Psaume 133

 

Méditation de Monseigneur LE GALL

"Au cœur du Temple"

 

Le dernier Psaume des montées nous introduit au cœur du Temple. Le pèlerinage est accompli. On est à Jérusalem, on est dans le Temple, on est dans la maison du Seigneur, les mains levées vers le sanctuaire. C’est la nuit, c’est la paix, c’est Jérusalem ! Les pèlerins ne resteront pas dans la ville sainte : ils retourneront chez eux, rendant grâce à Dieu pour les bienfaits reçus. Restent dans le Temple les prêtres, les lévites, les chantres, tous ceux qui « servent le Seigneur ».

Deux moments de l’Ancien Testament me reviennent à la mémoire. D’abord celui de Moïse, seul admis à entrer dans la Tente où Dieu réside, pendant les années de la traversée du désert, après l’apostasie que représente l’adoration du veau d’or : « Moïse prenait la Tente et la plantait hors du camp, à bonne distance. On l’appelait tente de la Rencontre. Quand Moïse sortait pour aller à la Tente, tout le peuple se levait. Chacun se tenait à l’entrée de sa tente et suivait Moïse du regard jusqu’à ce qu’il soit entré. Le Seigneur parlait avec Moïse face à face, comme on parle d’homme à homme. Puis Moïse retournait dans le camp, mais son auxiliaire, le jeune Josué, fils de Noun, ne quittait pas l’intérieur de la Tente » (Ex 33, 7.8.11). Dieu veut habiter au milieu des siens ; il vient vers nous : il s’est fait Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ». Comme l’écrit saint Irénée, Dieu s’est habitué à vivre avec les hommes dès les premières alliances : « L’Esprit est descendu sur le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme : par là, avec lui, il s’accoutumait à habiter dans le genre humain, à reposer sur les hommes, à résider dans l’ouvrage modelé par Dieu » . L’homme a eu plus de mal à demeurer près de Dieu, comme en témoignent les aléas de l’Histoire du salut, sans parler des faiblesses personnelles de chacun d’entre nous.

Ces regards pathétiques des Hébreux, suivant Moïse quand il va rencontrer le Seigneur, sont impressionnants ; ils sont chargés d’une attente foncière. Ils disent, sans paroles, combien nous portons en nous un désir de Dieu, une aspiration à vivre une vraie communion avec lui, comme le chante, par exemple, le Psaume 62 : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi » (« Les litanies de la torah introduisent les louanges des 15 cantiques des Degrés, les shiré ha ma’alot », André CHOURAQUI, Les Psaumes, Presses Universitaires de France, 1956, p. 29) ; ou encore le Psaume 83 : « De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l’univers. Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur » (2-3). Les « Psaumes des degrés », comme on les appelle aussi, sont précisément ces chants qui mènent au lieu où Dieu nous attend et nous attire .

Avec le Psaume 133, nous sommes arrivés au but, nous goûtons la paix d’une Présence. Mais nous ne pouvons pas rester dans le sanctuaire ; Moïse, lui-même, revient au camp pour remplir sa mission de médiateur ; les pasteurs de nos communautés font de même. Le jeune Josué demeure dans la Tente qu’il ne quitte pas, ce que vivent aujourd’hui encore les moines et les moniales, ainsi que tous ceux qui ont la garde et l’animation des sanctuaires, ou les personnes qui veillent dans la solitude au cœur des villes, comme les vierges consacrées et d’autres.

L’autre épisode ancien que me rappelle le Psaume 133 est la vocation du petit Samuel au sanctuaire provisoire de Silo, après l’installation des Hébreux en Terre sainte : « Le jeune Samuel assurait le service du Seigneur en présence du prêtre Éli. La lampe de Dieu n’était pas encore éteinte. Samuel était couché dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu » (1 S 3, 1.3). On connaît ce récit qui nous touche chaque fois que nous l’entendons : par trois fois, le Seigneur appelle le petit Samuel ; il croit que c’est le prêtre qui l’appelle ; la troisième fois, Éli réalise que c’est Dieu qui veut s’adresser à l’enfant, et il lui donne un conseil qui est toujours à retenir : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (Voir David, homme de cœur, Lettre pastorale pour le Carême 2016). Comme Josué et Samuel, jeunes tous les deux, des hommes et des femmes veillent le jour et la nuit, présents à la Présence divine , attentifs à sa Parole. Celle-ci est pour chacun de nous une lumière pour nos pas, une lampe pour notre route en Église, au milieu de ce monde (cf. Ps 118, 105).

Ceux qui « veillent dans la maison du Seigneur au long des nuits » (Ps 133, 1), nous invitent à mettre, au cœur de nos vies, le souvenir de Dieu, en lien avec sa Parole, pour que nous avancions sur notre chemin, nuit et jour , le regard fixé sur la Jérusalem d’en haut, « les mains levées vers le sanctuaire » (« Les litanies de la torah introduisent les louanges des 15 cantiques des Degrés, les shiré ha ma’alot », André CHOURAQUI, Les Psaumes, Presses Universitaires de France, 1956, p. 29). Nous ne pouvons pas veiller toutes les nuits, mais nous devons prendre l’habitude de bénir le Seigneur en toute occasion, ce que la tradition juive des berakoth (« bénédictions ») a su mettre en place : « Vous tous, bénissez le Seigneur, vous qui servez le Seigneur. Levez les mains vers le sanctuaire et bénissez le Seigneur. Que le Seigneur te bénisse de Sion, lui qui a fait le ciel et la terre » (1.2.3). Trois fois revient le verbe bénir dans cet ultime psaume des Montées : plus nous bénissons le Seigneur dans toutes les circonstances de nos vies, mieux le Seigneur nous bénit de Sion, c’est-à-dire de Jérusalem ; mais il n’est pas limité à la Ville sainte, « lui qui a fait le ciel et la terre » (cf. Ps 123, 8).

 

Ainsi, frères et sœurs, bénissons le Seigneur ! Chantons et marchons, comme le répète saint Augustin dans un sermon de Pâques, nous soutenant les uns les autres dans les Montées :


Chantons ici-bas l’Alleluia au milieu de nos soucis,
afin de pouvoir le chanter un jour dans la paix.
Même ici-bas, au milieu des dangers, au milieu des tentations, chantons Alleluia. 
Mais ici au milieu des soucis, et là dans la paix.
Ici par des hommes destinés à mourir, là par ceux qui vivront toujours ;
ici en espérance, là en réalité ;
ici sur le chemin, là dans la patrie.


Aujourd’hui, frères, chantons donc Alleluia !
Non pour charmer notre repos, mais pour alléger notre fardeau.
Comme chante le voyageur, chante Alleluia.
Chante et marche !
Chante pour soutenir ton effort, ne cultive pas la paresse.
Chante et marche !
Progresse dans le bien.
Chante et marche, sans t’égarer, sans reculer, sans piétiner.
Chante Alleluia !

 

(Sermon 256)

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Psaume 133

 

 


Vous tous, bénissez le Seigneur,
vous qui servez le Seigneur,
qui veillez dans la maison du Seigneur
au long des nuits.

 


 Levez les mains vers le sanctuaire,
et bénissez le Seigneur.

 


Que le Seigneur te bénisse de Sion,
lui qui a fait le ciel et la terre !

 

 
Traduction AELF
 Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones