Homélie des obsèques de Mgr Mario Chioetto

16 Décembre 2015 en la cathédrale Saint- Étienne

Homélie des obsèques de Mgr Mario Chioetto

Notre frère, Monseigneur Mario Chioetto, s’est éteint doucement, après bien des soucis de santé, remontant à une transplantation du foie, qui avait eu lieu peu de temps avant mon arrivée à Toulouse en 2006. Depuis trois ans, en particulier, après une chute à Saint-Augustin, il n’arrivait pas à retrouver sa forme ; il savait, nous savions que sa vie ne tenait qu’à un fil ténu ; nous en parlions auprès de lui voici dix jours, avec Brigitte, et il gardait son doux sourire délicat. Il est allé vers « le Seigneur qui vient », dimanche soir, juste après la belle ouverture de la Porte sainte de cette cathédrale, près de laquelle il a longuement vécu au presbytère, avant de venir à l’Archevêché. Notre prière le rejoint dans sa rencontre avec le Père miséricordieux : il a vécu sa « Pâque », alors que nous venions de passer le seuil de l’Année sainte.

Avec le Père Hervé Gaignard, nous étions passés le voir à Rangueil un soir : il nous avait accueillis avec son sourire bienveillant. En le quittant, il m’avait assuré de sa prière pour le diocèse, « notre beau diocèse », et pour moi-même. On percevait que ce n’était pas une formule. Une autre fois, avec un ami, à la Cadène – où je devais célébrer la messe à cette heure-même aujourd’hui et le revoir – je le présentais comme l’ancien Vicaire général : « Un Vicaire général couché ! » a-t-il répliqué finement.

Nous avons perdu un grand serviteur de notre Église de Toulouse, qu’il connaissait fort bien et qu’il aimait. Il a été proche de trois Archevêques, comme Vicaire général. Nous savons l’influence discrète qu’il savait exercer sur beaucoup.

« Cher Monseigneur, m’écrit Monseigneur Marcus, je vous remercie de m’avoir informé vous-même du décès de Monseigneur Mario Chioetto. Je partage intensément la peine du Diocèse et je serai très fort uni à vous et à toute l’assemblée qui va célébrer l’adieu, à la cathédrale Saint Etienne. Il a été mon vicaire général durant tout mon épiscopat toulousain. Un apôtre, vraiment. Et au cœur des réalités les plus intimes du Diocèse, et “aux périphéries” d’où il supportait mal d’avoir à s’écarter. Un compagnon discret et d’une délicatesse extrême. Et puis, je peux bien vous le confier, un ami. Que de fois nous avons repris en tête-à-tête ce qui nous tenait à cœur pour la vie du Diocèse ! Que de fois aussi nous avons refait l’Église et le monde, le temps d’une promenade dans les allées des trois parcs du Grand Rond ! Que le Seigneur le prenne tout près de Lui ! Il a tant souffert... »

« J’ai beaucoup apprécié ses conseils et sa grande connaissance du diocèse à mon arrivée à Toulouse » (Mgr Hervé Gaschignard).

« Je garde de lui le souvenir d’un serviteur de l’Église, qui aimait passionnément son diocèse et a fait beaucoup, discrètement » (Sœur Hélène Caumeil, Cénacle, Lyon).

Notre diocèse de Toulouse se retrouve un peu orphelin sans celui qui l’a généreusement et discrètement servi pendant près de 15 ans comme Vicaire général. Homme pudique, d’une grande écoute et de dialogue, il est doté d’une grande bienveillance et savait inspirer une confiance qui n’était jamais trompée. Il avait mis son intelligence au service de son diocèse et au service de ses frères et soeurs. Son souci de tous l’avait incité à redéfinir la place des laïcs, dans l’esprit du Concile Vatican II, où il avait accompagné Mgr Collini comme expert, avec le plus que lui donnait la pratique de la langue italienne. Prenant acte des évolutions de la société, il a relancé et accompagné le Service du catéchuménat. Cette expérience alliée à ses responsabilités à l’ACI (Action Catholique Indépendante) et à la JIC au plan international, au CCFD pendant dix ans, l’a certainement aidé lors de son dernier ministère auprès des séminaristes, où il retrouvait une mission exercée pendant près de dix ans au séminaire Pie XI. Certains se souviennent encore de ses formations aux Équipes d’Animation Pastorale, en lien avec celles qu’il donnait à l’IERP de l’Institut Catholique, où son sens de l’Église, son intelligence aiguisée et son sens de l’humour trouvaient leurs pleines dimensions Le père Mario était un prêtre heureux, dévoué, traversant inlassablement le diocèse pour le connaître et le servir au mieux. Homme de grande constance, il a affronté toutes ses épreuves dans le calme et la foi, donné et abandonné à son Seigneur.
Oui, nous offrons au Seigneur un bon serviteur, un homme avec qui il faisait bon réfléchir, échanger, travailler, dans l’amitié, la franchise et le respect. Homme d’Église, ouvert avant l’heure à ce que le pape François appelle les « périphéries », malgré sa réserve spontanée, il allait au-devant des gens et fréquentait tous les milieux. C’est dans ce contexte qu’il s’est montré actif lors du Synode diocésain des années 1991-1993, aux côtés des pères Marcel Baurier et Michel Cathala, ses amis du centre-ville.

Il m’avait encouragé, quand nous allions commencer une démarche diocésaine en septembre 2008 et au moment où il allait rejoindre le séminaire Saint-Cyprien, à publier une lettre pastorale pour Annoncer ensemble la Bonne Nouvelle aux pauvres. S’y trouvait soulignée l’importance de la complémentarité, selon les enseignements de Lumen gentium, entre laïcs, ministres ordonnés et membres de la vie consacrée, ce à quoi nous continuons de travailler.

L’évangile que nous venons d’entendre est aussi un enseignement, une sorte de testament qu’il nous laisse. On m’a dit, en effet, qu’il revenait souvent sur ce passage de saint Matthieu, inscrite sur l’image memento que nous avons imprimée : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger  » (11, 29-30). Ces mots de Jésus le décrivent bien lui-même. Il se trouve qu’ils donnent la perspective de notre nouvelle année pastorale depuis septembre, dans la lettre Tous en mission de disciples. « Doux et humble de cœur », le Père Mario le fut à l’école de son Maître, pour porter son joug, sa croix, en rayonnant de sa paix. Il nous a montré aussi comment vivre la dernière parole de Jésus en Matthieu : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les, apprenez-leur » (28, 19-20). Préparer aux sacrements, catéchiser, former : cela reste notre tâche. Oui, le Père Mario nous parle encore à l’intelligence et au cœur ; il nous accompagne. Merci au Seigneur et à lui ! Qu’il entre dans la plénitude de son repos !

+ fr. Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse