Une nouvelle fois, la délégation conduite par le cardinal André Vingt-Trois s’est rendue aux États-Unis pour rencontrer des responsables de communautés juives.

Initié par le cardinal Jean-Marie Lustiger, ce dialogue se poursuit et s’approfondit avec une dizaine ou une quinzaine d’évêques selon les années, dont quelques étrangers, cette année l’évêque auxiliaire de Trêves, en charge des relations avec les Juifs en Allemagne.

L’an dernier, nous étions arrivés à l’aéroport J.F. Kennedy le 18 mars ; le lendemain au réveil j’apprenais le massacre de l’école Ozar-Hatorah de Toulouse.

Nous avons commencé cette année par Washington chez nos amis du Musée fédéral de l’Holocauste par une lecture solennelle par chacun de nous d’une page de noms de victimes.

Nous avons remarqué que l’on retient plus souvent les noms des meurtriers que ceux des victimes ; ne parle-t-on pas de l’affaire Mohamed Merah pour les tragédies de Montauban et de Toulouse ? Les Juifs font mémoire des victimes nommément et citent Anne Frank plutôt que les nazis.

En France, nous déplorons une montée de l’intolérance ou des stigmatisations : une sorte de pensée unique menace une authentique démocratie. Un projet de loi veut limiter l’usage des signes religieux dans la stricte limite de la vie privée, ce qui est contraire à une saine liberté publique des religions, à la condition qu’elles respectent le bien commun de la société.

Nos contacts privilégiés avec la Yeshiva University de New York ont pris cette fois-ci un tournant important : un vrai progrès semble se faire jour sur le respect de l’identité qui nous est propre. À Washington déjà, nous avions remarqué comment nous considérions davantage les Juifs comme juifs, et l’un d’entre eux pensait qu’il serait bon qu’il en aille ainsi des juifs par rapport aux chrétiens. Nous l’avons redit entre nous avec les juifs orthodoxes de New York : comment avancer ensemble sans être jugés ou définitivement situés ? Les catholiques se rendent mieux compte de la permanence du mystère d’Israël.
Nous ne voulons pas convertir l’autre, mais chercher ensemble la vérité et la vraie fidélité, pour une meilleure transmission de la foi. L’autre nous invite à notre propre conversion, en lien avec les Écritures. À cet égard, un des grands moments de nos rencontres est toujours le passage dans l’immense salle de l’Université où près de deux cents étudiants se penchent toute la matinée sur la Torah et le Talmud en des analyses confrontées à deux ou trois ; la salle est ainsi « bruissante » des dialogues animés et profonds entre des jeunes pour qui la Loi de Dieu est leur vie.

Un des premiers gestes de notre pape François a été d’écrire un mot d’amitié au grand rabbin de Rome, qui était présent à la messe inaugurale de son ministère. Au retour à Paris, nous avions notre réunion du Conseil épiscopal pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme, qui fut attristée par la démission du grand rabbin de France Gilles Bernheim, plusieurs fois rencontré à Toulouse.
Quelques jours plus tard, je retournais à Paris pour notre Assemblée plénière de printemps, retardée en raison du récent conclave. Nous avons à notre tour élu (aux deux-tiers des voix) un président et deux vice-présidents. Le Sud est honoré avec Marseille et Montpellier, sans compter notre province : nous avons élu monseigneur François Fonlupt, évêque de Rodez, au Conseil permanent. Ainsi vivons-nous
au plan national, comme au plan de notre province ou du ressort de l’Institut catholique, une véritable communion « affective et effective », nourrie lors de notre séjour à Rome pour la visite ad limina pendant l’automne. La proche rencontre nationale Diaconia 2013 à Lourdes va bientôt nourrir ces liens au milieu de notre peuple dans la joie qui s’annonce de nombreuses confirmations d’adultes à la Pentecôte et des ordinations prochaines. Alléluia.

+ fr Robert Le Gall
archevêque de Toulouse

Article paru dans le numéro de mai 2013 du journal diocésain « Foi et Vie »