Le temps des gourmets

"Dossier Carême : Faire de la place à Dieu"

Le temps des gourmets

Dès qu’on entend le mot « jeûne », on pense « privation ». Et, du coup, dans notre société de confort, de consommation et de la loi du moindre effort, ce mot et cette pratique n’ont pas bonne presse. Tandis que si l’on parle de « régime » pour perdre du poids, avant les vacances d’été à la plage (!), cela apparaît beaucoup plus positif...

Si l’on ne veut pas provoquer une crispation pavlovienne sur le jeûne, il faut revenir à des notions fondamentales anthropologiques connues de tous comme « faim », « manger/boire », « appétit », « gourmandise », « anorexie/obésité », etc.

Pourquoi mangeons-nous ? Parce que nous en avons besoin pour vivre et survivre. Mais aussi par plaisir. Lorsque quelqu’un est malade, il n’a plus faim, il perd l’appétit. Pour le lui redonner, on cherchera à lui cuisiner les bons petits plats qu’il aime. Si cela est vrai pour la vie physique, cela est encore plus vrai pour la vie de notre âme, pour la dimension spirituelle (au sens large) de notre être.

Le carême nous invite à nous interroger en profondeur sur notre manière de nous nourrir et donc sur la qualité de nos appétits. Cela commence tout d’abord par l’alimentation. Le jeûne physique nous permet d’apprendre à maîtriser nos avidités, à manger moins afin de manger mieux. Par exemple, en (re)prenant l’habitude du benedicite signifiant par là que c’est Dieu qui nous donne le « pain quotidien » et pas seulement notre salaire ; en mettant de côté l’équivalent du prix d’un repas pour faire une aumône à plus pauvre que nous (les enfants comprennent souvent cela très bien et cela donne sens à la « privation » temporaire) ; en mangeant moins parce que nous reprenons conscience que nous n’en avons pas vraiment besoin.

Après les nourritures du corps, il faut passer aux nourritures de l’esprit. Le carême est une bonne occasion pour chacun de lutter contre le « prêt-à-penser » de magazines d’opinion ou de sites internet, vites lus et mal digérés. Et si nous lisions des nourritures plus consistantes, en commençant par la Parole de Dieu ? Une simple question : avons-nous déjà lu un des quatre évangiles en entier, du premier au dernier chapitre, en prenant le temps d’écouter ce que Dieu et son Fils Jésus sous l’inspiration de l’Esprit ont à nous dire ? Le carême est le temps idéal non pas pour y penser, mais pour le faire. D’autres moyens sont à notre portée : écrits de saints reconnus, retraites présentielles ou en ligne, etc.

En définitive, le jeûne consiste à remettre de l’ordre dans nos appétits désordonnés, à avoir faim, à passer de goinfre à gourmet : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon ! »

Frère Jean Emmanuel, ocd
Pour le journal diocésain Foi & Vie 13
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