Rencontre avec José Raisson

S’ouvrir aux personnes en souffrance psychique

 

Comment avez-vous été amené à prendre à cœur la situation des personnes handicapées ou malades psychiques et celle de leur entourage ?


Dans notre groupe de prière nous avons fraternisé avec Marie Annick, jeune fille schizophrène qui nous a ouverts à la souffrance des malades psychiques, mais nous étions bien maladroits avec elle. Mariés depuis 40 ans avec Marie-Lou, nous avons éprouvé nous-mêmes les difficultés que vivent les familles dans l’accueil d’un enfant en souffrance. Notre fille aînée, Marie-Noëlle, qui nous a quittés récemment à l’âge de 36 ans, était autiste et porteuse d’un handicap mental. C’était dur au début. Ces personnes sont très angoissées et redoutent le contact. Notre fille n’a jamais parlé, mais nous avons appris à communiquer avec elle par son corps. Elle s’est apaisée au fil des années et sa présence nous a boostés pour comprendre que l’on peut être handicapé et heureux !


Quelles ressources avez-vous trouvées pour tendre vers ce bonheur ?


Marie-Lou connaissait déjà l’Arche de Jean Vanier avant notre mariage. Dans la prière, à Lourdes, j’avais été prévenu par Marie que nous allions accueillir un enfant handicapé. Nous avons été préparés en quelque sorte. Rapidement, nous avons cheminé avec « Foi et Lumière », un mouvement qui permet à des familles et amis d’entourer, dans la foi et la convivialité, une famille qui a un enfant handicapé. Aujourd’hui, en tant que diacre, je suis un des aumôniers de ce mouvement dans le diocèse. Nous avons aussi puisé dans la spiritualité du Renouveau dont nous sommes actuellement les délégués diocésains.
Dans nos divers engagements, nous avons souvent été présents auprès des personnes malades, surtout Marie-Lou à l’hôpital Purpan.
Depuis 2001, je rencontre des familles et amis de malades psychiques à travers le Relais Lumière Espérance qui leur propose des rencontres fraternelles puis nous avons créé avec Marie Lou un groupe Amitié Espérance qui s’adresse, lui, directement aux personnes en difficulté psychique elles-mêmes. C’est en animant à Lourdes des petites retraites dans des maisons non médicalisées où vivent ensemble ces personnes en souffrance psychique - « Les Demeures des Sources Vives » - que j’ai commencé à partager leur vie de foi.


Qu’est-ce qui est, d’après vous, particulièrement difficile pour ces personnes en souffrance psychique ?


Les maladies psychiques font peur. On a toujours du mal à en parler même si on commence à mieux comprendre certaines maladies comme la dépression ou la bipolarité. Il reste difficile d’imaginer de l’intérieur ce que peut réellement être la souffrance de personnes angoissées ou déprimées. Certains psychiatres ont longtemps culpabilisé les parents et il demeure une honte certaine à dire qu’un membre de sa famille en souffre. Les personnes touchées se jugent elles-mêmes, se sentent inutiles car elles ont du mal à travailler. Elles souffrent de faire souffrir leurs familles et croient parfois qu’elles ne peuvent pas avoir d’amis. Jésus au contraire recherche les personnes méprisées par la société.


Comment les aider à trouver elles-aussi leur bonheur ?


Nous avons tous besoin d’être aimés et d’aimer. Dans le groupe Amitié-Espérance, les personnes ne se sentent pas jugées car nous sommes vraiment à égalité les uns avec les autres, en souffrance ou non, mais tous fragiles. Nous partageons librement autour d’un thème, puis nous cherchons comment la foi peut éclairer ce thème et nous prions ensemble. Il faut beaucoup de temps à une personne en souffrance pour accepter sa maladie, pour accepter que « Dieu m’aime telle que je suis » et pour trouver dans la prière, peu à peu, une source d’apaisement et d’ouverture aux autres, à la vie. Elles ont besoin d’autres lieux de soin et de partage, nous sommes simplement un lieu qui accueille leur vie de foi.


Quels sont vos projets pour mieux accueillir et servir ces personnes ?


Avec Marie-Lou, nous participons de loin à un projet de maison d’accueil « Oasis » sur Toulouse depuis cinq ou six ans. Et j’aimerais assez vite créer un groupe de travail autour de la question de la honte. Boris Cyrulnik a écrit un beau livre sur le sujet : « Mourir de dire : la honte », c’est à dire : Plutôt mourir que dire ! ». Dans l’Évangile, la femme adultère est la figure de la honte, jusqu’à ce que Jésus lui rende la parole emmurée. Nous pourrions travailler ce thème avec un(e) psychologue, un(e) bibliste et progressivement des personnes qui sont touchées dans leur vie par ces épreuves, qu’elles soient en difficulté psychique ou du Quart-Monde ou victimes d’abus sexuels, ou anciens condamnés, etc. Mais nous avons tous à progresser dans une meilleure connaissance des maladies psychiques et à pratiquer avec les personnes qui en souffrent l’accueil réciproque, en douceur, en amitié.

 


Actualité publiée le 21 avril 2017