Nous attendions un enfant.

Enfin, il s’annonce. Difficilement, mais il arrive.

Il a souffert avant de naître (trop de tension et d’albumine chez sa maman), c’est pourquoi il est né très petit : il avait trop souffert pour atteindre un poids normal à la naissance.
Néanmoins il s’accroche à la vie : Malgré une réanimation due à une détresse respiratoire et un certain temps passé en couveuse, il est là. Mais sa souffrance pré-natale a laissé des séquelles : à 6 mois, le verdict tombe :
il sera handicapé, très handicapé.

La souffrance physique que j’ai ressentie en l’attendant se transforme en souffrance psychique.
Un jeune couple est bien seul face à un tel problème, surtout quand il n’y a que des professionnels pour les aider, ou presque qu’eux...

La famille est loin, à tout point de vue. Car à la distance kilométrique se rajoute l’impossibilité pour 2 de ses grands parents d’accepter ce handicap. Ils attendaient un enfant beau, fort et surtout intelligent, un enfant dont ils seraient fiers. Ce ne sera jamais le cas.

Je me souviendrai toujours de cette phrase de sa grand-mère maternelle : « mais enfin, qu’est-ce-que j’ai fait au Bon Dieu pour que tu me donnes un petits fils pareil ? »
Moi, je n’existais pas, je n’avais pas de problème sans doute à l’élever pratiquement seule (son papa était en déplacement du lundi au vendredi).


Une de mes belles-sœur me téléphonait très souvent : ma souffrance était la sienne : elle souffrait pour moi, elle souffrait pour mon petit, elle souffrait pour elle-même. Ses questions étaient les miennes.
Elle m’a aidée sans le savoir, sans s’en rendre compte, tout particulièrement le jour où nous avons parlé de l’amour d’une maman pour son enfant.
«  Mais on l’aime ton petit, toi aussi tu l’aimes. Il est TON enfant,
on ne peut pas ne pas aimer son enfant,quel qu’il soit. »


Jusque là, je ne m’étais pas demandé si je l’aimais ou pas, il était là, nous vivions côte à côte si proches et pourtant si loin.
Mais ce jour là j’ai regardé mon fils autrement ;
Lui et moi avons commencé à vivre une autre relation
et cette relation est et sera toujours la même,
fondée sur l’amour sans condition d’une maman pour son enfant.



Des années plus tard, j’ai rappelé ce moment à ma belle-sœur. Cette phrase ne l’avait pas marquée,
elle ne s’en souvenait pas. Moi je m’en souviendrai toujours.