les ensembles liturgiques dits "boite à violon" et les autres ornements.

Dans un premier article, nous avons évoqué le vêtement liturgique, signe de la fonction du ministre qui le revêt, chaque pièce de l’ensemble liturgique est le résultat de l’évolution du vestiaire civil romain qui lui-même, signifiait la dignité de son propriétaire. L’affectation religieuse des ces vêtements est attestée dès le Vème siècle. Au fil des siècles, leur forme a progressivement évolué, notamment à partir du XVIIème siècle où la chasuble prend cette forme qui rappelle le corps du violon ; d’où son nom.

 

 L’usage des vêtements décrits ci-dessous n’est plus généralisé aujourd’hui en France sauf dans certaines situations, notamment lors de la célébration eucharistique selon le rite extraordinaire de saint Pie V. Les meubles de nos sacristies en contiennent toujours, ils méritent le meilleur soin en vue de leur conservation.

 

 

I/ Les ensembles liturgiques dits « boite à violon » :

 

La chasuble a progressivement pris cette forme de « boite à violon » dans la mouvance de la Contre-Réforme du Concile de Trente où l’Eglise a mis tout en œuvre pour magnifier le Saint-Sacrement ; le vêtement a de tous temps contribué à la beauté de l’action liturgique. Les tissus utilisés étant de plus en plus lourds les chasubles rondes et amples en étaient devenues peu pratiques. Il a donc fallu en simplifier la forme pour de ne pas entraver la beauté du geste notamment le plus signifiant de tous, celui de l’élévation de l’hostie et du calice.


Les tissus utilisés sont obligatoirement composés de fils de soie et répondent aux normes des couleurs liturgiques déjà évoquées. Un colletin, petite bande de tissu blanc ou de dentelle, est souvent cousu à l’encolure de la chasuble pour la protéger du contact de la nuque.


Des bandes de tissu parfois brodé, appelées orfrois participent à l’ornementation de la chasuble. Au dos l’orfroi cruciforme, peut être orné en son centre d’un symbole christique .

 

L’ensemble liturgique violon est complété d’une étole, d’un manipule, d’une bourse de corporal et d’un voile de calice, confectionnés dans des tissus identiques à ceux de la chasuble.


L’étole et le manipule ont suivi la même évolution dans le temps ; au XVIème siècle leurs extrémités s’évasent en forme de palette et reçoivent les mêmes ornements que ceux de la chasuble.


Le manipule ressemble par sa forme à une petite étole. Son utilisation remonterait au IVème siècle sous le pontificat du pape Sylvestre où il s’apparentait plus à un mouchoir destiné à essuyer la sueur (sudarium)ou à tenir les vases sacrés. Il devint ornement au XIIIème siècle et était porté sur le bras gauche pour la célébration de l’Eucharistie ; son usage a été abandonné pour la célébration selon le rite de Paul VI.


La bourse de corporal comme son nom l’indique, est un étui en carton recouvert de tissu coordonné et parfois d’un ornement, elle est destinée à recevoir le corporal plié et se pose sur le calice par-dessus le voile. Bien que peu utilisée, son usage est toujours en vigueur.


Le voile de calice est une pièce de la même étoffe que la chasuble destinée à couvrir le calice et la patène jusqu’à la présentation des dons. Son usage quoi que peu répandu est toujours en vigueur.


La pale est un petit carré de tissu rigidifié par du carton glissé entre ses épaisseurs ; elle est destinée à couvrir le calice afin d’en protéger le contenu d’éventuelles souillures. Autrefois couvertes de tissus colorés brodés ou peints, entourées d’une crépine (dentelle) en fil métallique doré les pales sont aujourd’hui faites de lin blanc brodé parfois d’une simple croix.

Cette pale est ornée en son centre d’un pélican qui nourrit ses petits.

 

 

 

Le pluvial , autrement appelé chape, a suivi la même évolution de style que la chasuble baroque jusqu’au XIXème siècle ou il devient lourd et rigide, richement ornementé. Le pluvial est utilisé aux offices solennels en dehors de la messe, aux processions et, autrefois, aux enterrements et absoutes.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’étole pastorale est une étole plus richement décorée car plus visible, dont les pans sont maintenus par un cordon sur le devant. Cette étole se porte sur le surplis et est utilisée pour l’administration des sacrements et la prédication.


Le voile huméral est une longue écharpe de deux mètres sur quatre-vingt centimètres portée principalement lors des processions du Saint-Sacrement. Elle se porte sur les épaules, est fermée par une agrafe et couvre les mains de l’officiant lui évitant le contact avec l’ostensoir. Le voile huméral est généralement blanc ou doré et est orné en son centre d’un symbole christique. L’usage du rouge peut être réservé aux bénédictions avec un reliquaire de la vraie Croix.


La dalmatique, le vêtement du diacre, a été retenue pour sa forme courte aux manches amples, comme le vêtement du service par excellence. Dès le XVIème siècle elle est confectionnée de lourds tissus assortis aux chasubles ; afin de permettre au diacre d’accomplir son service elle prend alors la forme d’un double tau entièrement ouvert sur les côtés, libérant les bras des manches.

 

II : symbolique iconographique :

 

L’Agneau de Dieu :

L’image de l’agneau est étroitement liée au mystère pascal comme accomplissement dans le Christ, d’une autre Pâque, celle de la libération d’Égypte du peuple hébreu.

L’image de l’agneau ou de la brebis se réfère au mode de vie pastoral d’un peuple d’origine nomade qui vivait essentiellement de l’élevage de petit bétail. C’est tout naturellement, que dans la Bible, le peuple de Dieu est comparé à un troupeau de brebis dont le pasteur prend soin. L’agneau fait aussi partie des animaux que l’on sacrifie en offrande à Dieu, en témoigne l’épisode du Sacrifice d’Abraham que nous relisons lors de la Vigile pascale.

C’est dans le livre de l’Exode qu’il prend une valeur symbolique fondamentale. Au moment venu de se préparer à fuir d’Égypte Dieu par l’entremise de Moïse et Aaron, institue un nouveau rituel qui commémorera la libération de l’esclavage. En effet, les hébreux sont invités à sacrifier un agneau sans défaut et à marquer leurs maisons de son sang afin d’être préservés du châtiment divin destiné à pharaon. Ce sacrifice, renouvelé à chaque commémoration de la Pâque, deviendra un signe lié au salut.

Les Chants du serviteur du Second Isaïe, évoquent un serviteur de Dieu, lumière des nations qui rassemble son peuple et qui « comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir » expie les fautes du peuple par sa mort (Is 53, 7) et est glorifié par Dieu.

Saint Jean le Précurseur, désigne ainsi le Christ lors de son baptême dans le Jourdain : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » (Jn 1,29). A notre tour, lorsque le prêtre reprend les paroles de Jean avant la communion, nous sommes invités à reconnaître le Christ Sauveur du monde dans l’hostie consacrée. La tradition chrétienne a très tôt reconnu dans le Christ le « véritable Agneau qui a ôté les péchés du monde », (Préface de Pâques) et ce, probablement dès la résurrection, à la relecture des évènements. 

L’agneau, symbole du Christ, est représenté selon deux modèles distincts, toujours en lien avec l’eucharistie sur les façades d’autels, de tabernacles, d’ostensoirs, d’ornements liturgiques, etc. :

  • l’agneau immolé 

Un agneau, ici représenté debout tient, maintenu par l’une de ses pattes, un étendard rouge symbole de la Résurrection. L’agneau porte le nimbe marqué d’une croix, réservé à la personne du Christ, il est représenté sur une gloire rayonnante qui symbolise la présence invisible mais agissante du Christ ressuscité lumière du monde.

Ici, brodé au fil or, sequins et canetilles, sur le dos d’une chasuble.

 

 

 

  • L’Agneau couché sur le livre aux sept sceaux :

l’agneau est couché sur une croix, elle-même posée sur un livre où sont représentés sept sceaux figurés sur ce modèle par des petites verroteries de couleur ; à l’arrière est brodée une gloire similaire à la précédente.
Le livre aux sept sceaux est directement tiré du livre de l’Apocalypse de Saint Jean. Il contient la révélation de ce qui doit venir, seul le Christ est digne d’ouvrir les sceaux qui le ferment.


 

 

 

La colombe :

Par sa blancheur et sa grâce, la Colombe est devenue depuis l’antiquité, symbole d’amour et de paix. Dans l’Ancien Testament, elle est messagère de bonne nouvelle (Gn 8, 10-11) lorsqu’elle ramène à Noé un rameau d’olivier comme témoin de la décrue des eaux.

Dans le Nouveau Testament, c’est sous la forme d’une colombe que l’Esprit Saint descend sur le Christ, légitimant ainsi sa filiation divine. « Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau ; et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. » (Mt 3, 16). Cette forme a été reconnue très tôt dans l’iconographie chrétienne pour symboliser l’action de l’Esprit Saint.

La colombe dans l’Antiquité, symbolisait aussi les âmes, sous forme de deux colombes s’abreuvant à la source de la mémoire. Cette scène très ancienne a pris une valeur eucharistique dans le christianisme.

 

Le pélican :

cet oiseau décrit par des auteurs très anciens était connu pour sa manière très particulière de nourrir ses petits. La croyance commune voulait qu’il tire sa nourriture de ses entrailles, se sacrifiant ainsi pour les nourrir ; son sacrifice a été apparenté à celui du Christ Sauveur qui nourrit les hommes de son corps et de son sang dans l’Eucharistie.


Ce pélican nourrit ses trois petits les ailes largement déployées. Le sacrifice est symbolisé par les rehauts rouges à l’emplacement du cœur. Le tressage de son nid n’est pas sans rappeler la couronne d’épines, à l’arrière figure toujours la gloire rayonnante.

Ce symbole se retrouve parfois au sommet de la croix de certaines représentations de la crucifixion.


Le trigramme IHS :

Il représentait à l’origine les deux premières et la dernière lettre du nom grec de Jésus IHΣOYΣ. Cette première définition a laissé peu à peu la place dans la tradition latine, aux initiales de Iesus Hominum Salvator signifiant Jésus Sauveur des Hommes.

Au XVe siècle le franciscain saint Bernardin de Sienne compose l’emblème d’un trigramme en lettres gothiques, surmonté d’une croix et entouré d’une gloire rayonnante, qu’il expose à la vénération des fidèles pour raviver leur dévotion au nom du Christ.

Un siècle plus tard saint Ignace de Loyola l’apposera sur son blason de supérieur général de la Compagnie de Jésus ; ce qui participa à sa diffusion universelle.

 

Le Sacré-Cœur de Jésus :

Dans la tradition chrétienne, le coeur est le siège de l’amour charitable dont il partage la même racine et qui est à l’origine du sacrifice du Christ mort sur la croix pour notre salut : "Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jn 15, 13). Il se rapporte à l’épisode de la Passion du Christ où selon Saint Jean les soldats brisent les jambes des crucifiés mais transpercent le côté du Christ d’où jaillissent du sang et de l’eau (Jn 19, 32-34).

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus s’est développée à partir du XVIIe siècle et a pour origine les visions qu’a reçues une moniale visitandine sainte Marguerite-Marie Alacoque, du Christ montrant ce "Coeur qui a tant aimé les hommes".

La représentation du Sacré-Cœur peut être composée d’un seul cœur saignant et couronné d’épines ou accompagné d’un deuxième cœur couronné de roses et transpercé d’un glaive. C’est celui de Marie et se rapporte à prophétie du vieux Syméon au Temple "Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël (...) et toi-même une épée te transpercera l’âme !" (Lc 2,34-35)

 

 

Le chrisme :

Il est formé des deux premières lettres entrelacées du nom grec du Christ, Χριστός, le khi et le rho. Cette calligraphie peut être complétée d’une barre horizontale qui rappelle la croix.

Il est souvent accompagné de l’alpha et de l’omega première et dernière lettres de l’alphabet grec et qui qualifient la personne du Christ tel qu’il le proclame lui-même dans l’Apocalypse de Saint Jean : « C’est moi qui suit l’Alpha et l’Omega » (Ap 1,8). Une prière du rite d’ouverture de la Vigile pascale prononcée par le célébrant en traçant ces deux lettres au dessus et au dessous de la croix du cierge pascal, reprend ce verset du livre de l’Apocalypse : « Le Christ, hier et aujourd’hui, commencement et fin de toute chose. »

L’ensemble peut être entouré d’un cercle ou d’une mandorle (ovale en forme d’amande) pour en signifier l’origine divine.


Le triangle trinitaire :

Il s’agit d’un triangle équilatéral qui signifie l’unité de la Trinité et la nature identique des trois personnes qui la composent. On peut y voir inscrit le Tétragramme hébraïque י ה ן ה (YHWH) du nom de Dieu, ou bien plus rarement, un œil qui signifie l’omniprésence de Dieu. On retrouve ce symbole principalement sur les pentes du dais de procession.

 

Les autres symboles :


Le monogramme marial est constitué des deux initiales entrelacées de "Je vous salue Marie", Ave Maria. Elles sont souvent entourées d’une couronne de lys symbolisant la pureté et la virginité de Marie.

 

 


La rose rouge, symbole du sang versé par le Christ peut être brodée au fil d’or ou d’argent sur le vêtement ou tout simplement faire partie intégrante du tissu comme ce drap d’or broché.

 

 


Le blé et la vigne, qui symbolisent le corps et le sang du Christ dans l’Eucharistie, sont autant représentés sur les tissus qu’en orfèvrerie. Ces motifs sont soit brodés ou soit brochés dans le tissu.

Sur ce conopée ils sont brodés au fil or et sequins, en une guirlande, entrelacés avec des roses.

 

 

 

III/ Les parements d’autel et autres ornements :


Les tours d’autel sont de longues bandes de soie colorées ou de drap d’or souvent richement ornés de broderies et ornementés d’un symbole christique ou représentant la Vierge ou les saints qu’ils honorent. Il se pose sur le pourtour de l’autel tridentin.

Le dais de procession est un baldaquin formé d’une armature en bois munie de quatre hampes, couverte d’un ciel, pièce d’étoffe de soie ou de velours blanche ou rouge, et de quatre pentes souvent ornées de broderies. Le dais est utilisé lors des processions du Saint-Sacrement, des reliques ou de la statue d’un saint à honorer.

Le conopée est un parement destiné à couvrir le tabernacle lorsque celui-ci abrite le Saint-Sacrement. Il rappelle symboliquement la Tente qui abritait l’arche d’Alliance, demeure de Dieu parmi les hommes. Aux couleurs liturgiques de la période de l’année leur ornementation a aussi évolué en fonction des différentes époques.

Le pavillon de ciboire est un voile de soie blanche souvent orné, de forme circulaire ou à pans, il sert à couvrir le ciboire lorsque celui-ci renferme des hosties consacrées.

La bannière ou voile de ciborium est un rectangle de tissu ornementé que l’on posait sur le devant du ciborium afin d’en voiler l’ostensoir.

Les bannières sont des étendards ornés d’images ou inscriptions portés en procession par les fidèles ou les membres de confréries religieuses.

 

Bibliographie :


Berthod B. Hardouin-Fugier E., Dictionnaire des Arts Liturgiques, l’Amateur, Paris, 1996


Dom ROBERT LE GALL, Dictionnaire de liturgie, C.L.D., Chambray-lès-Tours, 1987

 

Léon-Dufour Xavier, Vocabulaire de théologie biblique, CERF, Paris, 1971

 

Feuillet Michel, Lexique des symboles chrétiens, Presses universitaires de France, Paris, 2004

 

Scherrer Monique, Dico des symboles chrétiens dans l’art, Bayard éditions, Montrouge, 2009

 

 


La symbolique des ornements : 

L’Agneau de Dieu : Jean-Baptiste désigne ainsi le Christ lors de son baptême dans le Jourdain "Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde". Cette phrase, prononcée juste avant la communion nous invite à reconnaître le Christ Sauveur du monde dans l’hostie consacrée.

Agnus Dei. Ce médaillon réalisé avec de la cire du cierge pascal de l’année passée, était exposé sur l’autel ou ailleurs dans l’église, le Samedi saint. Cette tradition viendrait d’une coutume ancienne qui consistait à récupérer la cire de ces cierges comme protection contre le démon. (Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de liturgie)

Le Pélican : cet oiseau décrit par des auteurs très anciens était connu pour sa manière très particulière de nourrir ses petits. La croyance commune voulait qu’il tire sa nourriture de ses entrailles, se sacrifiant ainsi pour les nourrir. Son sacrifice a été apparenté à celui du Christ Sauveur qui nourrit les hommes de son corps et de son sang dans l’Eucharistie.