurs et recouvre tout le paysage d’une délicate couche de rosée qui le liquéfie pour ainsi dire, sans le détruire, et permet au soleil divin de s’y refléter à l’infini. Ce n’est pas la pluie, même douce, frappant une végétation, c’est la rosée discrète, silencieuse, respectueuse : une seconde et admirable image pour la charité fraternelle. Le tableau de la première Église dans les Actes (2, 42 ; 4, 32) se prête à la perfection à en faire saisir la valeur » (p. 364)). Il revient aussi à la montagne sacrée du Temple : « Car le Seigneur a fait choix de Sion ; elle est le séjour qu’il désire : “Voilà mon repos à tout jamais, c’est le séjour que j’avais désiré” » (13-14).

Repos, séjour, demeure : ces mots qui s’éclairent les uns par les autres dans ce psaume s’enrichissent, pour nous, d’une plénitude de sens. Jésus, dans ses discours d’adieux, nous invite à demeurer en lui : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14, 23). « Demeurez en moi, comme moi en vous. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples » (Jn 15, 7-8).

On voit comment nous devons lire les promesses de Dieu qui suivent : « Je bénirai, je bénirai ses récoltes pour rassasier de pain ses pauvres. Je vêtirai de gloire ses prêtres, et ses fidèles crieront, crieront de joie » (15-16). Le redoublement des verbes marque l’abondance des fruits qui rassasieront les pauvres que nous sommes, et ceux que nous servons au nom du Christ, ainsi que la plénitude de la joie qui nous attend tous.

La dernière strophe continue à nous faire entrevoir la poursuite du dessein divin du salut, « le mystère de sa volonté, pour mener les temps à leur plénitude » (Ep 1, 9.10) : « Là, je ferai fermer la force de David ; pour mon messie, j’ai allumé une lampe. Je vêtirai ses ennemis de honte, mais sur lui, la couronne fleurira » (17-18). Nous demeurons, non dans un temple fait de main d’homme, mais dans le Corps du Christ, où nous trouvons la force et la lumière pour avancer ensemble, entraînant à notre suite ceux qui veulent bien marcher sur ce chemin, et que nous accompagnons, étape après étape, vers la Jérusalem d’en-haut : « Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil et de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau. Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y porteront leur gloire » (Ap 21, 22-24). Des ennemis reviendront sans doute, mais sachons voir en eux, déjà, comme a su l’écrire saint Augustin, nos frères de demain.

La lampe qui éclaire notre route, est déjà celle de l’Agneau, celle de sa Parole ; la couronne qui fleurira nous représente tous en cette immense procession, où nous sommes appelés à réfléchir et à diffuser la lumière douce du Sauveur, entre frères pèlerins, veilleurs de la nuit dans l’attente du Jour. Les deux derniers Psaumes des montées vont nous en parler.

 

 

 

 

 

 

 

Psaume 131

 


01 Souviens-toi, Seigneur, de David
et de sa grande soumission


02 quand il fit au Seigneur un serment,
une promesse au Puissant de Jacob :


03 « Jamais je n’entrerai sous ma tente,
et jamais ne m’étendrai sur mon lit

,
04 j’interdirai tout sommeil à mes yeux
et tout répit à mes paupières,


05 avant d’avoir trouvé un lieu pour le Seigneur,
une demeure pour le Puissant de Jacob. »


06 Voici qu’on nous l’annonce à Éphrata,
nous l’avons trouvée près de Yagar.


07 Entrons dans la demeure de Dieu,
prosternons-nous aux pieds de son trône.


08 Monte, Seigneur, vers le lieu de ton repos,
toi, et l’arche de ta force !


09 Que tes prêtres soient vêtus de justice,
que tes fidèles crient de joie !


10 Pour l’amour de David, ton serviteur,
ne repousse pas la face de ton messie.


11 Le Seigneur l’a juré à David, et jamais il ne reprendra sa parole :
« C’est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône.


12 « Si tes fils gardent mon alliance
, les volontés que je leur fais connaître,
leurs fils, eux aussi, à tout jamais,
siègeront sur le trône dressé pour toi. »


13 Car le Seigneur a fait choix de Sion ;
elle est le séjour qu’il désire :


14 « Voilà mon repos à tout jamais,
c’est le séjour que j’avais désiré.


15 « Je bénirai, je bénirai ses récoltes
pour rassasier de pain ses pauvres.


16 Je vêtirai de gloire ses prêtres,
et ses fidèles crieront, crieront de joie.


17 « Là, je ferai germer la force de David ;
pour mon messie, j’ai allumé une lampe.


18 Je vêtirai ses ennemis de honte,
mais, sur lui, la couronne fleurira. »

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones

 

 


 

 

 

 

 

 

 

Psaume 131

 


01 Souviens-toi, Seigneur, de David
et de sa grande soumission


02 quand il fit au Seigneur un serment,
une promesse au Puissant de Jacob :


03 « Jamais je n’entrerai sous ma tente,
et jamais ne m’étendrai sur mon lit

,
04 j’interdirai tout sommeil à mes yeux
et tout répit à mes paupières,


05 avant d’avoir trouvé un lieu pour le Seigneur,
une demeure pour le Puissant de Jacob. »


06 Voici qu’on nous l’annonce à Éphrata,
nous l’avons trouvée près de Yagar.


07 Entrons dans la demeure de Dieu,
prosternons-nous aux pieds de son trône.


08 Monte, Seigneur, vers le lieu de ton repos,
toi, et l’arche de ta force !


09 Que tes prêtres soient vêtus de justice,
que tes fidèles crient de joie !


10 Pour l’amour de David, ton serviteur,
ne repousse pas la face de ton messie.


11 Le Seigneur l’a juré à David, et jamais il ne reprendra sa parole :
« C’est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône.


12 « Si tes fils gardent mon alliance
, les volontés que je leur fais connaître,
leurs fils, eux aussi, à tout jamais,
siègeront sur le trône dressé pour toi. »


13 Car le Seigneur a fait choix de Sion ;
elle est le séjour qu’il désire :


14 « Voilà mon repos à tout jamais,
c’est le séjour que j’avais désiré.


15 « Je bénirai, je bénirai ses récoltes
pour rassasier de pain ses pauvres.


16 Je vêtirai de gloire ses prêtres,
et ses fidèles crieront, crieront de joie.


17 « Là, je ferai germer la force de David ;
pour mon messie, j’ai allumé une lampe.


18 Je vêtirai ses ennemis de honte,
mais, sur lui, la couronne fleurira. »

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones