Première Béatitude pour notre Carême
« Je n’ai pas envie d’être pauvre, j’ai envie d’être Lui » (une carmélite).
« Être pauvre, ce n’est pas intéressant. Tous les pauvres sont bien de cet avis. Ce qui est intéressant, c’est de posséder le Royaume. Mais seuls les pauvres le possèdent. » (Madeleine Delbrel).
Jésus s’est révélé « pauvre avec les pauvres ».
Il est du Peuple des petits, tellement mêlé à lui qu’on a pu dire : « Lui, le fils du charpentier ».
Sa vie est faite de dépendance : Il a faim, Il a soif ; pauvreté discrète, en rien provocante, Il renonce à tout privilège et a tout pouvoir,
Il refuse qu’on parle de lui, de ses miracles,
Il refuse tout signe spectaculaire… et ainsi, il est le Témoin, le Révélateur d’un Dieu amour qui doit être "proposable à tous".
Pour être « proposable à tous », il faut être discret, désintéressé, gratuit.
Pauvre avec les pauvres, Jésus n’a pu être une « Bonne Nouvelle » pour eux que parce que :
Jésus est le Grand Pauvre en face de son Père.
Il est « toute dépendance », comme celui qui « reçoit » à chaque instant de son Père, parce qu’Il est fils du Père. Cette relation au Père et son « charisme fondamental », l’attitude qui commande, oriente, explique tous ses actes.
Rien ne lui appartient : ni son avenir, ni ses projets, ni sa pensée, ni son œuvre. Je « n’ai pas parlé de moi-même » (Jean 12/49).
« Tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». (Jean15, 15).
Jésus, pauvre en face de notre liberté d’homme.
Pauvreté d’un Dieu qui se propose à notre liberté d’homme sans jamais s’imposer :
Il n’ose pas peser sur les personnes. Il n’ose pas imposer Sa manière. Il dit : « si vous le faites… heureux serez-vous ! ».
Jésus nous montre son Père comme un Dieu qui s’accepte impuissant vis-à-vis des hommes, un Dieu pauvre, faible, qui ne veut avoir aucun moyen de pression, mais seulement les moyens de l’Amour.
Attendre et recevoir des autres :
Est pauvre de cœur qui n’a pas réponse à tout et le sait.
Est pauvre qui est attentif aux siens sans les accabler de conseils, qui ne dit pas sans cesse : « à ta place je ferai comme cela ».
Est pauvre qui reste à sa place, conscient qu’il est impossible de se mettre vraiment à la place des autres.
Est pauvre qui sait que le temps de se taire est le temps où l’autre veut parler.
Est pauvre qui sait toujours qu’il n’a jamais parfaitement raison.
La pauvreté du cœur est l’acceptation de sa limite.
C’est parce que nous nous savons nous-mêmes pauvres que nous avons accès jusqu’au cœur des pauvres, et Dieu peut réaliser, avec notre pauvreté, des choses admirables.
Pour que mon frère puisse oser enlever son masque, il faut que moi-même je me présente à lui sans masque.
- « tu vaux cher à Mes Yeux »
- « tu comptes beaucoup pour Moi… et Moi je t’aime. Ne crains pas. (Isaïe 43,1-4)
Oui, parce que le Père t’aime :
- tourne ton cœur vers lui et Il te comblera,
- tourne ton regard vers Lui et Il t’illuminera,
- tourne tes mains vers Lui et Il les remplira,
- tourne ta misère vers Lui et Il te guérira.
Mais c’est un long apprentissage ; il faut toute une vie.
« Il est nécessaire de passer par la pauvreté pour sentir naître au fond de soi une attente et s’ouvrir à son Infini.
On me dit parfois : « à votre place, je n’aurais pas eu ce courage ».
Je réponds : « pourquoi voudriez-vous avoir le courage de porter une infirmité que vous n’avez pas ? Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour… pourquoi chercher plus loin ?… Il suffit bien d’avoir la grâce de son aujourd’hui » (Jacques Lebreton)
C’est aussi une expérience qui nous vient de l’écoute du frère. J’ai sans cesse à apprendre que tout frère est un pauvre qui a besoin d’être reconnu dans ses blessures, d’être respecté dans ses blessures, d’être aimé dans ces blessures, et qu’il est urgent de s’en approcher lentement.
Je sais que si Jésus ose dire : « Heureux... » ; c’est que dans n’importe quelle situation de pauvreté je peux attendre Dieu, et Dieu vient.
C’est bien ce qu’a vécu Marie, la femme la plus enracinée et la plus incarnée qui soit.
Elle est là, pauvre et les mêmes vides devant Dieu qui la comble de son être même.
Elle se veut toute dépendante de Dieu et de son Amour.
Son Magnificat est l’expression concrète de son cœur de pauvre.