Les lieux du baptême

Les lieux du baptême

 

Bien souvent, lorsque nous franchissons l’entrée d’une église le premier endroit que nous rencontrons est le baptistère. Il est le lieu de mémoire pour tout baptisé et pour la communauté à laquelle il appartient. La Commission d’Art Sacré de Toulouse vous propose quelques éléments de réflexion permettant de prendre conscience de l’importance de ce lieu.

 

I/ Historique du baptistère des premiers siècles à nos jours

 

  • Les premières formes de baptistères :

Jésus fut baptisé dans le Jourdain par Jean. Mc 1, 9

Lorsque les premières communautés chrétiennes ont commencé à baptiser loin du Jourdain, dès l’époque de Constantin, elles ont construit les premiers baptistères à proximité des cathédrales.

Il n’existait pas deux baptistères semblables. C’était des édifices rectangulaires, circulaires ou octogonaux au plan centré abritant une piscine qu’on appelait fontaine ou cuve baptismale, d’où le nom qui adviendra « fonts baptismaux » ou « baptistère » (du grec baptistêrio,). Certains d’entre eux étaient creusés, en forme de croix ou de quadrilobes. D’autres étaient surélevés, de forme octogonale et disposant parfois d’une fontaine jaillissante. Le catéchumène-avec le célébrant- descendait d’un côté pour en remonter de l’autre, afin de signifier clairement le passage par lequel il s’engageait à la suite du Christ. Ils n’étaient théoriquement ouverts que pendant la veillée pascale pour bien marquer le lien entre le sacrement et la Résurrection du Christ.

 

  • Les changements postcarolingiens :

La piscine est ensuite sortie du sol pour devenir une cuve, l’usage de l’eau courante est abandonné. A partir de la fin du VIIIe siècle, vu le grand nombre d’enfants à baptiser, le baptême n’est plus donné uniquement par l’évêque, mais désormais en paroisse. On installa à la demande de Charlemagne, de grandes cuves posées à même le sol dans les églises ; ces cuves permettaient encore le baptême par immersion.

Si quelques cuves sont en métal, la majorité d’entre elles sont en pierre selon la prescription du pape Léon IV (847-855). Conciles et rituels insistent même sur la nécessité d’utiliser une pierre non poreuse qu’ils préconisent de doubler intérieurement de plaques de marbre ou de feuilles de plomb ou de cuivre si son étanchéité n’est pas sûre. Dans l’histoire, des indications synodales, demandent « la nécessité de les ouvrir et de les fermer à clé pour empêcher tout blasphème et éviter un usage abusif de l’eau bénite qu’ils contiennent. »

Le baptême de Rollon au IXe siècle

Dans le courant du XIIe siècle, les baptêmes d’adultes devenant de plus en plus rares, les baptêmes par effusion remplacèrent complètement ceux par immersion. On réduisit alors la taille des fonts baptismaux pour les incorporer aux églises. Il n’y existe plus d’adduction d’eau, celle-ci est versée directement dans la cuve baptismale qui est munie d’un orifice d’évacuation vers la terre. Le  mouvement de « descente et remontée » n’existe plus, de même il n’existe plus d’allusion au Jourdain ni à l’eau vive. L’utilisation des baptistères, situés en dehors des églises, tombe progressivement en désuétude et est abandonnée.

 

  • A partir du XIVe siècle :

Les nouvelles cuves baptismales sont désormais plus petites et posées sur un pied central parfois renforcé de colonnettes. Certaines d’entre elles pouvaient être doubles. L’une servait de réserve d’eau bénite, l’autre servait au rituel par effusion. Toutes étaient fermées par un couvercle voire un dôme. En pierre parfois sculptée, elles étaient de forme ronde, ovale, rectangulaire ou octogonale.

 

Aujourd’hui encore, le baptistère se trouve bien souvent à l’entrée de l’église, près de la porte afin de signifier que le baptême est la « porte qui ouvre l’accès aux autres sacrements » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1213)

 

Baptême de Charles VI, vers 1370

 

II/ Valeur du baptistère

Le baptistère n’est pas un simple meuble ou accessoire de l’église comme les bénitiers et les confessionnaux mais un lieu de célébration, « Le baptistère (ou fonts baptismaux) est un lieu : c’est là que jaillit la fontaine baptismale (…) Il doit être réservé à la célébration du baptême et bien mis en valeur, car c’est là que les chrétiens renaissent de l’eau et de l’Esprit Saint » (Rituel du Baptême des Petits Enfants, n°25)

C’est aussi un lieu de mémoire qui signifie la naissance de tout baptisé dans la foi de l’Eglise, c’est la raison pour laquelle il est important d’y apporter la dignité due à ce qu’il représente. Il est un lieu essentiel de toute église paroissiale, il doit être visible et accessible à plus de cinq-six personnes.

 

III/ Quatre lieux au service du baptême

La liturgie baptismale est un cheminement d’un lieu à l’autre dans le bâtiment église, il est un itinéraire de la foi à partir des quatre temps de la liturgie du baptême.

- Le lieu de l’accueil : la porte, le porche le narthex comme lieu de passage vers l’église, l’enfant ou le catéchumène y sont accueillis dans la communauté chrétienne, pour être marqués de la croix, signe du Christ notre sauveur. (Rituel, n° 116)

- Le lieu de la liturgie de la Parole : il n’y a pas de célébration chrétienne sans annonce de la Parole de Dieu. Elle doit être proclamée à l’ambon ou à un pupitre placé à demeure dans la chapelle baptismale si celle-ci est assez grande.

RBPE n° 24 « Pour la célébration de la parole de Dieu, on aménagera un lieu approprié, soit dans le baptistère, soit dans l’Eglise. »

- Le lieu du Baptême : le baptistère, " Du grec baptisma, qui signifie l’acte d’être plongé ou immergé " (Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de Liturgie), ou un autre lieu spécialement aménagé. Re-né de l’eau et de l’Esprit (Jn3, 5), le nouveau baptisé est marqué du Saint-Chrême puis reçoit le vêtement blanc et le cierge baptismal.

« Après le temps pascal, on conservera avec honneur le cierge pascal à l’intérieur du baptistère ; on l’allumera pendant la célébration des baptêmes afin de pouvoir y allumer facilement les cierges des nouveaux baptisés. » (Rituel n°25)

- Le lieu de l’autel : le baptême, premier des sacrements de l’initiation chrétienne, est le chemin vers la Confirmation et l’Eucharistie dont elle est le sommet (Rituel 1-2). Le chrétien pour vivre se doit d’être uni au Christ, en participant à la messe et en communiant à son Corps reçu à l’autel.

 

IV/ Quelques idées ? Quelques suggestions d’aménagement de l’espace baptismal

Le lieu principal de la célébration du baptême reste le baptistère. D’où l’importance de le réaménager avec soin et de l’utiliser à nouveau comme un des quatre lieux du baptême. Si cette éventualité n’est pas réalisable, il restera le lieu de mémoire et de la grandeur du mystère baptismal. (Cette mémoire peut se concrétiser par un beau panneau permettant d’y afficher les baptêmes célébrés)

Cependant, si ce lieu n’est pas adapté car trop étroit (Rituel, n°26), s’il ne favorise pas la participation des fidèles ou s’il complique les déplacements liturgiques dans l’église, des aménagements restent possibles.

Une première proposition consiste à faire déplacer de façon permanente, la cuve baptismale dans une chapelle proche de l’autel, ou dans la nef à proximité du sanctuaire, bien visible de l’assemblée. Cette intervention requiert l’accord du propriétaire de l’église (mairie) et le conseil de la CDAS.

Une deuxième proposition consiste à aménager un espace provisoire près du chœur avec une cuve amovible dont le matériau devra être digne et le socle stable. Dans ce cas, nous suggère le père Chauvet, « il serait bon, après l’écoute de la Parole d’apporter en procession, à partir du baptistère, l’eau, le saint-chrême et le cierge pascal ; on marquerait ainsi le lien de cet espace baptismal provisoire avec l’espace fixe du baptistère » (Louis-Marie Chauvet, Chroniques d’Art Sacré, n° 44, p. 12).

Nous savons que chaque lieu est unique et qu’il n’existe pas de solution toute faite. Cependant, nous souhaitons que ces quelques éléments vous seront utiles pour poursuivre votre réflexion sur l’aménagement de l’espace baptismal pour qu’il soit au service d’une pastorale bien vécue.

 

V/ Quelques créations contemporaines :

 

La construction de nouvelles églises ou le réaménagement d’édifices plus anciens, est souvent l’occasion pour les architectes de repenser l’espace baptismal. Nous avons collecté quelques exemples de réalisations contemporaines que nous vous laissons découvrir.

 

a) A l’entrée de l’église

 

Eglise du Sacré-Cœur de Salies du Salat réalisée par l’architecte parisien M. Vago :

à l’entrée de l’église, les fonts baptismaux prennent place dans une vaste chapelle indépendante, à laquelle on accède par un couloir de lumière. La chapelle est sobrement aménagée, la lumière filtrée par des vitraux bleus inonde l’espace. La cuve baptismale en marbre de Carrare est placée au centre. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

b) Dans la nef

 

Eglise Saint-François de Molitor à Paris, conçue par l’architecte Jean-Marie Duthilleul :

la cuve baptismale (à droite sur la photo) est placée dans la nef à l’entrée de l’église. Alignée sur l’autel, l’ambon puis la croix, elle fait partie de l’axe d’une mandorle formée par l’assemblée. 

 

 

 

 

 

Notre-Dame des Anges à Bordeaux :

une piscine baptismale cruciforme semblable aux piscines paléochrétiennes, a été creusée dans le sol de la nef, dans l’axe du chœur. L’objectif du projet était de rendre au baptistère son caractère de lieu de célébration articulé à celui de l’eucharistie.

 

c) Au pied ou à proximité du chœur

 

 

Cathédrale d’Evry (Essonne) conçue par l’architecte Mario Botta :

Située à l’extrémité du chœur, au pied de l’autel, la cuve baptismale est faite du même marbre blanc que celui-ci renforçant ainsi le lien du baptême à l’Eucharistie. Sa forme ronde rappelle celle de la cathédrale et est protégé par un couvercle transparent.

L’évêque a voulu, par sa forme, renouer avec la tradition des baptêmes par immersion tels qu’ils étaient pratiqués dans l’Eglise primitive dans un contexte où se multiplient les baptêmes d’adultes.

Pour des raisons de commodité, ce type de baptême n’est pratiqué qu’occasionnellement à la cathédrale. Lors des baptêmes traditionnels, le prêtre y puise l’eau pour en asperger le front du catéchumène 

 

Cathédrale Sainte-Geneviève de Nanterre :

Lors de sa rénovation en 2013 par l’architecte Jean-Marie Duthilleul, de nouveaux fonts baptismaux, ont été créés dans une chapelle latérale au chœur. Des gradins placés au fond de la chapelle permettent aux familles de s’avancer et de s’asseoir pour entendre la lecture de la Parole faite à l’ambon tout proche. La fontaine baptismale est constituée d’une petite cuve à débordement d’où jaillit l’eau, et d’un bassin creusé permettant le baptême par immersion.

 

Eglise de la Sainte-Famille d’Istres

Située dans une chapelle latérale bien visible de l’assemblée, la piscine baptismale creusée, est réservée aux baptêmes de la nuit de Pâques. Une fois refermée par une grille, une cuve située à proximité prend le relais le reste de l’année.

 

d) Derrière le chœur

 

Eglise Saint-Hilaire de Melle (79) par Matthieu Lehanneur :

Matthieu Lehanneur a proposé de placer la piscine baptismale à l’arrière du chœur dans l’espace laissé libre par le réaménagement liturgique conciliaire, pour sa proximité avec la rivière coulant en contre-bas, symbolisant ainsi la source jaillissant de la pierre (représentée par la masse de la plateforme du chœur en marbre). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

e) Sous la nef

Eglise Notre-Dame de l’Arche d’Alliance à Paris par A. Bretagnolle :

L’accès à l’église se fait par le baptistère. Une cuve octogonale du même marbre que l’autel a été placée sous l’axe (vertical) de construction de l’église elle-même située à l’étage. Elément central d’une chapelle translucide, elle reçoit la lumière zénithale grâce au pavement en dalles de verre de la nef.

 

    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie  :

DUVAL Noël et GUYON Jean, Le Baptême en Occident, La Maison-Dieu, n°193, Les Lieux de la liturgie, p. 53-70

CHAUVET Louis-Marie, Chroniques d’Art Sacré, n°44, Les lieux du Baptême, p 9-13

http://www.culture.gouv.fr/documentation/memoire/CATALOGUES/fontsbapt/fontsbapt_defrite/pdf/fontsbapt_defrite.pdf

Mâle Emile, La fin du paganisme en Gaule, Flammarion, Paris, 1962, p. 215-224

Don Robert Le Gall, Dictionnaire de Liturgie, C.L.D, Chambray-lès-Tours, 1987.