Homélie d'ordination sacerdotale

Dimanche 24 juin 2018

Homélie d’ordination sacerdotale

ORDINATION SACERDOTALE
DE PASCAL DESBOIS, JOSSELIN PRÉVOST ET SIMONÉ SIONÉ
EN LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE DE TOULOUSE
EN LA SOLENNITÉ DE LA NAISSANCE
DE SAINT JEAN BAPTISTE
LE DIMANCHE 24 JUIN 2018


La première page de l’Évangile selon saint Luc est l’annonce à Zacharie par l’ange Gabriel de la naissance de Jean Baptiste ; nous l’entendions hier soir à la messe de la Vigile, quand j’avais la joie d’ordonner prêtres quatre frères dominicains à Notre-Dame du Rosaire. « Tu seras dans la joie et l’allégresse, déclare Gabriel, et beaucoup se réjouiront de sa naissance » (1, 14).

Une naissance est toujours un événement joyeux, un baptême aussi. Une société qui n’a plus ou ne veut plus d’enfants est en voie de disparition. Les promesses de l’avenir sont liées à nos familles et à leur fécondité, selon le commandement du Seigneur dès les premières pages de la Bible. Depuis le début de l’année, des États généraux de la bioéthique ont mobilisé nos réflexions et nos propositions ; notre Conférence épiscopale a su répondre à ces questionnements et nous avons pris des initiatives dans notre diocèse pour le présent et pour l’avenir. Quel monde voulons-nous pour demain ? Telle était la question de départ. Comment respecter toujours plus l’humain, la personne humaine, la vie humaine ? Non dans un transhumanisme dangereux fait pour des privilégiés, mais dans une attention constante aux petits, « à ces plus petits de mes frères  », comme l’a dit Jésus (Mt 25, 40).

L’épisode de la rencontre de Marie et d’Élisabeth, toutes les deux enceintes – qui est le « mystère de la Visitation de nos chapelets – illustre la vitalité des enfants dans le sein de leur mère, leur réactivité, comme le savent les mamans, ce qui nous invite à dire un non déterminé à l’avortement, à la gestation pour autrui, à toute forme de trafic du corps humain, notamment celui de la femme.

« Tu seras dans la joie et l’allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance. » Acceptons généreusement ces germinations lentes, parfois douloureuses, qui préludent à la vie, pour nous réjouir des naissances qui viennent. Notre liturgie célèbre trois naissances : celle de Jean le 24 juin – ce jour – au moment où le soleil est au plus haut de sa course, celle de la Vierge Marie le 8 septembre, comme « aurore du salut », à l’automne, tandis que la naissance de Jésus, le 25 décembre, coïncide avec le solstice d’hiver, au moment où le soleil est au plus bas, pour croître et vaincre les ténèbres.

La gestation d’un prêtre dans le sein de notre Mère l’Église est plus longue que celle d’un enfant dans le sein de sa mère : elle demande non pas des mois, mais des années. Je remercie toutes les personnes, ici présentes ou non, pour la part qu’elles ont prise à l’éclosion et à la maturation de votre vocation : vos familles, vos amis, vos formateurs et accompagnateurs au séminaire. À cette longue route s’applique aussi la parole de Jésus dans ses discours d’adieu : « La femme qui enfante est dans la peine, parce que son heure est arrivée. Mais quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde » (Jn 16, 21). « L’heure est venue », cher Josselin, cher Simoné, cher Pascal, de votre naissance sacerdotale, qui vous liera de façon particulière au mystère pascal, où la souffrance et la mort conduisent à la vie, à la vie en plénitude. Vous allez en devenir les ministres privilégiés pour les communautés qui vous seront confiées, pour toutes les personnes, dans la variété unique du ministère diocésain, que vous accueillerez, que vous accompagnerez et que vous irez rencontrer.

L’un de vous m’explique en termes touchants ce que ces rencontres, qui ne sont pas à sens unique, peuvent apporter :

« Je comprends que le Seigneur reste le Maître bienveillant de mon chemin personnel : il faut se laisser conduire pour conduire les autres, qui nous conduisent aussi. Les relations avec les paroissiens me guident dans mon ministère ; elles sont déterminantes quant à mon équilibre humain, car je comprends mieux à travers ce que les personnes me disent et les situations vécues ce que je dois être et faire ».

À propos de l’Eucharistie, je lis dans une de vos lettres :

«  Il s’agit là du mystère de la rencontre dans l’intime avec le Seigneur et de la communion avec les autres formant ainsi la famille chrétienne qui fait l’Église. »

Vous savez aussi « rendre grâce à Dieu qui donne le nécessaire en temps voulu  ». Vous me dites surtout combien votre ministère de diacre vous a transformés et vous a fait entrer dans une joie de fond, au-delà de difficultés inévitables, qui font partie de notre configuration au Christ :

«  Mes activités pastorales et sacramentelles m’ont apporté beaucoup d’émotions et m’ont enrichi spirituellement. Je suis dans la joie d’exercer mon rôle de diacre. Je vis des expériences extraordinaires, comme celle de pouvoir constater les fruits de charité  ».

La Parole de Dieu vous guide tous les jours et vous inspire :

« S’il n’est pas toujours facile d’enfanter une prédication ou une homélie, pour faire advenir une parole qui surgit tout à la fois de la Parole divine, de mon cœur et de la vie des personnes, c’est une joie profonde d’annoncer l’amour miséricordieux du Père, d’être un chantre de la Croix du Christ, Croix qui est notre salut et notre gloire ».

« Tu seras dans la joie et l’allégresse », assure Gabriel à Zacharie. Vous serez, chers Pascal, Josselin et Simoné, dans la joie et l’allégresse, je vous le promets, si vous restez dans les sentiments de simplicité et d’humilité que vous m’exprimez. Avez-vous remarqué la demande faite dans l’oraison de cette solennité ? « Accorde à ton Église le don de la joie spirituelle.  » Mon maître des novices nous disait souvent que Jean Baptiste est le patron des joies spirituelles, puisque dès le sein de sa mère, il a tressailli d’allégresse à l’approche de Celui dont il serait le Précurseur.

Après La joie de l’Évangile, après L’allégresse de l’amour pour nos familles, le pape François vient de nous donner La joie et l’allégresse, en citant la dernière note de la gamme des Béatitudes : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux  » (Mt 5, 11- 12). Si vous gardez une âme de pauvre, une douceur venue du Cœur du Christ, une faim et une soif de la justice due aux personnes, une miséricorde puisée elle aussi aux Cœurs de Jésus et de Marie, vous recevrez une pureté qui vous fera refléter le Visage du Christ, vous serez de vrais artisans de paix et d’unité. Alors, votre joie, nul ne pourra vous l’enlever (Jn 16, 22).

Amen.