L’accueil
est devenu un concept à la mode, et encore plus aujourd’hui. On parle de centre
d’accueil de nuit ou de jour, de centre d’accueil d’urgence, de centre
d’accueil et d’orientation… « Si l’on a créé autant de centres pour
l’accueil, c’est qu’il faut tout centraliser aujourd’hui » me
dit-on ! « On a moins peur ».
Avoir
peur, c’est ce qui m’inquiète. Il semblerait que l’accueil fasse peur à un
grand nombre de nos concitoyens ? Est-ce vrai ? Chez nous ? En France,
terre d’accueil ?
Qui
d’entre nous n’a pas un jour expérimenté l’accueil ? Ne serait-ce qu’un
court instant. Par cet accueil, sans le savoir, vous avez offert l’hospitalité.
Vous vous êtes fait l’hôte qui reçoit. C’est le sens, l’étymologie même du mot
accueil. L’ Hospita ou l’ Hospes, c’est l’hôte qui offre l’hospitalité à
l’étranger. C’est celui qui fait de l’espace, qui fait place à l’étranger.
Accueillir,
c’est « recevoir ». C’est « offrir sa table » voire « un
lit », ces fameux lits qu’on supprime au fur et à mesure, dans nos maisons,
lorsque l’un de nos enfants quitte le foyer. On s’empresse de transformer la
chambre à coucher en bureau pour y recevoir, pour y accueillir l’ordinateur,
l’imprimante, les classeurs, les albums souvenirs, souvenirs… Tout y est rangé…
Certains
me diront que j’exagère. On sait recevoir en France, monsieur ! Oui, il
faut des lieux pour accueillir. Mais avez-vous demandé à ceux qui ont été
accueillis de vous décrire les conditions de cet accueil ? Un accueil fait de protocoles, de files d’attente comme à un
guichet à la poste. Il existe même des endroits où l’on commence par isoler
celui qui arrive. Heureusement que tous les accueils ne se passent pas ainsi.
Comment
en sommes-nous arrivés là ? Une réponse nous est donnée par le Pape
François : c’est l’indifférence qui
nous a conduits sur ce chemin. Nous sommes passés d’une culture de la rencontre
à une culture de l’indifférence. Chacun pour soi ? Oui, non ? Comment répondre ?
Revenons
à notre façon d’accueillir. L’accueil se fait le plus souvent au portillon,
loin de la porte d’entrée, sur le pas de porte, sur le seuil. On entre ou on
reste dehors. C’est une frontière. Nous créons nos frontières, avec nos
protocoles qui permettront de choisir ceux qui auront accès à nos espaces de
vies. Cela se passe ici et aujourd’hui. Nous sommes nombreux à agir ainsi,
souvent inconsciemment. Peut-on conclure que, par cet exemple, je sois quelqu’un
qui n’accueille pas ? Je dis simplement : soyons attentifs sur notre
façon de recevoir. Ne prenons pas le chemin de l’indifférence. Les temps ont
changé, monsieur ! Autrefois, on ne construisait pas de clôtures, il y avait toujours un banc devant la maison
pour s’asseoir un instant, on ne risquait pas de se le faire voler… Oui le monde change, notre environnement
également. Dans tous ces changements, n’oublions pas l’importance de l’accueil.
L’accueil,
c’est une rencontre qui se passe encore une fois sur le seuil d’une décision.
L’accueil se joue, là, en quelques secondes. Le temps du regard, où celui qui
regarde est aussi regardé ; le temps d’un dialogue qui commence par l’un
et finit par l’autre ; le temps d’un
choix où le pas de la porte sera peut-être franchi.
Si
le pas de la porte est franchi, c’est que vous êtes prêt pour accueillir
autrement.
Accueillir,
c’est se préparer à l’accueil. C’est rendre sa demeure accueillante, c’est
avoir envie de recevoir l’autre tel qu’il est. C’est s’habiller le cœur.
Accueillir
c’est aussi prendre son temps. On laisse venir. La personne a peut-être besoin de
se poser, de faire une halte, de souffler, de récupérer à son rythme.
Offrons-lui ce temps, rassurons-la,
entourons-la d’attention, si elle peut le supporter. Être là, pas trop loin… On
pourra toujours, demain ou après-demain reprendre ce temps de la rencontre. Ce qui est important dans l’accueil de
l’autre, c’est de parvenir à transformer
le mot « rencontre » par le mot « confiance ». Se
dessine alors une découverte de l’autre, de soi, d’une richesse telle que ces
petits moments rares et précieux
deviennent temps de grâce.
Le
pape François ne cesse de nous inviter à nous décentrer pour nous ouvrir à autre chose : à la
rencontre des personnes en profondeur. « Nous nous sommes habitués à une
culture de l’indifférence. Laissons-là de côté. Si moi je ne regarde pas, si
moi je ne m’arrête pas, si moi je ne touche pas, si moi je ne parle pas, je ne
peux pas faire une rencontre et je ne peux pas aider à faire une culture de la
rencontre… »