Psaume 121

 

Méditation de Monseigneur LE GALL

"Vers Jérusalem, en pèlerins de la paix et de l’unité  "

 

Précisément, le psaume qui suit chante la Cité sainte. Nous avons là un joyau, comme la description faite de la Jérusalem nouvelle dans l’Apocalypse est un étincellement de pierres précieuses (chap. 22). D’après la lettre aux Hébreux, c’est bien vers cette ville qu’Abraham et les patriarches se sont mis en route : « Ils attendaient la ville qui aurait de vraies fondations, la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte » (11, 10). Nous marchons tous vers cette Cité sainte, à travers nos pèlerinages d’ici-bas, tout en construisant les villes et les sanctuaires dont nous avons besoin pour nos étapes.

Les pèlerins qui vont à Saint-Jacques de Compostelle aujourd’hui et qui consacrent, pour cela, environ deux mois de leur existence, peuvent nous faire comprendre la joie que chante ce psaume. À l’approche de Santiago, comme à celle de Jérusalem par les croisés naguère, la ferveur des pèlerins, fourbus par des semaines de marche souvent harassante, retrouve son élan et ils contemplent la ville depuis quelque « Mont-joie ». Ainsi en allait-il des Juifs qui arrivaient à Jérusalem, ce qu’a vécu Jésus avec ses parents, puis avec ses disciples. Les voilà, non pas au pied du mur, mais au bas des marches, sans doute nombreuses, qui menaient au Temple. D’où le titre de cette collection de cantiques, appelés Psaumes des montées.

Le premier mot est un cri d’exultation : « Quelle joie quand on m’a dit : Nous irons à la maison du Seigneur ! ». Cette joie était celle du départ : « Nous irons ». Nous assistons à celle de l’arrivée : « Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! ». Face aux remparts de la ville, le pèlerin est saisi d’admiration : « Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu’un ! ». Nous nous souvenons que Jésus relativise l’enthousiasme de ses Apôtres devant la ville en leur disant : «  Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? Amen, je vous le dis : il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit » (Mt 24, 2). La petite ville de Larressingle dans le Gers ou la ville de Carcassonne dans l’Aude donnent une idée de ces cités anciennes encloses, comme encore celle d’Avila en Espagne, celles de Saint-Malo ou de Concarneau en Bretagne.

« Tout ensemble fait corps » : « compactée dans un tout » dit la Vulgate à propos de la Cité sainte. La « vision de paix » qu’est Jérusalem montre une diversité parfois disparate des maisons, même si des quartiers sont repérables, mais ce qui saute aux yeux, avant de monter au cœur, c’est l’unité et l’harmonie de cet ensemble, qui paraît hétéroclite dans le dédale concret de ses ruelles. Les remparts accentuent cette impression d’unité, à condition de se souvenir qu’aux quatre points cardinaux, au moins, des portes sont ouvertes. À Cracovie, le pape François a encouragé les jeunes à bâtir, non des murs, mais des ponts. Nous nous souvenons que la Jérusalem céleste, qui descend d’auprès de Dieu (Ap 21, 2), est largement ouverte à tous avec ses douze portes. Il est même précisé que « jour après jour, jamais les portes ne seront fermées, car il n’y aura plus de nuit »  (21, 25).

On ne monte pas tout seul à Jérusalem : « C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur ». Nous devons marcher ensemble, en communautés missionnaires, en communautés de proximité, entraînant avec nous tous ceux que nous pouvons, tous ceux qui le veulent bien. Nous montons « pour rendre grâce au nom du Seigneur » (On pourra reprendre, dans notre patrimoine toulousain, le livre de l’abbé Louis Monloubou, sur L’âme des psalmistes ou la spiritualité du psautier, notamment le chapitre intitulé : « Le pèlerinage des pauvres en Sion » (chapitre VI) : « Un horizon exceptionnel ? Un panorama unique ? Non ! beaucoup plus, beaucoup mieux : un mystère ! À ces chercheurs fatigués, dont un minuscule point géographique fascine soudain le regard, déjà “Dieu apparaît en Sion” (83, 8). Gageons que si le pèlerin en est à sa première visite son regard n’a pas atteint de suite une telle profondeur ; la signification religieuse de la Ville n’a pas, tout de suite, confisqué son attention et monopolisé ses pensées. Son admiration se porte sur les choses colorées, étonnamment vivantes qu’il aperçoit enfin. Il ne s’étonne donc nullement d’entendre son compagnon de voyage, poète à ses heures, se laisser dominer par l’émotion et brandir avec enthousiasme l’hyperbole orientale ; alors “l’humble colline de Sion”, toute écrasée pourtant par le cercle des montagnes environnantes, devient un royal sommet : montagne de rêve, aux dimensions plus ou moins mythiques, assez peu comparable, noterait un esprit borné, à la silhouette timide du divin rocher » (p. 75-76, Mame, « Paroles de vie », Tours, 1968).
Ce qui nous rappelle l’importance centrale de l’Eucharistie dans la vie du Peuple de Dieu en marche : nous avons à y réfléchir de façon pratique dans nos nouveaux doyennés.

La fin du psaume est un appel vibrant au bonheur et à la paix, la seconde n’étant que la forme la plus pleine, la plus communautaire, du premier. « Appelez le bonheur sur Jérusalem : Paix à ceux qui t’aiment ! Que la paix règne dans tes murs, le bonheur dans tes palais ». Tous les psaumes graduels tendent à cette paix, à travers les épreuves et les combats, comme la vie de chacun de nous, de nos familles, de nos communautés et de nos nations le montre bien. Il ne s’agit donc pas d’un quelconque irénisme, mais d’une espérance vivante et résolue, d’un engagement commun pour la paix. Évidemment, nous pensons à la Jérusalem de la terre, lieu de continuels conflits, ou de hauts murs séparent et divisent des communautés qui feraient mieux de se respecter en nourrissant la paix.La conclusion revient encore à cette paix : « À cause de mes frères et de mes proches, je dirai : Paix sur toi ! À cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien ». Toujours la paix, le bien et le bonheur, non de façon individualiste, mais communautaire. Nous construisons cette paix sur la terre avec notre Père qui est aux cieux et avec nos frères et sœurs d’ici-bas, mais notre regard de pèlerins se porte, en même temps, sur cette Maison du Seigneur qui est la Jérusalem d’en haut, cette Demeure que Jésus ressuscité est allé nous préparer (cf. Jn 14, 2-4), tout en nous montrant le chemin pascal qui y mène. Il reste avec nous sur la route, comme avec les pèlerins d’Emmaüs.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Psaume 121


Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »

Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs :
ville où tout ensemble ne fait qu’un !

C’est là que montent les tribus,
les tribus du Seigneur,
 là qu’Israël doit rendre grâce
au nom du Seigneur.

C’est là le siège du droit,
 le siège de la maison de David.

Appelez le bonheur sur Jérusalem :
« Paix à ceux qui t’aiment !

Que la paix règne dans tes murs,
le bonheur dans tes palais ! »

A cause de mes frères et de mes proches,
je dirai : « Paix sur toi ! »

A cause de la maison du Seigneur notre Dieu,
je désire ton bien.

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones