Homélie de la Messe chrismale 2023

Mgr de Kerimel, Archevêque de Toulouse

Homélie de la Messe chrismale 2023

La Messe chrismale que nous célébrons est une bonne occasion de contempler le mystère de l’Église dans son unité et dans la diversité de ses membres et de leurs fonctions. L’Église est belle de la beauté du Christ, l’Église est sainte de la sainteté du Christ et elle possède en elle tous les moyens de la sanctification que lui a confiés le Christ. Elle est la Maison de Dieu, le Corps du Christ. L’Église n’est pas une entreprise, elle n’est pas une association, elle n’est pas le fruit d’une initiative humaine ; elle est voulue par le Christ et organisée par Lui. Le Christ en est le Seul Chef, Il conduit son Église, aujourd’hui comme hier, à travers les vicissitudes de l’histoire.

La Messe chrismale rassemble le peuple sacerdotal que nous formons dans le Christ. Elle est la fête de l’onction sainte qui a fait de nous des baptisés et des confirmés, prêtres, prophètes et rois, l’onction qui a fait aussi de certains d’entre nous des prêtres selon le sacerdoce ministériel ; les uns et les autres participent au sacerdoce du Christ selon deux modes de nature différents.

Le Christ est le Grand Prêtre de l’Alliance Nouvelle et Éternelle qui, en mourant sur la croix, a offert le sacrifice unique qui sauve le monde. Il nous a réconciliés avec Dieu. C’est par Lui que nous avons accès auprès du Père, c’est par Lui et dans l’Esprit Saint que nous prions et que le Père accueille nos louanges et nos demandes. Jésus a fait de tous ceux qui croient en Lui et ont été initiés à la vie d’enfants de Dieu un royaume et des prêtres, chargés d’offrir des sacrifices spirituels à Dieu par Lui, avec Lui, en Lui. Le baptême nous invite à faire de nous-mêmes une éternelle offrande à la gloire du Père, comme le dit la troisième prière eucharistique. Le sacrifice spirituel consiste à ordonner à Dieu nos volontés dans l’obéissance de la foi, à Lui signifier notre amour par la prière personnelle et communautaire, par des petits sacrifices et par toute notre vie. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus savait faire de tout ce qu’elle vivait dans ses journées, jusque dans les plus petites choses, des actes d’amour envers Dieu. Elle disait que ramasser une épingle avec amour pouvait sauver une âme ; et elle s’employait à travailler pour le Christ à travers ces petits sacrifices spirituels.

Au baptême, nous avons donc été consacrés à Dieu par l’onction ; d’une certaine manière, nous ne nous appartenons plus, nous appartenons à Dieu, pour faire sa volonté, pour collaborer à la mission du Christ dans le monde jusqu’à la fin des temps. Les diverses formes de la vie consacrée dans l’Église rappellent à tous les baptisés la réalité de la consécration baptismale dans le Christ. Chacun de nous peut dire avec Jésus et en Lui : « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé…  ». Toute l’Église que nous formons est consacrée et envoyée pour annoncer la Bonne Nouvelle par la Parole et par les actes.

Le Christ, consacré par l’Esprit Saint, a transmis cette onction de l’Esprit à ses apôtres pour qu’ils la transmettent à leur tour. Il a confié sa Parole et ses sacrements aux apôtres et à leurs successeurs qui les dispensent avec l’aide des prêtres, leurs collaborateurs. Le sacerdoce des baptisés suppose le sacerdoce ministériel, de même que le sacerdoce ministériel est ordonné au sacerdoce baptismal. Sans prêtre, le sacerdoce baptismal ne peut s’accomplir pleinement. L’évêque et les prêtres sont intendants des mystères du Christ, intendants de la Parole de Dieu et des sacrements nécessaires à la consécration des croyants et au déploiement en eux du sacerdoce baptismal. Ils sont au service des fidèles pour leur dispenser les dons de Dieu. Les prêtres agissent au nom du Christ et de l’Église, non pas en leur nom personnel : une telle responsabilité demande une grande union au Christ, une grande fidélité à sa volonté ; le prêtre s’efface devant le Christ qui veut agir à travers son serviteur. Pour autant, les ministres ordonnés choisis par le Christ et l’Église ne sont pas des surhommes ; ce sont des hommes pécheurs comme chacun des fidèles. Déjà les apôtres avaient montré leurs limites. Chers frères prêtres, chers frères diacres, vous savez d’expérience combien nous ne sommes pas à la hauteur de la confiance que le Christ nous fait, ni à la hauteur de la mission qu’Il nous confie ; mais vous savez aussi d’expérience qu’Il agit à travers nos pauvres personnes. Frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur pour les prêtres qui nous dispensent la Parole de Dieu et les sacrements, et prions pour les vocations sacerdotales.

Participants tous du sacerdoce du Christ par l’onction, quoique selon des modes différents de nature, nos premières préoccupations doivent être notre attachement au Christ et la mission. Il serait souhaitable que nous nous stimulions les uns les autres dans ces deux domaines. C’est une question de foi qui est le grand défi pour l’Église aujourd’hui. Si l’Église doit évoluer aujourd’hui, c’est avant tout dans une plus grande fidélité au Christ, dans un témoignage plus fidèle à l’Évangile, mais pas pour satisfaire à l’esprit du monde. Si nous sommes centrés sur le Christ et sur la mission, nous éviterons bien des égarements et des conflits stériles, nous prendrons conscience que nous avons tous besoin les uns des autres, ministres ordonnés ou institués, consacrés, fidèles laïcs, pour accomplir la mission que Jésus a confié à son Église. Levons les yeux ! Nombreux sont les pauvres qui attendent la Bonne Nouvelle, nombreux sont les aveugles qui cherchent à voir, les captifs qui attendent une libération, les personnes en deuil à consoler, les cœurs brisés à soigner. Le monde est bouleversé et en danger ; il guérira par les soins du Christ, dans la mesure où les disciples du Christ s’approcheront, comme le bon samaritain, pour répandre sur ses blessures l’eau qui purifie et l’huile de l’onction qui sanctifie. À nous de lui apporter la Bonne Nouvelle et les sacrements qui peuvent le guérir.

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

 


Actualité publiée le 4 avril 2023