Lundi Saint 26 mars 2018
MESSE CHRISMALE
LUNDI SAINT
26 MARS 2018
La messe chrismale qui nous rassemble, frères et sœurs de notre Église qui est à Toulouse et en Haute-Garonne, va bénir ou consacrer les saintes huiles que les sacrements utilisent. Christ, saint-chrême, chrismal et chrismation ont la même racine, qui est relative à une onction d’huile ; le Christ est l’Oint, celui qui a reçu l’onction, par excellence. C’est lui, annoncé par le Serviteur du Seigneur en Isaïe, qui parle dès le début de la première lecture de cette célébration : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1).
Hier, l’évangile de la Passion selon saint Marc commençait par l’onction de Béthanie, initiative d’une femme, que salue Jésus d’une façon étonnante : « Il est beau le geste qu’elle a fait envers moi. Amen je vous le dis : partout où l’Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mc 14, 6.9). Elle a répandu le flacon d’albâtre d’un parfum très pur sur la tête de Jésus. Ainsi, par les divers sacrements, la grâce « capitale » de Jésus – celle qui vient de sa « tête » (caput en latin) – parvient de proche en proche à chacun des membres de son Corps que nous sommes, l’Église qui est à Toulouse.
La générosité aimante de ce geste se répandra comme une bonne odeur partout dans le monde, dit Jésus, à mesure que se diffuse La joie de l’Évangile. La Bonne Nouvelle suscite de tels actes, qualifiés de « beaux » (kalon ergon) par Jésus lui-même. Ces jours-ci, l’héroïsme du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, est salué par toute la France : il s’est substitué à une otage détenue par le djihadiste de Trèbes, tout près de chez nous, dans l’Aude à quelques kilomètres de Carcassonne. On apprend que l’officier fréquentait depuis deux ans l’abbaye de Lagrasse et aussi celle de Timadeuc en Bretagne ; il allait se marier dans l’été près de Vannes. Mgr Alain Planet, Évêque de Carcassonne, a célébré une messe hier dimanche pour les victimes de cet attentat meurtrier. L’acte héroïque de ce gendarme nous rappelle comment saint Maximilien Kolbe s’est offert pour remplacer un père de famille dans le bunker de la faim à Auschwitz. Jésus ajoute : « D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement » (v. 8). Cette femme, Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare était sans doute parmi les « myrrhophores » du matin de Pâques, venues embaumer le corps de Jésus au lendemain du sabbat. Nous pouvons croire que le héros de Trèbes a rejoint le Ressuscité ; nous allons célébrer toute cette Semaine sainte sa Passion, sa mort, son ensevelissement, pour confesser sa Résurrection.
Pécheurs pardonnés, il nous faut trouver les gestes de reconnaissance envers notre Sauveur très blessé, comme ceux que nous posons le Vendredi saint lors de la vénération de la Croix. Nous avons tous, « prêtres du Seigneur » ou « servants de notre Dieu », selon les appellations du prophète Isaïe que nous venons d’entendre, à suivre l’invitation de Paul aux Corinthiens : « Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ parmi ceux qui accueillent le salut » (2 Co 2, 15).
Forts des onctions qui nous font chrétiens, d’autres Christs, il nous faut ouvrir l’oreille chaque matin, comme les disciples, pour reprendre des paroles d’Isaïe entendues hier (50, 4) ; disciples du Christ et de sa Parole chaque jour, nous sommes aussi, là où nous sommes, chargés de transmettre le message reçu, perçu, goûté. Dans la première lecture, le Serviteur du Seigneur comprend bien sa mission : « Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles » (61, 2). Dans l’évangile de cette messe chrismale, Jésus reprend la même formule : « Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18). Dans les deux contextes, il s’agit d’une vraie libération, d’une véritable réhabilitation. Les humbles et les pauvres sont souvent des humiliés. Quand Marie chante dans son Magnificat : « Il élève les humbles », il s’agit des humiliés. Ayons à cœur de ne jamais humilier personne. « Presque tous, écrit saint Jean Climaque, nous nous disons pécheurs, et peut-être le pensons-nous sincèrement. C’est l’humiliation qui met le cœur à l’épreuve ». Nous l’entendions dans la Passion de Marc hier : Jésus est moqué, giflé, flagellé, profondément humilié. Il est vraiment doux et humble de cœur, selon ses propres paroles.
Voici dix ans, ma première Lettre pastorale s’intitulait Annoncer ensemble la Bonne Nouvelle aux pauvres. Nous sommes dans la même perspective d’évangélisation ; aux paroles d’Isaïe et de Jésus, j’ai seulement ajouté « ensemble », parce que l’on n’est fort qu’ensemble ; on n’est uni que si chacun de nous est humble en vérité. J’aimerais que nous méditions ensemble au cours de cette grande Semaine la prière de Jésus avant sa Passion : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé ! » (Jn17, 21). Nous ne pouvons être ni disciples ni missionnaires si nous ne sommes pas unis, réunis. À Lourdes la semaine dernière, nous avons voté pour demander à Rome d’attribuer à saint Irénée, évêque de Lyon – le « Pacifique » selon le sens de son nom en grec – le titre de Docteur de l’unité, comme l’est à sa façon saint Cyprien de Carthage. Nous nous recommandons à leur intercession pour la vérité et la ferveur de notre témoignage commun – « comme un » – de la vie que nous donne le Messie humilié, vainqueur de toute mort. Amen.