Homélie de la saint Louis à Lourdes pour la rentrée diocésaine

Homélie de la saint Louis à Lourdes pour la rentrée diocésaine

PÈLERINAGE DIOCÉSAIN À LOURDES
HOMÉLIE DE LA MESSE À SAINT-PIE X
LE MARDI 25 AOÛT 2015

Pendant ces mois d’été, frères et sœurs, nous avons pu admirer la création dans notre cadre habituel ou dans d’autres régions ou pays. Notre louange en a été nourrie, en joignant au repos le respect et même la retraite spirituelle. La récente Encyclique de notre pape François Laudato Si’ sur la sauvegarde de la maison commune a pu nourrir notre réflexion. Elle commence par citer le Cantique des créatures de saint François : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe » (n. 1).

Ce n’est pas une invitation à cultiver telle ou telle forme d’exaltation romantique, ou à se livrer à la poésie, encore que toute l’Écriture sainte s’exprime très souvent dans ce registre, si nous pensons aux Psaumes, aux prophètes ou à Jésus lui-même dans sa parole, dans l’observation de la nature dont témoignent ses paraboles. Il est frappant de constater combien le Pape revient sur la beauté, autant dans sa dernière Encyclique que dans La joie de l’Évangile, ce qui est une question de regard et de cœur.

Nous chantons et devons chanter la création, mais à condition d’écouter aussi «  tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (n. 49). «  La dégradation de l’environnement, écrit le pape, comme la dégradation humaine ou éthique, sont intimement liées » (n. 56). On peut s’apitoyer sur les animaux en restant indifférent au sort de nos semblables défavorisés.

Saint Louis que nous fêtons aujourd’hui a été dans notre pays, au sommet de l’État, un exemple de cette attention aux pauvres, aux autres simplement. Il se mettait à leur service, pratiquant les recommandations du prophète Isaïe que nous venons d’entendre : accueillir chez nous les pauvres sans abri, couvrir celui qui est sans vêtements, ne pas nous dérober à nos semblables. Le Psaume 111 – un chiffre facile à retenir – continuait en chantant : « À pleines mains, il donne au pauvre  », ce qui me rappelle le blason de Mgr de Piancourt, un de mes prédécesseurs à Mende, qui a été très aimé : il comportait trois mains, parce que, commentait-on, il n’avait pas assez de deux mains pour faire le bien.

À nous de continuer dans ce sens avec l’élan de Diaconia 2013 ici à Lourdes. Nos communautés commencent à donner leur place aux pauvres de toute sorte, non seulement comme objets de notre sollicitude, mais comme des sujets comme nous du Royaume à venir, déjà instauré ici-bas, comme acteurs avec nous dans la mission de disciples. Ils ont une parole, une présence qui nous enrichit. Hier à Pamiers, nous avions la prérentrée des directeurs des établissements de l’Enseignement catholique. A été marqué le 10e anniversaire de la loi sur le handicap : le mot vient de l’anglais hand in cap, « la main dans le chapeau », car pour compenser des inégalités dans le troc, on devait ajouter dans un chapeau une somme d’argent convenable. La réalité comme le mot de « handicap » nous invite dont à rechercher toujours à donner le plus de capacité aux personnes qui ont moins de moyens. On se demande parfois de quel côté penche la balance.

Dans l’après-midi, nous avons entendu à Pamiers le directeur de l’Office Chrétien des Personnes Handicapées (OCH), Monsieur Philippe de la Chapelle et il nous a marqués. On veut partout, nous disait-il, du O défaut, et surtout pour des enfants, quitte à éliminer tous les porteurs de défauts. Or, le O défaut n’existe pas, n’est pas possible rigoureusement, et heureusement. Nous avons tous nos fragilités. Jésus a toujours été entouré de personnes fragiles. Les personnes handicapées n’ont pas de simulation ; leurs sentiments sont bruts le plus souvent ; elles ne sont pas hypocrites, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent cacher, « mettre en dessous » ce qu’elles éprouvent, contrairement à nous. Elles sont vraies, entières, directes et nous amènent à cette simplification, à cette vérité dans les relations. Nous en faisons l’expérience, par exemple, quand nous allons à l’Arche en pays toulousain, à Blagnac ; les personnes qui ont un handicap mental ou moteur sont des réservoirs ou des bombes d’amour vrai, de joie aussi. Les jeunes hospitaliers que je rencontrais hier soir avec le Père Guillaume Loze vivent ce contact de vérité qui vous ramène à l’essentiel : les malades, les personnes âgées ont une présence forte, qu’on ne peut éviter, et nous ouvrent à la présence de Celui qui a commencé sa prédication par cette parole forte, étrange et claire : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3).

Nous sommes fragiles, insuffisants à nous-même. Il est terrible de se dire ou de se montrer « suffisant », sans besoin des autres. Le suffisant sait tout et n’a besoin de personne. L’attitude à laquelle nous invite Jésus dans l’Évangile est celle de celui qui a une âme de pauvre ; le pape François comme Jésus nous veut « disciples ». Le disciple a besoin d’apprendre, il aime recevoir, parce qu’il a conscience de ne pas savoir, de ne pas pouvoir. Jésus nous dit ces mots de réconfort, que je voudrais mettre au cœur de notre nouvelle Année pastorale : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos pour votre âme » (Mt 11, 29).

Près du Maître aimé, imprégnés de sa parole, nous trouvons le repos et nous recevons la capacité de transmettre ce repos, pour entrer dans celui que Dieu a voulu au dernier jour de la création. Ayons la volonté et le désir de conduire les autres au repos, à la paix de l’âme. Pour cela, faisons comme saint Louis, qui a pratiqué ce que chante le Psaume 111 : « L’homme de bien a pitié, il partage » (5). Continuons à voir le bien, à dire du bien, à faire du bien : c’est une œuvre de miséricorde que d’avoir pitié ; la miséricorde, c’est en effet le cœur qui se penche sur la misère. Rejetons toute dureté, devenons des disciples de Jésus doux et humble de cœur ; il faut de la force pour être et rester doux et paisible en toute circonstance. Devenons chacun le disciple bien-aimé comme saint Jean auprès de Marie, qui retenait tous les événements qui concernaient son Fils et les méditait dans son cœur. Ici à Lourdes, nous sommes tous disciples de Marie, l’Immaculée, parfaite disciple de son Fils.