Psaume 132

 

Méditation de Monseigneur LE GALL

"Vivre ensemble et être unis"

 

« Oui, commence le psalmiste, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis ! » Encore un bijou de psaume, qui en dit long en trois versets, comme le 130e et le 133e. Les pèlerins de la Jérusalem nouvelle ont la joie de se retrouver, de marcher ensemble, d’être unis. Cela n’implique pas qu’ils soient ensemble physiquement ; les Jacquets – nom donné aux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle – souvent marchent seuls ou en petits groupes ; au cours de la journée, ils prennent de la distance, s’approchent de l’un ou de l’autre, repartent un moment, mais le soir, ils se retrouvent à l’hôtellerie, pour parler, chanter, échanger, se reposer, se refaire ensemble, parfois en participant à la messe.

Il en va de même pour nos communautés diocésaines, en route avec le Christ vers le Père. Chacune de ces communautés de disciples avance avec les autres, vers les autres, dans un rythme et une allure qui lui est propre. Nous ne sommes pas alignés pour une course comme aux Jeux olympiques, même si Paul aime prendre cette image sportive, pour dire que nous devons aller de l’avant et tâcher de dépasser nos limites, avec les sacrifices que cela demande (1 Co 9, 24-27). Une paroisse, un curé, une équipe d’animation pastorale avancent selon leurs personnalités, leurs grâces et leurs initiatives, ce qui est bon. À condition que chacun veille, là où il est, au niveau de subsidiarité où il se trouve placé, à rester attentif aux autres et au mouvement général. L’unité fraternelle que nous devons nourrir, chaque jour, avec délicatesse n’est aucunement une raide uniformité : nous sommes différents et complémentaires, ce qu’il nous faut découvrir et admettre, pour vivre ensemble de plus grandes possibilités apostoliques. Différents, tous importants pour les uns et pour les autres, mais pas divergents ni opposables.

La grande prière de Jésus à son Père, avant de partir « pour son exode qui allait s’accomplir à Jérusalem » (Lc 9, 31), est pour l’unité de ses disciples, à qui il venait de recommander, avec insistance, de s’aimer les uns les autres (Jn 15, 12.17). Au moment où sonne son Heure, où il va se sanctifier pour eux, l’objet de son intercession est clair : « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (17, 20-21). Cette unité n’est pas n’importe laquelle, puisque Jésus continue : « Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (22-23).

L’unité des disciples est le signe privilégié qui invite à croire. On sait combien Jésus attend, particulièrement dans le quatrième Évangile, notre réponse engagée à son appel, pour adhérer à lui dans la foi. « Qu’ils soient un pour que le monde croie, pour que monde sache ! ». La prière de Jésus se fait pathétique : il en va de l’avenir de sa mission de salut.

Le psalmiste prend une image : « On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron, qui descend sur le bord de son vêtement » (« Les litanies de la torah introduisent les louanges des 15 cantiques des Degrés, les shiré ha ma’alot », André CHOURAQUI, Les Psaumes, Presses Universitaires de France, 1956, p. 29.). Le psaume précédent est revenu sur le Temple, et plus encore sur la lignée de David qui aboutit au Messie, celui qui, par excellence, a reçu l’onction, celle de l’Esprit-Saint, dont les autres ne sont que des figures ou des prolongements. Ici, c’est du grand-prêtre qu’il est question, qui, lui aussi, reçoit une onction. Le Christ est la tête de son Corps, qui est l’Église : l’onction de l’Esprit, qu’il a reçue du Père, se répand sur tous les membres de son Corps ; on l’appelle la grâce « capitale », parce qu’elle vient de la tête (caput en latin). Dans et pour la diversité de leurs fonctions, les différents membres de ce Corps reçoivent le même Esprit, source et âme de leur unité. Tous les fidèles sont solidaires dans cet organisme, où chacun à sa place. C’est pourquoi nous devons travailler à cette unité vivante et vivifiante, à tous les niveaux. Dans une Église locale, dotée de tous les moyens de salut venus du Christ, ce qu’est un diocèse, en lien avec le Pape et les autres Églises particulières, le signe et l’instrument de l’unité est l’évêque. Plus qu’un autre, il ressent les hauts et les bas de cette unité toujours à refaire. Lors de son ordination, il reçoit l’onction du saint-chrême sur la tête, comme grand-prêtre de son peuple, pour répandre sur lui, avec ses collaborateurs, les prêtres, et l’aide des diacres, les dons de Dieu que tous ont à mettre en œuvre. L’onction de l’Esprit, reçue au baptême et à la confirmation, nous est à tous nécessaire, pour que grandisse dans l’unité et l’harmonie le Corps du Christ qu’est l’Église.

Une autre image est donnée de cette unité qui vient d’en-haut et se répand de proche en proche : celle de la rosée, qui descend imperceptiblement au petit matin et qui humidifie les plantes en douceur : « On dirait la rosée de l’Hermon qui descend sur les collines de Sion, continue le psalmiste. C’est là que le Seigneur envoie la bénédiction, la vie pour toujours » (Ibid., p. 338.). La rosée a souvent été liée par les Pères à l’action de l’Esprit-Saint ; on la retrouve au début de la deuxième Prière eucharistique : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles la rosée de ton Esprit » .

L’huile et l’eau, liées au sacrifice du Christ et à l’action de l’Esprit Saint, sont des signes sacramentels, qui nourrissent l’unité du peuple de Dieu. Ils nous invitent à mettre du lien, du liant dans nos relations, dans notre attention à ceux vers qui nous allons. Comment faire de nos communautés de disciples, des communautés de proximité, où l’on perçoive cette unité qui invite à croire ? Elles sont ainsi, par leur unité-même, missionnaires.

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Psaume 132

 

Oui, il est bon, il est doux pour des frères
de vivre ensemble et d’être unis !


On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête,
qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron,
qui descend sur le bord de son vêtement.

 

On dirait la rosée de l’Hermon
 qui descend sur les collines de Sion.
C’est là que le Seigneur envoie la bénédiction,
la vie pour toujours.

 

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones