par Jean-Michel Castaing, auteur
Le propriétaire de la librairie religieuse Jouanaud, rue la Trinité à Toulouse, a atteint l’âge de la retraite, et éprouve toutes les peines du monde à vendre son commerce. L’incertitude continue de planer sur la pérennité de cette institution chère aux chrétiens toulousains.
Quel est l’enjeu de la sauvegarde de cette librairie ? Toulouse, quatrième agglomération de France, est une mégapole de plus d’un million d’habitants. Il serait désastreux pour l’évangélisation de la cité que celle-ci soit privée d’une librairie en rapport, de par sa taille et la qualité des conseils qu’elle dispense aux clients, avec le nombre de chrétiens qui y vivent. Notre ville, qui possède une des plus anciennes université d’Europe, et qui fut le berceau de l’ordre dominicain, ordre consacré à la prédication, a toujours été un haut lieu de l’intelligence théologique et spirituelle. Si la principale librairie religieuse venait à fermer définitivement ses portes, ce serait un coup très dur porté à l’annonce de Jésus-Christ.
On nous vante sans arrêt la nécessité de concilier foi et raison. Mais comment le faire, si aucun livre de théologie et de spiritualité n’est plus accessible ailleurs que sur Internet, si le client ne possède personne pour le guider dans son choix de lecture ?
Pareillement pour l’alliance du Christ et de la culture. On cite en exemple Bernanos, l’architecture, les cathédrales, la musique sacrée, Mauriac, Fra Angelico, etc. Mais si nous ne faisons rien pour préserver la librairie de la rue de la Trinité, n’est-ce pas l’accès à ces trésors par le grand public qui est remis en cause ? Pensons à tous ceux qui n’ont jamais entendu parler de Jésus-Christ (si ! il en existe !), et qui ignorent les trésors de beauté, d’intelligence et d’amour que la foi a inspiré aux théologiens, aux saints et aux artistes. Pensons à ceux qui, au détour d’une rue, entrent incidemment dans cette librairie, et y découvrent soudain toutes les merveilles de la Tradition ! N’est-ce pas à eux que l’existence de la librairie est la plus nécessaire ? Le pape François nous demande de penser aux habitants des périphéries. Les curieux qui franchissent la porte de la principale librairie religieuse de Toulouse, ne sont-ils pas de ceux-là ?
Notre ville se doit à elle-même, et à son histoire religieuse prestigieuse, de conserver cette institution, qui fait rayonner notre foi bien au-delà de l’entre-soi des croyants réguliers. Une librairie ayant pignon sur rue, en plein centre-ville, est capable de toucher les personnes qui restent sur le parvis, et que le Christ rejoint parfois avec l’achat d’un livre, d’un CD musical ou d’une monographie sur un peintre ou une cathédrale. Ces croyants « du parvis » seraient les principaux perdants de la disparition de la librairie Jouanaud, non les croyants réguliers, qui connaissent les réseaux où se renseigner et s’approvisionner.
Jean-Michel Castaing,
auteur