Sur les routes de l’exode
Cela fait
plusieurs années que nous avons quitté l’Albanie, terre où tous nos espoirs de
vivre ont été anéantis. Partir, voilà notre seule chance pour s’en sortir.
Comme Joseph et Marie prenant le chemin de l’Egypte, nous sommes des exilés.
On laisse
derrière nous une partie de
nous-même : J’ai du arrêter mon travail d’électricien, laisser des amis
comme Mirandas, Ilias et bien d’autres, la famille, je pense à Nora, la maman
d’Eleona, son frère Armand, sa sœur Stella... je m’arrête pas. Ce n’est pas
facile de les nommer sans éprouver de l’émotion. La peur d’un lendemain inconnu a remplacé la joie,
les projets de vie. On part en laissant
notre maison, et tout ce que l’on y projetait. Une partie de notre vie de
couple s’écroule.
Quelque chose de mystérieux, invisible nous
accompagne dans notre détresse. Est-ce Dieu ? Une lueur d’espoir renait de nouveau. Notre foi reste intacte.
Sur la route
de l’exil, il y a tous ces arrêts que l’on aimerait ne pas rencontrer. Arrêts
administratifs dont le passage obligé à Paris à l’OFPRA, lieu où en une heure
tu joues ton avenir en France. Arrêt parfois inhumains. Tu n’es plus une
personne mais un numéro parmi des milliers de numéros. Dans la tête tous s’embrouillent. Je ne dors
plus la nuit.
Sur la route
de l’exil, il y a tous ceux que nous rencontrons, qui vivent la galère, qui
désespèrent, qui n’en peuvent plus. Je pense à Létage, à Xharfar et son épouse Florige. Nous nous
sommes soutenus dans les épreuves. Mais il y a aussi tous ceux qui nous
accompagnent, cherchant avec nous des solutions, des pistes d’avenirs, la
Cimade et le secours catholique où nous avons eu notre premier cours de
français à Montauban. Leurs présences nous a réchauffés le cœur, elles
apportent avec elles le réconfort, la parole qui nous fait du bien, la poignée
de main qui nous relance dans la course
de la vie. Présence, lumière qui brille, qui déchire quelquefois la nuit que nous traversons. Rien n’est
impossible à Dieu.
Sur la route
de l’exil, il y a ceux avec qui nous nous arrêtons. Ceux qui nous ouvrent leurs
cœurs, leur maison : les paroissiens de Saint Paul des Nations et plus
précisément Odile et Christian. Ceux avec qui nous allons relire notre histoire
dans le local de la pastorale des migrants. Ceux avec qui nous pouvons redire que cette fois-ci on va s’en sortir.
Sur la carte
routière de l’exil, nous arrivons à notre point de destination. Enfin se précise une pause, une halte hors de
cette énorme agglomération toulousaine. C’est le temps de reconstruire, de tout
reconstruire, en famille, mais également avec les nouveaux amis : Annie,
Simone et tous les autres. C’est le
temps des mercis…