Pourquoi as-tu accepté d’héberger une jeune maman avec son bébé ...

Interview-témoignage



D.

Pourquoi as-tu accepté d’héberger une jeune maman avec son bébé, pour un délai indéterminé (un, deux mois,- pensions-nous-, et cela a duré 6 mois !) ?

O.

Il m’est impossible de laisser une maman et son bébé à la rue, alors que j’ai une chambre chez moi. Je l’ai fait en conscience et dans ma foi. « Ce que tu fais à l’un de ces petits, c’est à moi que tu le fais (Matthieu 25). Accepter cette dame et son bébé, c’est à Jésus que je le fais… ou à Marie ! J’ai découvert Marie, femme et mère, après le décès de mon fils. Tout ce qui se rapporte à la maternité, me fait penser à Marie, à ses problèmes, à sa joie d’être mère, à tout ce qu’elle a supporté.

D.

Mais tu ne la connaissais pas ?

O.

J’ai reçu des jeunes à la maison, même sans les connaître : j’ai reçu 15 étudiants en 35 ans !
Je fais confiance, sans problème. J’ouvre ma maison sans peur d’être volée, ni quoi que ce soit.

D.

As-tu regretté ? As-tu eu des difficultés ?


O.

Non. On s’est bien entendues. Elle faisait du ménage, m’empêchait de faire les choses trop dures. On a vécu en bonne intelligence. Un petit souci : l’électricité, la facture en fin de trimestre.
(C. dormait avec une veilleuse allumée au cas où se réveillerait le bébé et, peut-être aussi, pour se rassurer elle-même !) mais ce que j’ai reçu, chaque mois, a compensé. Ma facture a été augmentée, mais maintenant que je dépense moins, le surplus me sera remboursé. Jamais de dispute. Elle a toujours accepté les remarques que je lui faisais, les conseils que je lui donnais, même si elle n’en tenait pas toujours compte… Dans sa culture (C. est africaine), on respecte les personnes âgées. Elle se serait peut-être accrochée avec une personne plus jeune, car elle a du caractère ! Elle avait la clé, et moi je continuais à vivre comme avant. Elle était chez elle.
Tous ceux que j’ai reçus, je voulais qu’ils soient chez eux.

D.

Qu’as-tu reçu de cette rencontre, de l’accueil des différences ?

O.

Nous avons partagé sur beaucoup de sujets : nos familles respectives = ses parents décédés, sa sœur qui l’a prise en charge, qui l’appelait régulièrement et lui disait : « Sois gentille et respecte cette mamie », mes petits-enfants…
A la TV, je la laissais regarder les matches de foot, que je regardais peu… afin qu’elle ait aussi sa part de plaisir selon son goût. Je voulais qu’elle se sente « chez elle chez moi ».
Depuis toujours, j’essaie de me mettre à la portée des autres, de comprendre ce qu’ils ressentent et d’agir en conséquence, pour aller dans le sens de leurs attentes. Pas de « permissions », chez moi !
Elle faisait la cuisine de chez elle et elle voulait que j’y fasse honneur (même si elle-même en mangeait peu). La parole était très libre, on rigolait beaucoup. « Oh Mamie, c’est pas bien ce que tu dis ! »
La petite ne m’a jamais gênée. Elle ne la laissait pas pleurer. J’aime beaucoup les enfants… Un « courant » est passé entre elle et moi. Elle exprimait sa joie de me voir dès le matin.

D.

Tu dis avoir agi au nom de ta foi : comment les portais-tu dans ta prière ?

O.

Elle est engloutie avec toutes les personnes pour qui je prie. Le soir, je remercie Dieu d’avoir eu une bonne journée. Avec elle, c’était formidable : on écoutait une K7 avec des chants religieux de chez elle : c’était notre prière réciproque. On n’a jamais dit « Je vous salue Marie.. ; » C’était une communication de toutes les deux avec Dieu. On chantait tous les jours : « Je suis dans la joie, une joie profonde, je suis dans l’émotion car Yahwé m’a libérée. »


D.

As-tu été critiquée pour ton geste ?


O.

On m’a demandé : « Tu n’as pas peur ? On ne sait jamais… ! » J’ai répondu : « Peur de quoi ? Le Christ a-t-il laissé des gens dans la peine ? » « On n’est plus chez soi ? » J’ai répondu : « On n’est plus chez soi mais on partage son chez soi ».
J’ai un tempérament qui fait que rien ne me gêne et je ne suis gênée par personne. »
C. avait un horaire décalé du mien… Pourquoi lui imposer mon rythme ? Elle allaitait… pourquoi la contrarier ? Je ne dis jamais : « Tu as tort », mais : « Tu as raison, mais moi, je ne le vois pas comme toi. Je te respecte, tu me respectes ». A la maison, j’ai été d’une grande tolérance avec mes enfants


L’entretien s’est arrêté là, interrompu par une visite. Je suis repartie dans l’action de grâce pour cette vie si simple, sous le regard de Dieu, sans repli sur soi. Dieu fait vraiment des merveilles à travers nos « pauvres vies ».



La richesse, ne serait-ce pas de déchiffrer sa Présence, au jour le jour ?


Je pense qu’un chemin peut se poursuivre
dans une plus grande conscience de cet extraordinaire don reçu
d’accueil et de disponibilité à l’autre
.




PASTORALE DES MIGRANTS