Homélie de Mgr Le Gall du dimanche de Pâques 2016

Pâques 2016

Homélie de Mgr Le Gall du dimanche de Pâques 2016

DIMANCHE DE PÂQUES
CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE DE TOULOUSE
LE 27 MARS 2012

 

« De grand matin, Marie Madeleine se rend au tombeau, écrit saint Jean : c’était encore les ténèbres » (20, 1). Après la crucifixion de Jésus, vers midi, d’après saint Luc, « l’obscurité se fit sur la terre jusqu’à la neuvième heure – c’est-à-dire, trois heures de l’après-midi – car le soleil s’était caché » (23, 44-45). Jean note au moment où Judas quitte la cène pour trahir Jésus : « Il faisait nuit » (13, 31). Dès son arrestation, Jésus avait déclaré : « C’est maintenant votre heure et le pouvoir des ténèbres » (22, 53). Après sa mort et sa déposition au tombeau, Jésus est descendu dans la nuit de la mort ; il est même allé jusqu’aux enfers, comme nous le proclamons dans le Credo  ; d’après saint Pierre, « il est parti proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité » (1 P 3, 19). Les icônes orientales montrent comment Jésus fait sauter les verrous du royaume d’en-bas.

Nous expérimentons tragiquement ce « pouvoir des ténèbres » au fil des épisodes sanglants de la guerre perlée que nous imposent les terroristes de l’Islam radical. Chaque matin, lors du chant du Benedictus à Laudes, j’y pense en reprenant ce verset qui amorce la conclusion du cantique : « Pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix » (Lc 1, 79). Dimanche dernier, nous avions parmi nous dans cette cathédrale du Protomartyr Étienne, la chorale syrienne Cœur-Joie, avec ses 120 jeunes ; ils sont repartis hier à Damas, et leur église paroissiale est à un kilomètre du front de Daech : ils vivent vraiment, comme beaucoup de nos frères chrétiens, dans « l’ombre de la mort » : « ils habitent les ténèbres », mais leurs sourires et leur joie nous ont impressionnés, ce qui démontre que Rien que l’amour ne tient et nous fait tenir. Nous prions pour ces jeunes filles et ceux qui les accompagnaient. Comme le pape François nous le demande, nous supplions le Seigneur de faire sortir les suppôts du « Prince de ce monde » (Jn 14, 30) de l’aveuglement de leur fanatisme qui n’a rien à voir avec la religion. Je lisais tout récemment dans une revue ce dicton persan : « Toutes les ténèbres du monde ne peuvent rien contre la lueur d’une petite bougie ». Notre procession de la Vigile pascale a montré cette nuit la puissance d’une lumière propagée de proche en proche.

Le matin de Pâques, les saintes femmes passent de l’obscurité à la lumière, de la tristesse de la mort à l’annonce de la vie, du Vivant, du Ressuscité d’entre les morts. Cette nuit, l’Évangile nous rapportait leur rencontre avec deux hommes aux vêtements éblouissants. Elles n’ont pas encore vu Jésus, mais ces anges sont revêtus de sa lumière divine, qui n’apparaît pas dans toute sa force. La tradition de l’Église, tant en Orient qu’en Occident parle du baptême comme d’une « illumination ». Au terme des rites, hier soir, j’ai remis aux nouveaux baptisés une chandelle allumée au cierge pascal en leur disant : « Vous êtes devenus lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière », ce qui fait référence aux enseignements de saint Paul. L’oraison de ce jour de Pâques au début de la messe demande : « Que ton Esprit fasse de nous des hommes nouveaux, pour que nous ressuscitions avec le Christ dans la lumière de la vie. »

L’obscurité n’existe pas que chez les autres ou chez nos ennemis ; elle est en nous, car nous sommes complices des ténèbres, y compris dans l’Église qui, elle aussi, doit sans cesse demander pardon à Dieu et aux autres : nous le faisons face aux victimes qui ont été abusées par des prêtres, tout en rendant grâce à Dieu pour les prêtres dans leur ensemble, si généreux dans leur ministère. Laissons la lumière gagner nos cœurs pour la diffuser : je redis souvent une prière que Maman m’avait apprise : « Remplis-moi ce matin, Seigneur, de ta lumière, pour qu’au long de ce jour je te révèle. » Voilà comment nous sommes disciples, disciples missionnaires, comme baptisés, confirmés, fidèles, à la suite de Marie-Madeleine, « l’Apôtre des Apôtres ». Amen, Alleluia.

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse